Prix imposés et lignes directrices sur les restrictions verticales

Les lignes directrices sur les restrictions verticales apportent des éclaircissements pertinents sur la notion de prix imposés.

 

→ Les prix de vente imposés, c’est-à-dire les accords ou pratiques concertées ayant directement ou indirectement pour objet l’établissement d’un prix de vente fixe ou minimal ou d’un niveau de prix de vente fixe ou minimal que l’acheteur doit appliquer, sont considérés comme des restrictions caractérisées. Si un accord inclut des prix de vente imposés, cet accord est présumé restreindre la concurrence, et donc relève de l’article 101, paragraphe 1. Il est également présumé qu’il est peu probable que cet accord remplisse les conditions énoncées à l’article 101, paragraphe 3, auquel cas l’exemption par catégorie ne s’applique pas. Toutefois, les entreprises ont la possibilité de se défendre en faisant valoir des gains d’efficience au sens de l’article 101, paragraphe 3, dans un cas donné. Il incombe aux parties de démontrer qu’il est probable que des gains d’efficience résultent de l’introduction de prix de vente imposés dans l’accord et que toutes les conditions de l’article 101, paragraphe 3, sont remplies. Il revient alors à la Commission d’apprécier effectivement les effets négatifs probables sur la concurrence et les consommateurs avant de statuer sur la question de savoir si les conditions de l’article 101, paragraphe 3, sont remplies.

Les prix de vente imposés peuvent restreindre la concurrence de plusieurs manières.

Premièrement, ils peuvent faciliter la collusion entre fournisseurs en améliorant la transparence des prix sur le marché, ce qui permet de détecter plus aisément si un fournisseur s’écarte de l’équilibre collusoire en baissant son prix. Les prix de vente imposés limitent aussi l’intérêt que le fournisseur aurait à réduire le prix qu’il pratique à l’égard de ses distributeurs, car le prix de vente fixé l’empêchera de profiter d’un accroissement des ventes. Cet effet négatif est particulièrement plausible lorsque le marché est enclin aux collusions, par exemple si les fabricants forment un oligopole restreint, et qu’une partie importante du marché est couverte par des prix de vente imposés.

Deuxièmement, en éliminant la concurrence intramarque par les prix, les prix de vente imposés peuvent aussi faciliter la collusion entre les acheteurs, c’est-à-dire au niveau de la distribution. Des distributeurs puissants ou bien organisés peuvent être en mesure de forcer ou d’inciter un ou plusieurs fournisseurs à fixer leur prix de vente au-dessus du niveau concurrentiel et, ce faisant, les aider à instaurer ou à stabiliser un équilibre collusoire.

L’affaiblissement de la concurrence par les prix qui en résulte semble particulièrement problématique lorsque les prix imposés sont suggérés par les acheteurs, dont on peut s’attendre à ce que les intérêts horizontaux collectifs portent atteinte à ceux des consommateurs.

Troisièmement, les prix de vente imposés peuvent plus généralement atténuer la concurrence entre les producteurs et/ou entre les détaillants, en particulier lorsque les producteurs passent par les mêmes distributeurs pour distribuer leurs produits et que des prix de vente imposés sont appliqués par l’ensemble ou une grande partie d’entre eux.

Quatrièmement, les prix de vente imposés auront pour effet immédiat que tous les distributeurs, ou certains d’entre eux, se verront empêchés de baisser leurs prix de vente pour la marque concernée. En d’autres termes, l’effet direct des prix de vente imposés est une hausse de prix.

Cinquièmement, les prix de vente imposés peuvent atténuer la pression sur la marge bénéficiaire du fabricant, en particulier lorsque celui-ci a un problème dit «d’engagement», c’est-à-dire lorsqu’il a intérêt à baisser le prix pratiqué à l’égard de distributeurs subséquents. Dans un tel cas de figure, le fabricant peut préférer accepter des prix imposés pour lui permettre de s’engager à ne pas baisser le prix pour les distributeurs subséquents et pour réduire la pression sur sa propre marge.

Sixièmement, un fabricant disposant d’un pouvoir de marché peut recourir aux prix de vente imposés pour évincer du marché des concurrents plus petits. La marge supérieure que les prix de vente imposés sont susceptibles de garantir aux distributeurs peut inciter ces derniers à recommander aux clients la marque en question plutôt que d’autres marques concurrentes, même si ce conseil n’est pas dans l’intérêt de ces clients, ou à ne pas vendre du toutes les marques concurrentes.

