CJUE, 1er octobre 2015, Aff. C-230/14
La réglementation d’un État membre sur la protection des données peut être appliquée à une société étrangère qui exerce dans cet État, au moyen d’une installation stable, une activité réelle et effective.
Ce qu’il faut retenir : La réglementation d’un État membre sur la protection des données peut être appliquée à une société étrangère qui exerce dans cet État, au moyen d’une installation stable, une activité réelle et effective.
Pour approfondir : Dans un arrêt déjà remarqué, la CJUE s’est prononcée sur la loi applicable au responsable de traitement de données à caractère personnel. Par son arrêt du 1er octobre 2015, la Cour précise les critères permettant de déterminer qu’un responsable de traitement dispose d’un établissement sur le territoire d’un Etat membre, critère prévu à l’article 4 de la directive sur la protection des données à caractère personnel pour déterminer la loi applicable. Ce texte permet l’application de la législation d’un Etat membre autre que celui dans lequel le responsable du traitement est immatriculé, à condition qu’il y exerce une activité effective et réelle, même minime, au moyen d’une installation stable sur le territoire de cet Etat membre.
Cette affaire concerne la société W, une société immatriculée en Slovaquie, qui exploite un site internet d’annonces immobilières de biens situés en Hongrie. Pour ce faire, elle y traite des données à caractère personnel des annonceurs. Les annonces sont publiées gratuitement pendant un mois, et deviennent payantes au terme de ce délai. De nombreux annonceurs ont demandé le retrait de leurs annonces et l’effacement de leurs données à caractère personnel. Toutefois, la société W n’y a pas donné suite, a continué de facturer les intéressés le prix de ses services puis, en cas d’impayés, a transmis ces données à des sociétés de recouvrement. Les personnes concernées ont déposé plainte auprès de l’autorité de contrôle hongroise qui, considérant que la loi nationale était applicable, a infligé une amende de près de 32 000 € pour avoir violé la loi hongroise transposant la directive. La Cour suprême hongroise a prudemment saisi la CJUE, par voie de question préjudicielle. La CJUE adopte une conception souple de la notion d’établissement :
- elle rappelle tout d’abord que l’article 4, paragraphe 1, sous a), directive 95/46 doit être interprété en ce sens qu’il permet l’application de la législation relative à la protection des données à caractère personnel d’un État membre autre que celui dans lequel le responsable du traitement de ces données est immatriculé, pour autant que celui-ci exerce, au moyen d’une installation stable sur le territoire de cet État membre, une activité effective et réelle, même minime, dans le cadre de laquelle ce traitement est effectué ;
- puis précise qu’afin de déterminer, dans des circonstances telles que celles en cause, si tel est le cas, la juridiction de renvoi peut, notamment, tenir compte du fait, d’une part, que l’activité du responsable dudit traitement, dans le cadre de laquelle ce dernier a lieu, consiste dans l’exploitation de sites Internet d’annonces immobilières concernant des biens immobiliers situés sur le territoire de cet État membre et rédigés dans la langue de celui-ci et qu’elle est, par conséquent, principalement, voire entièrement, tournée vers ledit État membre et, d’autre part, que ce responsable dispose d’un représentant dans ledit État membre, qui est chargé de recouvrer les créances résultant de cette activité ainsi que de le représenter dans des procédures administrative et judiciaire relatives au traitement des données concernées ;
- pour indiquer enfin que la nationalité des personnes concernées par ce traitement de données est en soi indifférente.
Ces éléments, qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, sont susceptibles d’établir l’existence d’un « établissement », au sens de de la directive, sur le territoire hongrois. Si tel est le cas, l’activité de la société W est soumise à la réglementation hongroise sur la protection des données.