Une décision du Conseil Constitutionnel du 17 juillet 2015 a abrogé la sanction associée au non-respect du devoir d’information des salariés en cas de cession de la société dans laquelle ils sont employés ou du fonds de commerce dans le cadre duquel ils travaillent.
Contexte : Une décision du Conseil Constitutionnel du 17 juillet 2015 a abrogé la sanction associée au non-respect du devoir d’information des salariés en cas de cession de la société dans laquelle ils sont employés ou du fonds de commerce dans le cadre duquel ils travaillent.
Pour rappel, la loi ESS du 31 juillet 2014 a instauré dans les entreprises de moins de 250 salariés, ayant ou non obligation d’instaurer un comité d’entreprise, et remplissant les critères des petites et moyennes entreprises (PME) au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 (chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros), un droit d’information destiné à permettre aux salariés de formuler une offre de rachat en cas de cession de fonds de commerce (L. n° 2014-856, art. 19 ; C. com., art. L. 141-23 nouveau) ou de titres « représentant plus de 50 % des parts sociales d’une société à responsabilité limitée ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions » (L. n° 2014-856, art. 20 ; C. com., art. L. 23-10-1 nouveau). Ce devoir d’information est devenu obligatoire par suite de la parution du décret n° 2014-1254 du 28 octobre 2014 aux opérations de cession de fonds de commerce ou de parts sociales, actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital social conclues à compter du 1er novembre 2014.
Depuis, le propriétaire qui envisage une telle cession a désormais l’obligation d’informer l’ensemble des salariés de son projet de cession, soit au plus tard deux mois avant la réalisation de la cession (dans les entreprises de moins de 50 salariés), soit au plus tard concomitamment à l’information du comité d’entreprise (dans les entreprises de 50 salariés et plus), afin de leur permettre de formuler une offre. Jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel, la sanction du non-respect de ce droit était lourde de conséquences puisque la cession intervenue en méconnaissance du mécanisme mis en place par la Loi ESS encourrait la nullité, laquelle pouvait être sollicitée par tout salarié dans un délai de deux mois après la cession. En l’état, cette sanction, invalidée par le Conseil Constitutionnel, ne pourra plus être mise en œuvre. L’obligation d’information des salariés demeure mais sans sanction associée.
Décision du conseil constitutionnel du 17 juillet 2015 : La décision du conseil constitutionnel déclare le mécanisme de l’obligation d’information préalable des salariés conforme à la constitution, tandis qu’il retient – contraire – que la sanction de nullité attachée au non-respect de ce mécanisme est contraire à la constitution.
En effet, sont déclarés conformes à la constitution les trois premiers alinéas de l’article L. 23-10-1, le premier alinéa de l’article L. 23-10-3 (concernant les entreprises de moins de cinquante salariés), les premier, deuxième et cinquième alinéas de l’article L. 23-10-7 ainsi que le premier alinéa de l’article L. 23-10-9 du code de commerce (concernant les entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés) issus de l’article 20 de la loi du n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, selon lesquels :
– « Dans les sociétés qui n’ont pas l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise en application de l’ article L. 2322-1 du code du travail , lorsque le propriétaire d’une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une société à responsabilité limitée ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions veut les céder, les salariés en sont informés, et ce au plus tard deux mois avant la cession, afin de permettre à un ou plusieurs salariés de présenter une offre d’achat de cette participation » (C.com., art. L.23-10-1, alinéa 1er),
– « Le représentant légal notifie sans délai aux salariés cette information, en leur indiquant qu’ils peuvent présenter au cédant une offre d’achat » (C.com., art. L.23-10-1, alinéa 2ème),
– « La cession peut intervenir avant l’expiration du délai de deux mois dès lors que chaque salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d’offre » (C.com., art. L.23-10-1, alinéa 3ème),
– « L’information des salariés peut être effectuée par tout moyen, précisé par voie réglementaire, de nature à rendre certaine la date de sa réception par ces derniers » (C.com., art. L.23-10-3, alinéa 1er),
– « Dans les sociétés soumises à l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise en application de l’ article L. 2322-1 du code du travail et se trouvant, à la clôture du dernier exercice, dans la catégorie des petites et moyennes entreprises au sens de l’ article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, lorsqu’il veut céder une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une société à responsabilité limitée ou des actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions, le cédant notifie sa volonté de céder à la société » (C.com., art. L.23-10-7, alinéa 1er),
– « Au plus tard en même temps qu’il procède, en application de l’article L. 2323-19 du code du travail, à l’information et à la consultation du comité d’entreprise, le chef d’entreprise porte à la connaissance des salariés la notification prévue au premier alinéa du présent article et leur indique qu’ils peuvent présenter au cédant une offre de rachat » (C.com., art. L.23-10-7, alinéa 2ème),
– « L’information des salariés peut être effectuée par tout moyen, précisé par voie réglementaire, de nature à rendre certaine la date de sa réception par ces derniers » (C.com., art. L.23-10-9, alinéa 1er).
En revanche, sont déclarés contraires à la constitution les quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 23-10-1 (concernant les entreprises de moins de cinquante salariés) et les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 23-10-7 du code de commerce (concernant les entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés) issus de l’article 20 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, selon lesquels :
– « La cession intervenue en méconnaissance du présent article peut être annulée à la demande de tout salarié » (C.com., art. L.23-10-1, alinéa 4ème),
– « L’action en nullité se prescrit par deux mois à compter de la date de publication de la cession de la participation ou de la date à laquelle tous les salariés en ont été informés » (C.com., art. L.23-10-1, alinéa 5ème),
– « La cession intervenue en méconnaissance du présent article peut être annulée à la demande de tout salarié » (C.com., art. L.23-10-7, alinéa 3ème),
– « L’action en nullité se prescrit par deux mois à compter de la date de publication de la cession de la participation ou de la date à laquelle tous les salariés en ont été informés » (C.com., art. L.23-10-7, alinéa 4ème).
Enfin, le 18ème considérant de la décision commentée précise : « la déclaration d’inconstitutionnalité des quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 23-10-1 et des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 23-10-7 du code de commerce prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu’elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date ».
Loi Macron : Précisions aussi que la Loi Macron (qui a été définitivement adoptée par le Parlement) prévoit en son article 204, codifié aux articles L.141-23 et suivants du Code de commerce, une modification des dispositions relatives au droit d’information des salariés.
Il est prévu que l’information des salariés est désormais limitée au seul cas de la vente du fonds de commerce ou de 50 % des parts d’une SARL et d’une SA, et non à tous les cas de transfert que recouvre la cession (donation, échange, apport…), comme c’est le cas aujourd’hui. L’information des salariés par lettre recommandée avec demande d’avis de réception est également précisée. La date de réception de la lettre par le salarié est fixée « à la date de la première présentation de la lettre ». Enfin, la sanction du non-respect du devoir d’information sera une amende civile dont le montant ne pourra excéder 2 % du montant de la vente.