Enfin, les prix de vente imposés peuvent réduire le dynamisme et l’innovation au niveau de la distribution. En empêchant la concurrence par les prix entre différents distributeurs, les prix de vente imposés peuvent empêcher des détaillants plus efficaces d’entrer sur le marché ou de parvenir à une taille critique grâce à des prix inférieurs. Ils peuvent aussi empêcher ou gêner l’introduction et l’expansion de modes de distribution fondés sur des prix peu élevés, tels que les magasins discount.

→ Toutefois, les prix de vente imposés peuvent ne pas avoir pour seul effet de restreindre la concurrence. Ils peuvent aussi, notamment lorsqu’ils sont décidés par le fournisseur, entraîner des gains d’efficience, qui seront appréciés conformément à l’article 101, paragraphe 3. En particulier lorsqu’un fabricant lance un nouveau produit, les prix de vente imposés peuvent notamment être utiles, pendant la période d’introduction au cours de laquelle la demande croît, pour inciter les distributeurs à mieux tenir compte de l’intérêt du fabricant à promouvoir le produit en question. Les prix imposés peuvent permettre aux distributeurs d’augmenter les efforts de vente et, si les distributeurs sur ce marché sont soumis à des pressions concurrentielles, les inciter à développer la demande globale pour le produit et à faire de ce lancement un succès, dans l’intérêt des consommateurs également. De même, des prix de vente imposés, et non pas seulement des prix de vente maximum, peuvent être nécessaires pour organiser, dans le cadre d’un système de franchise ou d’un système de distribution similaire appliquant un format de distribution uniforme, une campagne de prix bas coordonnée de courte durée (2 à 6 semaines le plus souvent) qui profitera également aux consommateurs. Parfois, la marge supplémentaire offerte par les prix de vente imposés peut permettre aux détaillants de fournir des services de prévente (additionnels), notamment dans le cas de produits d’expérience ou complexes. Si un nombre suffisant de clients s’appuient sur ces services pour faire leur choix, mais achètent ensuite les produits à un prix plus bas à des détaillants qui ne fournissent pas ces services (et, de ce fait, n’en supportent pas les coûts), les détaillants offrant un haut niveau de service peuvent réduire ou supprimer ces services qui augmentent la demande pour le produit du fournisseur. Les prix de vente imposés peuvent contribuer à prévenir un tel parasitisme au niveau de la distribution. Les parties devront démontrer à suffisance qu’il peut être attendu des prix de vente imposés que non seulement ils donnent les moyens de surmonter un éventuel parasitisme entre les détaillants sur ces services, mais aussi qu’ils incitent à le faire, et que les services de prévente profitent globalement aux consommateurs, comme élément de la démonstration du respect de toutes les conditions énoncées à l’article 101, paragraphe 3.

La pratique qui consiste à conseiller un prix de vente à un revendeur ou à exiger d’un revendeur qu’il respecte un prix de vente maximal est couverte par le règlement d’exemption par catégorie lorsque la part de marché de chacune des parties à l’accord n’excède pas le seuil de 30 %, à condition que cela n’équivaille pas à un prix de vente minimum ou fixe sous l’effet de pressions exercées par l’une des parties ou de mesures d’incitation prises par elle. Le reste de la présente section donne des orientations pour l’appréciation des prix de vente maximaux ou recommandées dans les cas individuels où ce seuil est dépassé et pour les cas de retrait du bénéfice de l’exemption par catégorie.

Du point de vue de la concurrence, les prix maxima et conseillés risquent de fonctionner comme point de convergence pour les revendeurs et d’être suivis par la plupart, voire la totalité d’entre eux et/ou ils sont susceptibles d’atténuer la concurrence ou de faciliter la collusion entre les fournisseurs.

Un élément important pour apprécier les éventuels effets anticoncurrentiels d’un prix de vente maximal ou conseillé est la position du fournisseur sur le marché. Plus cette position est forte, plus le risque est grand qu’un prix de vente maximal ou conseillé mène à l’application plus ou moins uniforme de ce niveau de prix par les revendeurs parce qu’ils pourraient s’en servir comme point de convergence. Les revendeurs pourraient estimer qu’il est difficile de s’écarter de ce qu’ils perçoivent comme le prix de vente privilégié proposé par un fournisseur tellement important sur le marché.

Lorsque l’existence d’effets anticoncurrentiels sensibles est établie dans le cas de prix de vente maximum ou conseillés, la question se pose d’une éventuelle exemption sur la base de l’article 101, paragraphe 3. Pour les prix de vente maxima, le gain d’efficience décrit au point 107, f) (éviter une double marginalisation) peut être particulièrement pertinent. Un prix de vente maximal peut aussi contribuer à garantir que la marque en question tienne mieux tête à ses concurrentes, y compris les propres marques de distributeur, distribuées par le même distributeur.

 

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