Cass. com., 2 février 2016, pourvoi n°13-24.582
L’assignation en résiliation aux torts exclusifs de son cocontractant ne dispense pas la demanderesse de devoir supporter les conséquences de ses propres manquements, même postérieurs à l’assignation.
Ce qu’il faut retenir : L’assignation en résiliation aux torts exclusifs de son cocontractant ne dispense pas la demanderesse de devoir supporter les conséquences de ses propres manquements, même postérieurs à l’assignation.
Pour approfondir : Se plaignant de nombreux impayés, un concédant a assigné son concessionnaire aux fins d’obtenir le paiement des sommes dues et que soit constatée la résiliation du contrat aux torts exclusifs du concessionnaire.
Le contrat prévoyait en effet une clause de résiliation anticipée par laquelle, en cas de non-paiement à son échéance d’une somme due par le concessionnaire ou d’infractions de sa part à l’une des clauses des conditions générales ou particulières, le concédant pourrait adresser au concessionnaire une mise en demeure par lettre recommandée constatant ces manquements, la résiliation opérant de plein droit huit jours après la mise en demeure.
En réponse à cette assignation, le concessionnaire demandait, à titre reconventionnel, que la résiliation soit prononcée aux torts exclusifs du concédant et que celui-ci soit condamné à lui payer diverses sommes à titre de commissions et de dommages-intérêts. Le concessionnaire reprochait en effet au concédant d’avoir, postérieurement à son assignation, refusé des commandes et coupé sa connexion internet.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, par arrêt du 18 juillet 2013 rendu sur renvoi après cassation, a, d’une part, prononcé la résiliation du contrat de concession aux torts du concessionnaire en considérant qu’elle n’avait pas, pour statuer sur la question de la résiliation, à se prononcer sur les faits reprochés au concédant postérieurement à l’assignation ; d’autre part, elle a rejeté la demande de dommages-intérêts du concessionnaire pour les même motifs. Par arrêt en date du 2 février 2016, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en retenant notamment les motifs suivants :
1) « pour apprécier si les manquements d’une partie à ses obligations sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat, les juges du fond doivent prendre en compte toutes les circonstances de la cause intervenues, y compris après l’acte introductif d’instance, jusqu’au jour de leur décision ».
En d’autres termes, cela signifie, conformément à une jurisprudence constante, que l’assignation en résiliation ou en constatation d’acquisition de la clause résolutoire n’emporte pas à elle seule la rupture du contrat.
Les éléments postérieurs à l’assignation doivent être pris en compte par les juges pour apprécier la gravité des manquements d’une partie. Par conséquent, la partie qui assigne doit rester particulièrement vigilante dans l’exécution de ses propres obligations et s’abstenir de commettre elle-même, postérieurement à l’assignation et jusqu’à la résiliation effective, des manquements qui pourraient diminuer, aux yeux des juges, la gravité de ceux reprochés à la partie adverse.
2) « le prononcé de la résiliation d’un contrat aux torts d’une partie ne dispense pas son cocontractant de son obligation de réparer le préjudice que ce dernier a pu lui causer par l’inexécution de ses obligations contractuelles ». En d’autres termes, la partie qui obtient la résiliation aux torts exclusifs de son cocontractant pour des manquements graves de ce dernier peut néanmoins être condamnée à réparer les préjudices subis par ce dernier du fait de ses propres inexécutions contractuelles, quand bien même celles-ci seraient intervenues postérieurement à l’assignation en résiliation.
A rapprocher : article 1184 du Code civil