CA Paris, 7 avril 2015, RG n° 13/21690
Lorsque le cessionnaire de droits d’auteur ne respecte pas les termes de l’autorisation d’exploitation conférée par l’auteur de l’œuvre exploitée, le dépassement du champ d’exploitation autorisé constitue une contrefaçon.
Une société intervenant dans le secteur des cosmétiques et de la parfumerie a eu recours à une agence de communication pour l’élaboration d’une image destinée à illustrer la campagne de publicité d’un nouveau produit de soin. Pour la réalisation de la photographie, l’agence sollicita elle-même un photographe qui a établi un devis faisant notamment état de droits d’utilisation pour les territoires « USA, Europe, Middle East » et pour les supports « PLV, Edition, Presse féminine et professionnelle, Internet » pour une durée d’une année. Suite aux prises de vue, différentes retouches furent apportées pour aboutir à la version finale de l’image qui sera utilisée pour la commercialisation du produit.
Considérant que la photographie était utilisée au-delà des termes de l’autorisation d’exploitation, le photographe a fait procéder à des saisies-contrefaçons avant d’engager une action en contrefaçon tant à l’encontre de la société exploitant l’image que de l’agence de communication.
Dans le cadre de l’action en contrefaçon, les défenderesses contestaient l’originalité de la photographie – condition de protection posée par le code de la propriété intellectuelle –, et donc l’existence de droits d’auteur sur celle-ci. Cet argument reposait sur l’idée que, d’une part, la maquette avait été réalisée pour répondre à une commande sur la base de briefs communiqués par le client et que, d’autre part, le directeur de création de l’agence avait participé aux différentes étapes de création, ce qui priverait le photographe de toute liberté de création. Les juges d’appel ne vont pas suivre l’argument et reconnaître au contraire l’originalité de la photographie. Après avoir établi que la photographie finale se différenciait de la maquette reproduisant les instructions du client, les juges vont relever que la photographie faisait ressortir les caractéristiques de son travail artistique (par référence à ses précédents travaux).
Enfin, les retouches apportées relevaient du simple nettoyage afin d’éclaircir quelques couleurs, affiner le grain de peau du mannequin, ce qui n’était pas de nature à affecter le travail du photographe.
La photographie étant objet de droits d’auteur, il convenait alors de déterminer dans quelle mesure les sociétés poursuivies avaient commis des actes de contrefaçon ce qui nécessitait de vérifier les termes de l’autorisation d’exploitation consentie dans le devis initial du photographe. A cet égard, les juges vont s’appuyer sur les mentions figurant dans le devis établissant qu’en contrepartie de la somme de 1.000 euros, l’autorisation était territorialement et temporellement limitée. Or, le photographe a pu rapporter la preuve de la poursuite de l’exploitation au-delà de la durée d’un an et sur un territoire non visé par l’autorisation et des supports non prévus. La Cour va condamner in solidum les défenderesses au paiement de dommages-intérêts du fait des actes de contrefaçon.
Il est notable de relever que, dans cette affaire, les juges prennent soin de justifier le montant de la réparation allouée en procédant à un calcul sur la base des tarifs habituellement pratiqués par le photographe, du prix de l’autorisation concédée en l’espèce (et dont les termes ont été méconnus) et du chiffre d’affaires réalisé avec le produit pour la promotion duquel l’image litigieuse a été utilisée.