Cass. com., 24 mars 2015, pourvoi n°14-10.175
Le juge-commissaire ne peut, sans excéder ses pouvoirs, autoriser le liquidateur à procéder à la vente d’un immeuble ayant fait l’objet d’une déclaration notariée d’insaisissabilité préalablement au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire.
Aux termes de l’article L.526-1 du Code de commerce, la déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale du débiteur personne physique ou des autres immeubles non affectés à son usage professionnel « n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant ».
Par exception au principe selon lequel « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers » (article 2285 du Code civil), le bien déclaré insaisissable ne fait pas partie du gage commun des créanciers. Mais quelle est la portée de cette déclaration en cas de liquidation judiciaire du débiteur et à l’égard du principe du dessaisissement ? La Cour de cassation a jugé (Cass. com., 28 juin 2011, pourvoi n°10-15.482) que la déclaration d’insaisissabilité était opposable au liquidateur auquel était donc interdit de réaliser l’immeuble ; les biens ayant fait l’objet d’une telle déclaration étant exclus du dessaisissement, pour le débiteur, de l’administration et de la disposition de ses biens.
La solution est-elle différente en présence d’un créancier admis dont la créance est personnelle au débiteur et antérieure à la déclaration d’insaisissabilité ; c’est-à-dire à l’égard duquel la déclaration serait inopposable ?
C’est sur ce terrain que la Haute juridiction a été saisie du pourvoi formé par un débiteur en liquidation judiciaire.
En l’espèce, le liquidateur judiciaire avait saisi le juge-commissaire en vue d’être autorisé à poursuivre la vente par adjudication judiciaire d’un bâtiment agricole aménagé pour partie en habitation, déclaré insaisissable par acte notarié antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire du débiteur personne physique. Le juge-commissaire, puis la cour d’appel avaient accueilli la demande formée par le liquidateur au motif que l’existence d’un créancier admis auquel était inopposable la déclaration d’insaisissabilité du bien était suffisante pour autoriser le liquidateur judiciaire à procéder à la vente du bien déclaré insaisissable préalablement à l’ouverture de la liquidation judiciaire.
La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel au motif que le juge-commissaire ne peut, sans excéder ses pouvoirs, autoriser le liquidateur à procéder à la vente d’un immeuble dont l’insaisissabilité lui est opposable. L’attendu de principe est limpide et confirme la position des Sages exprimée dans l’arrêt rendu le 28 juin 2011.
Cette solution rendue par la Cour de cassation semble guidée par la volonté d’un règlement unitaire des créanciers et renforce une nouvelle fois l’efficacité de la déclaration notariée d’insaisissabilité.