Cass. civ. 1ère, 7 octobre 2015, n°14-16.898
Une clause attributive de juridiction, qui permet d’identifier les juridictions pouvant être saisies par suite d’un litige opposant les parties dans le cadre de l’exécution ou de l’interprétation du contrat, répond à l’impératif de prévisibilité auquel doivent satisfaire les clauses d’élection de for en application du règlement du Conseil du 22 décembre 2000 dit « Bruxelles I ».
Ce qu’il faut retenir : Une clause attributive de juridiction, qui permet d’identifier les juridictions pouvant être saisies par suite d’un litige opposant les parties dans le cadre de l’exécution ou de l’interprétation du contrat, répond à l’impératif de prévisibilité auquel doivent satisfaire les clauses d’élection de for en application du règlement du Conseil du 22 décembre 2000 dit « Bruxelles I ».
Pour approfondir : En l’espèce, une société irlandaise et une société française avaient conclu un contrat contenant une clause attributive de juridiction désignant les juridictions irlandaises et permettant à la société irlandaise de saisir les juridictions françaises ainsi que les juridictions de tout pays où elle aurait subi un préjudice.
Etait applicable l’article 23 du règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui prévoit la possibilité d’une prorogation de compétence, par la voie de la conclusion d’une clause attributive de compétence.
La société française saisit le tribunal de commerce de Paris. Une exception d’incompétence, soulevée au profit des juridictions irlandaises, avait été accueillie.
Le contredit ayant été rejeté par le juge du fond, un pourvoi en cassation devait être formé.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation permet de retenir deux enseignements.
En premier lieu, le pourvoi faisait grief à l’arrêt critiqué d’avoir retenu que la clause attributive de juridiction ne présentait pas de caractère potestatif, alors que la société irlandaise pouvait saisir les juridictions de plusieurs États, contrairement à la société française qui, quant à elle, ne pouvait saisir que les juridictions irlandaises.
Le demandeur au pourvoi s’appuyait sur un arrêt (Cass. civ. 1ère, 26 sept. 2012, n° 11-26.022), qui avait approuvé les juges du fond d’avoir retenu que la clause attributive, selon laquelle l’une des parties se réservait le droit d’agir au domicile de l’autre ou devant « tout autre tribunal compétent », ne liait, en réalité, que cette autre partie et revêtait donc un caractère potestatif à l’égard de la banque.
La situation était toutefois différente en l’espèce puisque même si les parties n’avaient pas la même latitude dans le choix de la juridiction compétente, la clause n’en permettait pas moins d’identifier les juridictions éventuellement amenées à se saisir d’un litige entre les parties.
Ce faisant, la clause répondait bien, selon l’expression consacrée par la Cour de cassation, « à l’impératif de prévisibilité auquel doivent satisfaire les clauses d’élection de for ». Le moyen n’était donc pas fondé de ce chef.
En second lieu, les juges du fond avaient retenu que la clause attributive de juridiction avait vocation à s’appliquer à tout litige né par suite de leur exécution. Néanmoins, en l’espèce, la société française invoquait l’existence de pratiques anticoncurrentielles et d’actes de concurrence déloyale.
Or, ainsi que le souligne la Cour de cassation par l’arrêt commenté, la Cour de justice a dit pour droit que « l’article 23, paragraphe 1, doit être interprété en ce sens qu’il permet, dans le cas où des dommages-intérêts sont réclamés en justice en raison d’une infraction à l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de prendre en compte les clauses attributives de juridiction contenues dans des contrats de livraison, même si une telle prise en considération a pour effet de déroger aux règles de compétence internationale prévues aux articles 5, point 3, et/ou 6, point 1, du règlement, à la condition que ces clauses se réfèrent aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d’une infraction au droit de la concurrence » (CJUE 21 mai 2015, aff. C-352/13).
Or, en l’espèce, la clause attributive ne se référait pas à une infraction au droit de la concurrence. Ce faisant, l’arrêt objet du pourvoi est censuré.
A rapprocher : CJUE, 21 mai 2015, Aff. C-352/13 ; CA Paris, 8 avril 2014, inédit