CA Paris, 13 mai 2016, RG n°14/06140
L’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce condamne la rupture brutale de relations commerciales établies, ce qui suppose que soit démontré le caractère de stabilité et de durée de la relation, qui, en l’espèce, n’était pas rapporté.
Ce qu’il faut retenir : L’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce condamne la rupture brutale de relations commerciales établies, ce qui suppose que soit démontré le caractère de stabilité et de durée de la relation, qui, en l’espèce, n’était pas rapporté.
Pour approfondir : La location-gérance est un mode d’exploitation d’un fonds de commerce par lequel le propriétaire du fonds le donne en tout en partie en location à un locataire-gérant, lequel exploitera ledit fonds à ses risques et périls, en assumera toutes les charges et en percevra tous les revenus. Le propriétaire concède ainsi à un tiers le droit d’exploiter le fonds.
En l’espèce, la société D. était propriétaire d’un fonds qu’elle a donné en location-gérance à la société R. par un contrat signé le 13 mars 2012 et prenant effet le 1er septembre 2012 ; jusqu’à cette date, les sociétés D. et R. entretenaient une relation de fournisseur/distributeur. Puis, le 6 août 2013, la société R. a été placée en procédure de liquidation judiciaire avec maintien d’activité ; le 19 septembre 2013, l’administrateur de la société R. a mis un terme au contrat de location-gérance ; par jugement du 3 octobre 2013, le Tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a ensuite accueilli l’offre de reprise du fonds et a ordonné sa cession à la société A.
Un mois à peine après, cette dernière met fin à sa relation commerciale avec la société D. et ce, sans préavis. C’est dans ce contexte que le propriétaire du fonds, la société D., a assigné la société A. pour rupture brutale de relations commerciales établies.
Le Tribunal de commerce de Marseille a fait droit à cette demande et relevé que la société A. avait rompu brutalement, sans motif et sans préavis, la relation commerciale qui l’unissait à la société D. depuis treize ans.
Le Tribunal de commerce ayant fait droit à la demande de la société D., la société A. a alors interjeté appel de la décision, avançant notamment qu’il n’existait aucune relation commerciale établie au sens de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce.
Cette disposition sanctionne en effet toute rupture d’une relation commerciale intervenue de manière brutale, ce qui suppose la réunion de plusieurs conditions, à savoir, l’existence d’une relation commerciale, qui soit établie (c’est-à-dire qui présente un caractère suivi, stable et habituel), accompagnée d’une rupture (totale ou partielle) qui soit brutale.
Les juges du fond estiment que la relation de distribution qui liait la société D. à la société R. a cessé dès le 1er septembre 2012 au moment de la prise d’effet de la location-gérance du fonds de commerce.
La Cour relève que lorsque la société A. a repris le fonds de commerce, aucune relation de distribution n’existait entre la société D. et la société R. et que, suite à la reprise du fonds de commerce par la société A., une nouvelle relation commerciale s’est instaurée entre la société D. et la société A. à compter du 1er octobre 2013. De ce fait, les juges du fond relèvent que, lorsque la société A. a décidé de mettre un terme à sa relation avec la société D., cette relation commerciale existait en réalité depuis un mois à peine. Ainsi, « la relation ne répondant à l’exigence de stabilité et de durée significative prévue par l’article L.442-6 I 5°, [la société D.] n’est pas fondée à invoquer, à l’encontre de la [société A.], une quelconque rupture de la relation commerciale établie ». En conséquence, le jugement a été infirmé et la société D. a été déboutée de ses demandes.
A rapprocher : Article L.641-11-1 du Code de commerce