Cass. civ. 1ère, 10 septembre 2015, pourvoi n°14-13.863
La prescription de l’action en nullité fondée sur le dol ne peut commencer à courir avant la signature du contrat.
Ce qu’il faut retenir : La prescription de l’action en nullité fondée sur le dol ne peut commencer à courir avant la signature du contrat.
Pour approfondir : Après avoir acquis, le 26 mai 2003, le contrôle d’une société du secteur cinématographique, l’acquéreur a assigné la cédante le 22 mai 2008 aux fins de faire annuler la cession pour dolaprès que la cible ait perdu la propriété des droits d’exploitation de douze films.
L’article 1304 du Code civil enferme l’action en nullité pour dol dans un délai de 5 ans à compter du jour où le dol a été découvert.
Dans le cas d’espèce, l’assignation est intervenue quatre jours seulement avant le cinquième anniversaire du contrat ; inévitablement, la cédante a cherché à se prévaloir de la prescription de l’action et le débat s’est cristallisé sur la détermination du point de départ de l’action en nullité pour dol.
En effet, quelques mois avant la cession, la cible avait obtenu un arrêt de la Cour d’appel de Paris confirmant sa propriété sur les films litigieux.
A la suite de cette décision, l’acquéreur avait, par une lettre du 16 décembre 2002, évoqué ce litige et informé la cédante de son intérêt pour l’acquisition des actions de la cible.
Cependant, postérieurement à la cession, la Cour d’appel de Versailles, statuant sur renvoi après cassation, cassait l’arrêt précité et dépossédait la cible des droits d’exploitation sur les films litigieux.
L’acquéreur, arguant qu’elle n’avait pas été informée du pourvoi formé contre la décision initiale, se prévaut d’un dol de la cédante et demande l’annulation de la cession.
La question est de savoir si le délai de prescription de l’action pour dol a commencé à courir à compter du 26 mai 2003, date de la cession, ou à compter du 16 décembre 2002, date de la lettre de l’acquéreur démontrant sa connaissance du litige, ce qui rendrait l’action prescrite et irrecevable au 22 mai 2008.
Dans sa décision du 8 janvier 2014, la Cour d’appel de Paris a retenu que le point de départ du délai de prescription devait être le 16 décembre 2002, date à laquelle l’acquéreur avait connaissance du litige, « ce qui lui permettait aisément de s’informer sur l’existence du pourvoi en cassation » contre l’arrêt de la Cour d’appel. La Cour, mettant à la charge de l’acquéreur une véritable obligation de s’informer, a donc considéré que l’action était prescrite.
A l’inverse, par un arrêt du 10 septembre 2015, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en toutes ses dispositions en retenant que le délai de prescription d’une action fondée sur le dol ne peut commencer à courir avant la date de la convention prétendument affectée d’un vice du consentement.
La décision évoquée ici fait application du seul article 1304 du Code civil et la victime sollicite seulement la nullité du contrat ; à cet égard, la solution retenue semble raisonnable : le point de départ de l’action en nullité d’un contrat ne peut être antérieur à la conclusion dudit contrat ; autrement dit, la prescription de l’action en nullité pour vice du consentement ne peut pas courir avant le consentement.
Sur le fondement du dol, la victime aurait pu, cumulativement ou alternativement, demander l’allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382 du Code civil (Cass. com., 10 janvier 2012, pourvoi n°11-21.954).
Dans ce cas, la prescription de l’action en réparation aurait dû être régie par l’article 2224 du Code civil qui fait courir le délai quinquennal du jour où la victime a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir et l’on peut se demander si la haute juridiction aurait pu juger autrement.
A rapprocher : Cass. com., 10 janvier 2012, pourvoi n°11-21.954