Cass. com., 22 mars 2016, pourvois n°14-10.066 et 14-14.980
Les dommages et intérêts mis à la charge de l’établissement de crédit pour soutien abusif sont limités aux effets du crédit abusif, c’est-à-dire à la seule aggravation de l’insuffisance d’actif imputable audit soutien accordé.
Ce qu’il faut retenir : Les dommages et intérêts mis à la charge de l’établissement de crédit pour soutien abusif sont limités aux effets du crédit abusif, c’est-à-dire à la seule aggravation de l’insuffisance d’actif imputable audit soutien accordé.
Pour approfondir : Tenant compte de la nécessité de renforcer la sécurité juridique pour inciter les établissements de crédit à soutenir les activités économiques, la Loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 a institué – sous l’article L. 650-1 du Code de commerce – un régime « d’irresponsabilité » au profit des prêteurs, soumis jusqu’ici au régime de droit commun de la responsabilité pour soutien abusif fondé sur l’article 1382 du Code civil. En application de ce texte, la responsabilité des établissements bancaires à raison des concours qu’ils ont consentis, ne peut désormais plus être recherchée qu’en cas de « fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnés à ceux-ci ». La responsabilité pour soutien abusif du banquier devient donc l’exception.
L’arrêt rendu par la Haute juridiction le 22 mars 2016, l’est pour des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la Loi précitée ; le dispositif prévu à l’article L. 650-1 du Code de commerce n’étant applicable qu’aux procédures ouvertes à compter du 1er janvier 2006 (art. 190 de la Loi de sauvegarde des entreprises). Pour autant, réserve faite du régime de responsabilité du prêteur bancaire profondément modifié, cette décision de justice conserve un intérêt certain puisqu’elle fixe avec clarté les modalités de calcul des dommages et intérêts mis à la charge de l’établissement de crédit jugé responsable d’un soutien abusif. Le préjudice réparable par la banque, dont on sait qu’il ne peut être constitué de l’insuffisance d’actif constatée, doit correspondre – ainsi que le rappelle la Cour de cassation – à « l’aggravation de l’insuffisance d’actif qu’il a ainsi contribué à créer ».
Si cette solution a déjà été consacrée (Cass. Com. 22 mars 2005, n ° 03-12.922), la nouveauté consiste à déterminer précisément les modalités de calcul de l’aggravation de l’insuffisance d’actif.
Pour la Cour d’appel, le préjudice indemnisable supposait que soient établies (i.) l’existence d’une insuffisance d’actif résiduelle appréciée au jour où le juge statuait composée des actifs réalisés au jour de la décision et du passif constitué à compter du soutien abusif, (ii.) ainsi qu’une aggravation de celle-ci imputable à la faute de la banque. La Haute juridiction casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de PARIS considérant que l’aggravation de l’insuffisance d’actif à laquelle est tenue la banque est « égal à la différence entre le montant de l’insuffisance d’actif à laquelle le juge statue et le montant de l’insuffisance d’actif au jour de l’octroi du soutien abusif » ; par cet attendu de principe, la Cour de cassation définit avec précision le préjudice indemnisable par le banquier condamné pour soutien abusif.
A rapprocher : Loi n°2005-845 du 26 juill. 2015