Décision Adlc n°11-SOA-08, 1er juillet 2011
La vente en ligne fait une nouvelle fois l’objet de l’attention des institutions en charge de la régulation de la concurrence : d’une part, en France, par l’Autorité de la concurrence, avec le lancement d’une enquête sectorielle relative au commerce électronique et, d’autre part, par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), qui devra prochainement se prononcer sur ce sujet dans le cadre d’une affaire contentieuse d’origine française.
S’agissant tout d’abord de l’Autorité de la concurrence, celle-ci a annoncé le 4 juillet dernier qu’elle s’autosaisissait pour avis et lançait ainsi une vaste étude sectorielle concernant le fonctionnement de la concurrence dans le secteur du commerce électronique.
Le marché de la vente en ligne est une source d’intérêt légitime pour l’autorité chargée de réguler la concurrence, compte tenu non seulement de son importance économique (avec un chiffre d’affaires de 31 milliards d’euros en 2010, généré par 28 millions de clients en France), mais également de son évolution particulièrement forte en France. En effet, alors que la moyenne des pays européens a connu une croissance moyenne du e-commerce de 19% entre 2008 et 2010, la France enregistre sur la même période une progression de 29,5%. Ainsi, à ce jour, le commerce électronique représente 6% du commerce de détail en France.
Dans le cadre de son étude, l’Autorité de la concurrence aura trois objectifs :
- analyser le fonctionnement de la concurrence dans le secteur du e-commerce ;
- détecter ses éventuels dysfonctionnements ;
- émettre des recommandations susceptibles de corriger ces éventuels dysfonctionnements.
Outre un élément de réflexion quant aux méthodes à mettre en œuvre au sein des réseaux de distribution pour ne pas encourir de risque du point de vue du droit de la concurrence, l’étude menée par l’Autorité de la concurrence pourra constituer un outil utile pour les réseaux de distribution qui s’interrogent sur la stratégie à adopter en matière de vente en ligne.
En effet, l’Autorité de la concurrence procèdera à une analyse détaillée notamment de l’impact du e-commerce sur le commerce dit « traditionnel ».
Cette étude devrait révéler la réalité des impacts de la vente en ligne sur les réseaux de distribution hors lignes (points de vente physiques). L’Autorité de la concurrence constate d’ores et déjà que les réseaux actifs à la fois hors ligne et en ligne (dits « click and mortar ») viennent de plus en plus concurrencer les distributeurs dédiés à la vente en ligne (dits « pure players »). Dans le cadre de son étude, l’Autorité devrait faire état des écarts de prix (réels ou supposés) existant dans les deux circuits de distribution et de la pression concurrentielle découlant, pour les points de vente hors ligne, de l’existence de la vente en ligne.
Enfin, on précisera que l’Autorité de la concurrence a indiqué qu’elle s’intéresserait également d’une part au pouvoir de marché éventuellement détenu par les distributeurs, et d’autre part aux relations commerciales entre les fabricants (ou les réseaux de distribution) et les distributeurs en ligne (notamment s’agissant des restrictions apportées aux ventes en ligne par les fournisseurs et les têtes de réseaux).
S’agissant de la CJUE, celle-ci devrait se prononcer sur la question préjudicielle posée par la Cour de Paris dans l’affaire « Pierre Fabre ». La CJUE est interrogée sur le point de savoir si une interdiction générale et absolue de vendre en ligne les produits aux clients finaux, qui serait imposée à des distributeurs sélectifs, constitue une restriction caractérisée de la concurrence échappant à l’exemption par catégorie, mais serait dans ce cas susceptible de bénéficier d’une exemption individuelle. Rappelons que cette question avait été posée par la cour sous l’empire de l’ancien règlement, depuis remplacé par le règlement n°330/2010. Récemment, l’Avocat général a rendu ses conclusions, incitant la CJUE à confirmer l’exclusion du bénéfice de l’exemption par catégorie, une interdiction générale et absolue faisant obstacle selon lui aux ventes actives comme passives. Seuls des cas exceptionnels pourraient alors justifier une telle interdiction. En revanche, il n’exclut pas la possibilité d’une exemption individuelle, bien qu’en pratique celle-ci soit peu souvent envisageable.