Le préjudice personnel du dirigeant, un préjudice distinct de celui des créanciers

MARTINET Pauline

Élève-avocat

Cass. com., 3 février 2016, pourvoi n°14-25.695

Le dirigeant a qualité pour demander en justice la réparation de son préjudice personnel et distinct au titre de la perte pour l’avenir de ses rémunérations. A l’inverse, seul le liquidateur judiciaire a qualité pour agir dans le cadre d’une dépréciation du fonds de commerce d’une société placée en liquidation judiciaire…

Ce qu’il faut retenir : Le dirigeant a qualité pour demander en justice la réparation de son préjudice personnel et distinct au titre de la perte pour l’avenir de ses rémunérations. A l’inverse, seul le liquidateur judiciaire a qualité pour agir dans le cadre d’une dépréciation du fonds de commerce d’une société placée en liquidation judiciaire, puisque la dépréciation du fonds de commerce constitue, en tant que gage commun des créanciers, une fraction du préjudice collectif des créanciers.

Pour approfondir : L’article L. 622-20 du Code de commerce dispose que « le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers ».

La notion d’action tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers est une notion essentielle du droit des entreprises en difficulté. En effet, seul le représentant des créanciers (mandataire judiciaire, liquidateur judiciaire, commissaire à l’exécution du plan) a qualité pour agir en défense de l’intérêt collectif des créanciers.

Cet arrêt illustre à nouveau la notion de défense de l’intérêt collectif des créanciers, récemment définie par la Cour de cassation comme une action tendant à la « protection et à la reconstitution du gage commun des créanciers » (Cass. com., 2 juin 2015, n°13-24714).

En l’espèce, une société s’est vue consentir par une banque un prêt destiné à l’acquisition d’un fonds de commerce dont le remboursement devait être garanti par une assurance couvrant les échéances du prêt, en cas, notamment, d’arrêt de travail (pour quelques raisons que ce soit) du dirigeant, également associé unique de la société emprunteuse.

Le dirigeant ayant dû cesser son activité pour raison médicale, a sollicité auprès de son assurance la prise en charge des échéances de remboursement du prêt.

En raison de l’opposition de l’organisme au titre d’une exception de non-assurance, le dirigeant a assigné la banque en responsabilité.

Après l’ouverture de deux procédures de liquidation judiciaire à l’encontre de la société et du dirigeant, le liquidateur de ce dernier a repris l’instance et a sollicité du Tribunal une indemnisation des préjudices personnels subis, notamment au titre de (i) la perte pour l’avenir de ses rémunérations, et (ii) de la dépréciation du fonds de commerce en raison de l’ouverture de la liquidation judiciaire.

Jugeant l’action du liquidateur judiciaire recevable, les juges du fond ont condamné la banque à payer à la procédure de liquidation judiciaire une certaine somme en réparation au titre des pertes de rémunérations consécutives à la Liquidation judiciaire de la société, et de la dépréciation du fonds de commerce, principal actif de la société dont le dirigeant était l’unique associé.

La Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’appel, mais seulement en ce qu’elle a condamné la banque à compenser la dépréciation du fonds de commerce, puisqu’elle a jugé que le préjudice en cause n’était ni distinct ni personnel au dirigeant, la dépréciation du fonds de commerce ne constituant qu’une fraction du préjudice subi par la collectivité des créanciers, et qu’à ce titre, seul le liquidateur judiciaire en sa qualité de représentant de l’intérêt collectif des créanciers avait qualité à agir. Le principal apport de cet arrêt réside dans l’appréciation qui est faite par la Haute Juridiction du caractère personnel et distinct du préjudice subi par le dirigeant qui ne peut solliciter de réparation qu’au titre de la perte de sa rémunération, la dévalorisation du fonds de commerce résultant de l‘ouverture d‘une liquidation judiciaire ne constituant pas un préjudice personnel et distinct du dirigeant.

A rapprocher : Cass. com., 29 septembre 2015, pourvoi n°13-27.587

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