CA Montpellier, 17 décembre 2015, RG n°15/04662
Le juge des référés est compétent pour faire cesser, au besoin sous astreinte, le trouble manifestement résultant de la violation par le franchisé de son obligation de non-concurrence post-contractuelle.
Ce qu’il faut retenir : Le juge des référés est compétent pour faire cesser, au besoin sous astreinte, le trouble manifestement résultant de la violation par le franchisé de son obligation de non-concurrence post-contractuelle.
Pour approfondir : On le sait, la Cour de cassation a donné il y a environ dix ans une impulsion certaine aux pouvoirs du juge des référés, en affirmant fermement que celui-ci demeure compétent pour faire cesser un trouble manifestement illicite et trancher toute contestation s’y rapportant, y compris en présence d’une contestation sérieuse (Cass. com., 7 juin 2006, pourvoi n°05-19.633 : « Attendu, selon ce texte, que le juge peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; (…) qu’en écartant l’existence d’un trouble manifestement illicite en considération d’un simple doute sur la résiliation du contrat dont la violation était dénoncée, alors qu’il lui incombait de trancher en référé la contestation, même sérieuse, en examinant la réalité de cette résiliation, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et ainsi violé le texte susvisé »).
Cette impulsion a permis notamment d’imposer la poursuite de contrats en cours, à l’encontre de cocontractants ayant décidé unilatéralement de résilier leur contrat ; ce phénomène a été observé dans différentes matières (CA Paris, 21 janvier 2009, RG n°08/15864 : à propos d’un contrat de télésurveillance ; CA Caen, 10 oct. 2013, Juris-Data n°2013-023545 : à propos d’un contrat d’approvisionnement), avant de gagner le droit de la franchise par trois décisions successives (Trib. Com. Montpellier, 18 juillet 2014, RG n°2014010500, et notre commentaire ; Trib. Com. Pontoise, 30 octobre 2014, RG n°2014R00258 ; CA Paris, 10 févr. 2015, n°14/02110, et notre commentaire).
Au cas présent, la situation était sans doute plus simple encore que dans les trois décisions précitées, car il ne s’agissait plus d’imposer au franchisé (ayant résilié le contrat) de poursuivre la relation contractuelle, mais de faire cesser le trouble, manifestement illicite, tenant au non-respect par ce dernier de sa clause de non-concurrence post-contractuelle.
Cette clause stipulait : « (…) Pendant toute la durée du présent contrat et sauf autorisation écrite du franchiseur, le franchisé s’interdit, directement ou indirectement, pour son propre compte ou par l’intermédiaire ou pour le compte ou en association avec toute personne physique ou morale ou tout associé : 1° de détourner ou de tenter de détourner une activité ou un client de l’entreprise franchisée ou d’une autre entreprise (…) au profit d’un concurrent, par incitation directe ou indirecte ou autrement, ou d’effectuer, directement ou indirectement, tout autre acte nuisible à l’image associée aux marques exclusives et au système ; 2° de retenir ou de chercher à retenir les services, à titre de travailleur salarié ou indépendant ou de consultant à temps pleins ou à temps partiel, toute personne alors employés par le franchiseur ou par tout autre activité (…) ou d’inciter directement ou indirectement ladite personne a quitté son emploi ; 3° de posséder, d’entretenir, de conseiller, d’assister ou de franchiser toute entreprise ayant une activité identique ou quasi identique à celles de l’entreprise franchisée, de s’y impliquer d’y être employé de lui faire des préaux d’en détenir une participation majoritaire (…) » ; de même, il était par ailleurs stipulé : « Le franchisé n’utilisera ni les marques exclusives, ni une abréviation quelconque, ni un autre nom associé au franchiseur ou au système pour former une partie quelconque d’une adresse électronique, d’un nom de domaine site Internet, moteur de recherche de tout autre forme d’identification du franchisé dans un médium électronique quelconque sans l’accord préalable par écrit du franchiseur ».
La décision de la Cour d’appel de Montpellier retient que :
- la création de l’agence et du site internet du franchisé contrevient indiscutablement à cette obligation ;
- il convient de constater trouble manifestement illicite que constitue la création déloyale et parasite d’une entreprise commerciale et d’un site Internet concurrent ;
- afin de le faire cesser, il y a lieu de faire droit aux demandes de fermeture du site Internet sous astreinte et d’interdiction d’exercer une quelconque activité susceptible de concurrencer la requérante.
A rapprocher : Ord. TC Quimper, 23 août 2012, inédit, et notre commentaire