Facturation et transparence tarifaire – CA Rouen, 28 oct. 2010, RG n°08/05216

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RICHARD Sandrine

Avocat associée

Plusieurs enseignements sont à retenir de la décision rendue, qui apporte un éclairage intéressant – quoique logique – aux griefs avancés (à tort) par le franchisé, qui évoquait successivement des questions concernant la détermination du prix des produits par la centrale du franchiseur, l’abus dans la fixation du prix, la légitimité du paiement des frais de traitement par les franchisés, et l’incidence de l’article L. 441-3 du code de commerce.CA Rouen, 28 oct. 2010, RG n°08/05216

En l’espèce, un franchisé reprochait à la Centrale d’achats de son franchiseur d’établir des factures comportant notamment la mention relative aux « frais de traitement » ; autrement dit, les frais de fonctionnement de la centrale d’achat, refacturés aux franchisés. Plusieurs enseignements sont à retenir de la décision rendue, qui apporte un éclairage intéressant – quoique logique – aux griefs avancés (à tort) par le franchisé, qui évoquait successivement des questions concernant la détermination du prix des produits par la centrale du franchiseur, l’abus dans la fixation du prix, la légitimité du paiement des frais de traitement par les franchisés, et l’incidence de l’article L. 441-3 du code de commerce. La Cour d’appel de Rouen (CA Rouen, 28 oct. 2010, RG n°08/05216) fait droit à l’ensemble des demandes du franchiseur.

Sur la libre détermination du prix des produits : Le franchiseur faisait valoir que de tels frais sont indispensables au financement de l’activité de revente et qu’ils ne viennent donc pas rétribuer un service supplémentaire et distinct par rapport à l’activité de revente, mais font partie intégrante de celle-ci. Le franchiseur ajoutait qu’il est inconcevable que le prix de revente ne prenne pas en compte les frais nécessaires à l’activité de revente, faute de quoi cette revente serait faite à perte. Les frais de traitement, inhérents à l’activité de revente, sont donc partie intégrante du prix. En tant que portion du prix des produits achetés par les franchisés, les « frais de traitement » peuvent être forfaitaires. En effet, le premier alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce énonce que « sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, produits et services relevant antérieurement au 1er janvier 1987 de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sont librement déterminés par le jeu de la concurrence » ; les commerçants sont donc libres de fixer leurs prix. Le choix d’une méthode proportionnelle pour fixer une partie de ce prix, non interdite par la loi, est valide. Par ailleurs, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé au visa des articles 1134 et 1135 du code civil que « lorsqu’une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l’indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n’affecte pas, sauf dispositions légales particulières, la validité de celle-ci, l’abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu’à résiliation ou indemnisation » (Cass. Ass. Plén., 1er déc. 1995, Bull. civ. A. P. n°7 (deux arrêts), 8 et 9). Ainsi, l’Assemblée plénière a clairement reconnu au fournisseur le pouvoir de déterminer unilatéralement le prix. Rien n’interdit donc de fixer unilatéralement ses prix de revente, et il est indifférent que le contrat d’approvisionnement n’ait pas déterminé la méthode de fixation de ce prix.

Seul l’abus dans la fixation du prix peut être sanctionné : La seule limite au pouvoir de la centrale d’achat de fixer unilatéralement le prix des produits qu’elle vend réside dans l’abus qu’elle pourrait faire de ce pouvoir. Le franchiseur soulignait en l’espèce que le franchisé était bien en peine de démontrer un tel abus puisque, par la mention « frais de traitement », les factures prétendument litigieuses ne faisaient qu’intégrer le coût du fonctionnement de la centrale, ainsi qu’en attestai le commissaire aux comptes de la centrale d’achats du franchiseur. Relevons que les frais de traitement sont proportionnels, ce qui est parfaitement justifié ; en effet, le coût des charges inhérentes à l’activité de revente étant défini par rapport aux produits vendus, et à leur quantité, il serait en pratique très difficile et particulièrement contraignant de calculer pour chaque produit le prix des charges correspondantes, ce d’autant plus que le prix extrinsèque de chaque produit varie puisqu’ils sont fixés au cadran, lequel varie lui-même d’un jour à l’autre. De plus, l’abus dans la fixation du prix ne saurait être démontré que par comparaison avec des produits de qualité identique.

Sur la légitimité du paiement des frais de traitement par les franchisés : les « frais de traitement » correspondent à des services bien réels, et ne sont pas dépourvus de cause. Le franchisé faisait pourtant valoir que ces frais ne correspondaient à « aucune prestation réellement servie », et auraient eu pour effet d’augmenter fortement le prix des produits, au point de contraindre les franchisés à pratiquer les mêmes prix que leurs concurrents. En définitive, ces frais de traitement correspondent aux frais auxquels la centrale d’achats doit nécessairement faire face pour exercer son activité ; il s’agit donc de charges d’exploitation, inhérentes à l’exercice de son activité, ainsi que l’indiquent par ailleurs les commissaires aux comptes dans leur attestation.

Sur le respect de l’article L. 441-3 du code de commerce : Le franchisé prétendait enfin que les factures présentées par la centrale d’achats du franchiseur n’étaient, s’agissant des frais de traitement, pas conformes à l’article L. 441-3 du code de commerce. On le sait, l’article L. 441-3 du code de commerce donne une liste des mentions obligatoires devant figurer sur les factures : « le nom des parties, leur adresse, la date de la vente, ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services (…) ». Il faut relever que si l’article L. 441-3 du code de commerce dresse la liste des mentions obligatoires devant figurer sur les factures, il n’exclut pas que des lignes complémentaires apparaissent surtout quand elles visent à une plus grande transparence. Rappelons en effet que l’article L. 441-3 du code de commerce, issu de l’article 31 de l’Ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, a pour unique objet de permettre aux autorités de la concurrence de contrôler le respect du droit de la concurrence, et en particulier de la prohibition de la revente à perte (C. com., art. L. 442-2 du code de commerce), en comparant le prix facturé avec le prix effectif d’achat. La décomposition du prix de revente entre prix de revient et marge ne nuit pas à cet objectif, bien au contraire : en détaillant ce qu’il n’est pas obligatoire de détailler, elle favorise une transparence de la facture supérieure à celle que le législateur a exigée. Enfin, rappelons que l’article L. 441-3 du même code est de nature pénale ; il est donc d’interprétation stricte ; seul le défaut d’une mention tarifaire mentionnée expressément au sein de cet article peut entraîner une sanction. En revanche, l’indication d’une mention non obligatoire n’est pas interdite. En tout état de cause, l’application de l’article L. 441-3 du code de commerce, texte de nature pénale qui a pour objet de permettre aux autorités de la concurrence de contrôler le respect du droit de la concurrence, ne saurait remettre en cause la validité d’un prix valide au regard du droit civil. Par ailleurs, l’application de l’article L. 441-3 du code de commerce ne saurait avoir pour conséquence de pouvoir provoquer le remboursement du paiement d’une prestation effectivement fournie, sauf à justifier une action pour enrichissement sans cause (l’action de in rem verso est en effet admise lorsque l’enrichissement d’une partie et l’appauvrissement corrélatif de l’autre sont dépourvus de cause (v. pour un exemple récent Cass. civ. 1, 24 sept. 2008, Bull. civ. I, n°211)).



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