Le franchisé soulève le caractère irréaliste et chimérique du prévisionnel remis par le franchiseur et réclame l’annulation du contrat et la réparation du préjudice subi.
Ce qu’il faut retenir : Le contrat de franchise peut être annulé pour vice du consentement lorsque l’écart entre les prévisions annoncées dans le prévisionnel et le chiffre d’affaires réalisé dépasse la marge habituelle d’erreur en la matière.
Pour approfondir : La question du prévisionnel remis par le franchiseur au franchisé constitue une source intarrissable de conflit.
Dans cette affaire, les parties ont conclu un contrat de franchise pour l’exploitation d’un centre de lavage rapide de véhicules. En raison d’impayés, le franchiseur a résilié le contrat. Dans ces circonstances, le franchisé a fait assigner le franchiseur en annulation du contrat de franchise et en réparation de son préjudice.
Devant les juges, le franchisé a fait valoir que son consentement avait été vicié, notamment par le caractère irréaliste et chimérique du prévisionnel qui lui avait été fourni par le franchiseur. Les juges du fond ont fait droit à sa demande et reconnu que le franchiseur avait failli à son obligation d’information et que le franchisé, trompé sur cet élément déterminant dans le calcul des risques qu’il prenait en ouvrant un centre, avait ainsi été victime d’un vice du consentement.
Le franchiseur formait un pourvoi en cassation.
Pour rejeter son pourvoi, la Cour de cassation retient que la cour d’appel a justifié sa solution en relevant que le chiffre d’affaires prévisionnel annoncé par le franchiseur s’est révélé deux fois supérieur à celui réalisé par le franchisé qui, même après plusieurs années d’exploitation, n’a jamais réussi à atteindre le montant annoncé pour la première année. En l’espèce, l’écart entre les prévisions annoncées et le chiffre d’affaires réalisé « dépasse la marge habituelle d’erreur en la matière ». En effet, selon une jurisprudence constante, pour être retenu comme un vice du consentement, l’écart doit être significatif.
A cette occasion, il convient de rappeler que la remise d’un prévisionnel n’est pas prévue au titre du droit d’information de l’article L. 330-3 du Code du commerce. Aussi, afin d’éviter tout contentieux, il est conseillé aux franchiseurs d’inviter leurs franchisés à le réaliser eux-mêmes.
Les premiers juges ont retenu qu’il n’y avait pas lieu d’examiner les arguments développés par les parties sur le vice du consentement dans la mesure où la nullité du contrat n’était pas sollicitée.
La Cour d’appel de Paris réforme la décision des juges consulaires et retient que :
- si les affiliés « demandent la résiliation du contrat de commission affiliation aux torts exclusifs [du commettant] pour inexécution de ses obligations, [ils] invoquent néanmoins des manquements du [commettant] tant à ses obligations précontractuelles que contractuelles, caractérisant un défaut de loyauté et demandent réparation de leur préjudice » ;
- et « qu’il y a lieu, en conséquence, d’examiner les fautes alléguées à l’occasion de la phase précontractuelle et de réformer le jugement entrepris. »
Partant, retenant que le commettant avait manqué à ses obligations d’information en ne fournissant pas des éléments d’analyse sérieuse à ses affiliés, la Cour juge qu’il s’est comporté de façon déloyale et décide que le préjudice subi par les affiliés doit être réparé.
Le raisonnement des juges pourrait paraitre ambigu ; pour déterminer le préjudice subi par les affiliés, ils mêlent fautes contractuelles et délictuelles, qu’ils analysent comme un « défaut de loyauté ».
Toutefois, il convient de souligner que la Cour ne semble pas remettre en cause le principe de séparation des responsabilités contractuelle et délictuelle. Rappelons que la responsabilité pour des manquements précontractuels ne peut être engagée que sur le fondement de l’article 1382 du code civil et que la résiliation du contrat ne peut être prononcée, sur le fondement de l’article 1184, que pour des manquements contractuels.
Conformément à ce principe, la Cour ne prononce pas la résiliation des contrats de commission-affiliation sur le fondement de l’existence d’une faute précontractuelle ; elle relève l’existence d’un manquement de la tête de réseau à ses obligations contractuelles de conseil et d’assistance pour prononcer la résolution du contrat.
A toute fin utile, il sera précisé que pour les contrats à exécution successive, la résolution n’emporte pas les mêmes effets que la nullité ; l’inexécution ne peut être sanctionnée par l’anéantissement rétroactif des contrats depuis leur signature, si ces derniers ont été exécutés ne serait-ce que sur une courte période. La jurisprudence sanctionne alors l’inexécution par une résiliation judiciaire (Cass. com., 30 avr. 2003, n°01-14.890).
Aussi, la résolution de contrat de franchise ou de commission-affiliation ne pourra entrainer la restitution de l’ensemble des sommes versées par les parties pendant l’exécution des contrats ou des droits d’entrée ; ce qu’ont pu obtenir les affiliés du réseau ayant sollicité, sur le fondement de la faute précontractuelle, la nullité de leur contrat.
A rapprocher : CA Colmar, 15 mai 2012, RG n°11/02140, Juris-Data : 2012-011977