Cass. com., 30 mars 2016, pourvoi n°14-19.063
Le mandant doit nécessairement démontrer une faute du dirigeant séparable de ses fonctions pour engager sa responsabilité personnelle au côté de la société mandataire.
Ce qu’il faut retenir : Le mandant doit nécessairement démontrer une faute du dirigeant séparable de ses fonctions pour engager sa responsabilité personnelle au côté de la société mandataire.
Pour approfondir : La société SIGURET, exerçant une activité de commerce d’articles de cuisine, d’outillage et d’électroménager, a confié à une personne physique une mission d’agent commercial jusqu’en mai 2009. A cette date, le mandataire, personne physique, a apporté, avec l’autorisation du mandant, son contrat d’agent commercial à sa société nouvellement constituée et dénommée SIGURET CONCEPT. En février 2010, la société SIGURET a rompu sans préavis le contrat d’agent commercial la liant à la société SIGURET CONCEPT. Par suite, la société SIGURET CONCEPT et son dirigeant ont assigné la société SIGURET aux fins d’obtenir la désignation d’un expert pour déterminer les commissions leur restant dues ainsi que les indemnités relatives à la rupture.
A titre reconventionnel, le mandant a demandé le paiement de dommages-intérêts au titre des divers préjudices subis du fait des agissements de concurrence déloyale et de dénigrement reprochés à la société SIGURET CONCEPT et à son dirigeant.
Plus précisément, le mandant reprochait au dirigeant de la société SIGURET CONCEPT d’avoir tiré profit de ses relations privilégiées – nouées à l’occasion de l’exercice de sa mission d’agent commercial à titre personnel puis en tant que dirigeant de SIGURET CONCEPT – avec le représentant de la société DAKA/ONE TOUCH – cliente du mandant – pour engager à son insu, dans le courant du dernier trimestre 2009, des pourparlers pour que sa société SIGURET CONCEPT devienne le distributeur exclusif des produits ONE TOUCH.
Par suite, la société SIGURET CONCEPT a conclu un accord d’exclusivité prenant effet le 1er janvier 2010, privant la société SIGURET, qui distribuait les produits ONE TOUCH depuis plusieurs années, de la possibilité de poursuivre leurs ventes pour toute l’année 2010 et d’écouler ses stocks.
Par arrêt en date du 18 juillet 2013, la Cour d’appel de Versailles a donné droit aux prétentions du mandant et condamné la société SIGURET CONCEPT et son dirigeant à payer in solidum à la société SIGURET la somme de 185.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Au soutien de leur pourvoi, la société SIGURET CONCEPT et son dirigeant soutiennent que la condamnation personnelle du dirigeant est mal fondée, faute pour le mandant d’avoir démontré une faute du dirigeant détachable de sa fonction de dirigeant de la société SIGURET CONCEPT.
Cette argumentation est fondée notamment sur l’article L223-22 du Code de commerce, propre aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) qui limite la responsabilité des gérants envers les tiers aux seuls cas suivants :
- les infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée,
- les violations des statuts,
- les fautes commises dans leur gestion.
Entendant cet argument, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel ; mais seulement en ce qu’il a condamné in solidum le dirigeant à payer.
La Haute Juridiction n’a donc pas tenu compte du statut d’ex-agent commercial, à titre personnel, du dirigeant pour admettre sa responsabilité personnelle, au côté de la société SIGURET CONCEPT, à l’égard de son mandant.
Cela est autant regrettable pour la société SIGURET CONCEPT et ses éventuels autres associés que pour la société SIGURET, a fortiori à la lumière du plan de sauvegarde dont a fait l’objet la société SIGURET CONCEPT par la suite
A rapprocher : Article L.223-22 du Code de commerce