Cass. com., 6 sept. 2011, pourvoi n° 10-17.963
Les entreprises, lorsqu’elles ne sont pas certaines du caractère acquis ou conditionnel des réductions de prix, pourront à l’avenir les inscrire sur la facture. Néanmoins, cette décision demeure critiquable au plan de la transparence dans la mesure où le prix indiqué sur la facture ne permettra pas un contrôle aisé du prix réel du produit ou service, certaines des réductions de prix étant susceptibles d’être ultérieurement remboursées.
Les règles relatives à la facturation sont relativement nombreuses, et parfois complexes. L’article L.441-3 du code de commerce prévoit une liste des éléments devant obligatoirement figurer sur les factures (à ces règles, s’ajoutent celles prévues par d’autres textes, en particulier la législation fiscale, et notamment l’article 289 du code général des impôts).
Parmi les éléments qu’une facture doit comporter, figurent toutes les réductions de prix acquises à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liées à cette opération de vente ou de prestation de services.
Il s’agit ici généralement de ristournes conditionnelles (ristournes trimestrielles, ou ristournes de fin d’année « RFA » par exemple), c’est-à-dire de réductions de prix qui ne seront acquises (ou dont le montant ne sera fixé) que lorsqu’un évènement futur et incertain se produira. Cet évènement est généralement constitué par l’atteinte d’un certain chiffre d’affaires, ou encore par la réalisation d’un montant précis d’achats auprès du fournisseur qui consent la réduction de prix. Une fois l’acte déclenchant la réduction de prix intervenu, la réduction de prix devra figurer sur la facture.
Cette règle signifie-t-elle pour autant que toute réduction de prix figurant sur la facture est nécessairement acquise, ou au contraire le vendeur – bien qu’il n’y soit pas légalement contraint – peut-il faire apparaître sur sa facture une réduction de prix conditionnelle (en plus des éventuelles réductions de prix acquises à la date de la vente) ? Telle était la question posée à la Cour de cassation dans l’affaire commentée.
En l’espèce, un distributeur automobile, qui avait vu son contrat de distribution résilié par la tête de réseau, était assigné par celle-ci pour obtenir le paiement d’un encours non soldé. La tête de réseau réclamait à son ancien distributeur le paiement d’une régularisation de ristourne conditionnelle (dénommée « remise d’objectifs »).
En effet, le distributeur n’avait pas atteint les objectifs nécessaires à l’octroi de la réduction de prix, devait rembourser, par le biais d’une régularisation, les sommes qui avaient été déduites de ses factures par la tête de réseau au titre de la « remise d’objectifs ».
Le distributeur contestait la validité de cette pratique s’agissant des règles de facturation. Il soutenait que l’article L.441-3 du code de commerce disposerait que la facture ne peut mentionner que les réductions de prix acquises à la date de la vente, et en déduisait deux arguments alternatifs :
– dès lors que la « remise d’objectifs » figurait sur la facture, elle devait selon lui s’interpréter en une remise acquise, et ne devait donc pas être remboursée ;
– si la « remise d’objectifs » n’était pas considérée comme acquise mais comme conditionnelle, sa régularisation serait illicite puisque la remise figurait illicitement sur la facture initiale, et devait être annulée.
La Cour de cassation n’a pas retenu cette interprétation de l’article L.441-3 du code de commerce, en considérant que ce dernier, s’il impose la mention des réductions acquises à la date de la vente, n’interdit pas de faire également figurer sur la facture une réduction de prix conditionnelle.
Ainsi, la tête de réseau pouvait valablement exiger de son distributeur le règlement de la régularisation de la « remise d’objectifs », à laquelle il n’avait finalement pas droit en raison de la non-réalisation des objectifs fixés.
Les entreprises, lorsqu’elles ne sont pas certaines du caractère acquis ou conditionnel des réductions de prix, pourront à l’avenir les inscrire sur la facture. Néanmoins, cette décision demeure critiquable au plan de la transparence dans la mesure où le prix indiqué sur la facture ne permettra pas un contrôle aisé du prix réel du produit ou service, certaines des réductions de prix étant susceptibles d’être ultérieurement remboursées.