CA Versailles, 29 septembre 2015, , RG n°14/00467
La clause du contrat de franchise relative au budget de communication peut librement fixer les conditions dans lesquelles les dépenses liées à ce budget sont affectées ; en cas de silence ou d’ambiguïté du contrat, le juge interprète la volonté des parties en application des articles 1156 et suivants du Code civil.
Ce qu’il faut retenir : La clause du contrat de franchise relative au budget de communication peut librement fixer les conditions dans lesquelles les dépenses liées à ce budget sont affectées ; en cas de silence ou d’ambiguïté du contrat, le juge interprète la volonté des parties en application des articles 1156 et suivants du Code civil.
Pour approfondir : Les décisions relatives à la question de l’affectation du budget annuel de communication par le franchiseur ne sont pas si nombreuses, de sorte que l’un des mérites de la décision commentée – mais ce n’est pas le seul – est de revenir en détail sur cette question, qui se trouvait au cœur des débats.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut rappeler tout d’abord que l’usage le plus répandu dans les réseaux de distribution consiste à prévoir, dans le contrat signé entre la tête de réseau et ses distributeurs, une clause par laquelle sont fixées les règles relatives au budget de communication :
- d’un côté, le distributeur est tenu à une obligation de paiement d’une participation financière (qui est généralement fonction du montant de son chiffres d’affaires ; plus rarement, il est simplement prévu un montant fixe ; dans un cas comme dans l’autre, le contrat prévoit parfois que cette obligation de paiement est conditionnée à la présence, au sein du réseau, d’un nombre de points de vente déterminé, autrement dit d’un seuil au-delà duquel la clause trouve à s’appliquer) ;
- de l’autre, la tête de réseau est tenue à une obligation de gestion de ce budget (cette clause précise tout d’abord qui décide de l’affectation de fonds, soit en règle générale la tête de réseau, qui dispose de la vision d’ensemble et qui veut le plus souvent restée maître de sa stratégie de communication ; cette clause donne aussi généralement lieu à l’énoncé des postes de dépenses de nature à pouvoir entrer dans le budget de communication ; parfois, il est prévu que les sommes reçues des distributeurs par la tête de réseau mais non dépensées seront reportées pour le budget de l’année suivante, autrement dit dans un compte de report à nouveau).
Chacun le sait, la question du budget de communication reste un sujet sensible. Sensible au plan financier d’abord, car les distributeurs sont – et c’est normal – soucieux de savoir comment leur argent est dépensé par la tête de réseau. Sensible au plan juridique ensuite, car l’expérience montre que la clause fixant les règles relatives au budget annuel de communication prête parfois à interprétation.
Cette problématique se trouve au cœur du litige soumis à l’appréciation de la Cour d’appel de Versailles ; en l’espèce, en effet, les données du litige sont les suivantes : le franchiseur a averti les franchisés de ce qu’il entendait imputer sur le budget de communication les frais de personnel affectés aux missions ayant trait aux actions publicitaires et promotionnelles qu’il gardait jusqu’alors à sa charge. Considérant que le franchiseur méconnaissait ainsi ses obligations contractuelles en imputant ces frais aux franchisés, ces derniers ont assigné le franchiseur afin de faire constater ce manquement contractuel et lui faire injonction de respecter ses obligations à ce titre. En première instance, le tribunal de commerce de Nanterre avait condamné le franchiseur à reverser les sommes prélevées en méconnaissance de ses engagements, soit en l’espèce environ 1,2 million d’euros. Le franchiseur devait faire appel de cette décision. La décision de condamnation est confirmée dans son principe, et alourdie dans ses conséquences financières, la cour d’appel condamnant le franchiseur à reverser les sommes indument perçues au titre de trois années, les franchisés ayant entre-temps demandé d’ordonner cette restitution au titre de deux années supplémentaires. Il convient dès lors de commenter cette décision, en répondant à la question centrale en l’espèce de savoir si les frais internes constitués des salaires supportés par le franchiseur à raison des actions marketing pouvaient (ou non) relever du budget de communication. Pour répondre à la question, il convient de distinguer deux hypothèses totalement distinctes, selon que le contrat envisage ou non cette question.
Dans la première hypothèse, le contrat de distribution prévoit expressément que la tête de réseau dispose de la faculté d’imputer sur le budget de communication tout ou partie des dépenses salariales qu’il a réalisées au titre de la communication et/ou de la publicité du réseau. Dans cette hypothèse, il n’y a pas de difficulté particulière puisque le contrat de distribution répond par avance à la question ; aussi est-il vivement recommandé à la tête de réseau d’anticiper ce point dans son contrat de distribution et d’entrer dans le plus grand détail.
Et, de manière beaucoup plus générale, il convient de rappeler que le contrat de distribution pourra apporter des précisions sur toute une série de questions se rapportant au budget de communication. Par exemple, et sans que cette liste soit exhaustive, le contrat de distribution peut préciser la politique publicitaire à laquelle la tête de réseau s’engage, et notamment les parts qui sont affectées à tel ou tel poste de publicité ; la tête de réseau ne saurait alors modifier la politique définie au contrat sans l’accord du distributeur (Cass. com., 3 janv. 1996, pourvoi n°94-12.314), alors même que la majorité des distributeurs se serait prononcée en faveur de ce changement (CA Bordeaux (trois arrêts), 24 janv. 2007, RG n°04/06592, 04/06593 et 04/06594, inédits : en l’espèce, la tête de réseau, sur proposition de la commission de communication approuvée à la majorité des deux tiers par l’assemblée des distributeurs, avait utilisé une partie du budget affecté à la publicité locale à la publicité nationale). Dans d’autres cas, la tête de réseau ne peut décider seul de la politique publicitaire lorsque le contrat prévoit la consultation d’une commission des distributeurs (CA Paris, 22 oct. 1992, Juris-Data n°2002-023058).
Dans la seconde hypothèse, le contrat de distribution ne prévoit pas expressément que la tête de réseau dispose de cette faculté ou – comme en l’espèce – la volonté des parties, exprimée dans le contrat de distribution, reste ambiguë. Tel était la problématique à laquelle se heurtaient les parties au cas d’espèce.
A rapprocher : Articles 1156 et suivants du Code civil