Cass. civ. 3ème, 24 mars 2016, pourvoi n°15-14.830
Les protestations répétées du maître d’ouvrage font obstacle à la réception tacite de l’ouvrage.
Ce qu’il faut retenir : Les protestations répétées du maître d’ouvrage font obstacle à la réception tacite de l’ouvrage.
Pour approfondir : En 2001, les époux R. ont, en qualité de maîtres d’ouvrage, confié à l’entreprise V., assurée auprès de Générali, des travaux d’assainissement de leur maison.
Aucune réception formelle n’est intervenue mais les époux R. ont payé l’intégralité du prix à l’entreprise.
Les travaux n’ayant pas donné satisfaction ; de l’eau stagnant autour de la maison, les époux R. ont alerté à plusieurs reprises l’entreprise V. qui est intervenue, en vain.
Les époux R. ont alors diligenté une procédure d’expertise amiable, puis judiciaire, qui ont toutes deux conclu à la responsabilité de l’entreprise V. dans la survenance des désordres.
Le Tribunal de grande instance de Melun a condamné la société V. à payer aux maîtres d’ouvrage le montant des travaux de réparation mais les a déboutés de leurs demandes à l’encontre de Generali.
Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel, au motif que, compte tenu des protestations répétées des époux R., aucune réception tacite ne pouvait être retenue et, partant la garantie de l’assureur décennal ne pouvait être actionnée.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les époux R., en indiquant qu’en dépit du paiement de la facture, les contestations ultérieures des maîtres d’ouvrage sur la qualité des travaux réalisés excluaient toute réception tacite des travaux.
Cette décision apporte une précision quant aux éléments permettant de caractériser la réception de travaux.
En effet, la mise en œuvre de la responsabilité décennale d’un constructeur et de la garantie de son assureur suppose que les travaux aient été dûment réceptionnés, conformément aux dispositions de l’article 1792 du Code civil qui dispose que :
« La réception est l’acte par lequel le maître d’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve (… ). »
La réception est généralement formelle, matérialisée par la signature d’un procès-verbal de réception, le paiement du prix et la prise de possession de l’ouvrage.
Elle peut également être judiciaire, à la demande de l’une des parties, ou tacite.
Ce dernier type de réception, de création prétorienne, nécessite que soit constatée la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir les travaux.
Cette volonté non équivoque se retrouve dans la prise de possession des lieux, le paiement du prix, le dépôt de la déclaration d’achèvement des travaux…
La Cour de cassation précise ici que, quand bien même le maître d’ouvrage a pris possession de l’ouvrage et procédé au règlement de la facture, le fait qu’il ait protesté, postérieurement à la prise de possession, sur la qualité des travaux réalisés fait obstacle à la mise en œuvre de la garantie décennale.
En l’espèce, le maître d’ouvrage, faute de réception, a été privé de toute indemnisation dans la mesure où l’entreprise V. a été placée en liquidation judiciaire et qu’il était par conséquent tout aussi illusoire de pouvoir obtenir sa condamnation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, ce qui aurait été pourtant parfaitement possible dans ce cas.
A rapprocher : Cass. civ. 3ème, 6 mai 2015, pourvoi n°13-24.947