L’absence de mention, dans l’acte de vente d’un bien immobilier, de l’existence d’une servitude non apparente ne constitue pas un vice caché.
Par un arrêt récent, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que l’absence de mention, dans l’acte de vente d’un bien immobilier, de l’existence d’une servitude non apparente ne constitue pas un vice caché prévu à l’article 1641 du code civil mais relève des dispositions de l’article 1638 du code civil.
Dans l’espèce jugée, les époux X ont vendu aux époux Y une parcelle de terrain à bâtir. Après avoir obtenu leur permis de construire, les acquéreurs ont appris qu’une canalisation traversait leur terrain et que le passage de cette canalisation avait fait l’objet d’une servitude conventionnelle dont l’existence n’était ni mentionnée dans l’acte de vente ni publiée à la conservation des hypothèques. Ces derniers ont alors assigné leurs vendeurs afin d’obtenir réparation de leur préjudice.
Par arrêt en date du 20 septembre 2011, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a fait droit à leur demande en condamnant les vendeurs à payer aux acquéreurs la somme de 30 000 euros au titre de la perte de valeur du terrain.
Pour consacrer cette solution, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence retient que la canalisation dont l’existence n’a été révélée aux acquéreurs qu’après la vente :
- interdit toute construction sur la partie supérieure du terrain présentant plus d’attraits que la partie inférieure
- nécessite la réalisation d’ouvrages adaptés pour pouvoir être franchie par des véhicules
- diminue l’usage de ce terrain sur une superficie d’environ 28 m².
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence en déduit que la présence de cette canalisation constitue donc un vice caché à raison duquel les vendeurs sont tenus de la garantie prévue par l’article 1641 du code civil.
La Cour de cassation a censuré cet arrêt au motif qu’« une servitude non apparente ne constitue pas un vice caché, mais relève des dispositions de l’article 1638 du code civil ».
Que faut-il entendre exactement dans la distinction ainsi mise en avant par la Cour de cassation ? Quelle en est la portée exacte au plan pratique ?
En définitive, l’intérêt de la distinction entre :
- le fondement de la garantie des vices cachés résultant des dispositions de l’article 1641 du code civil aux termes duquel : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».
- et celui des charges non déclarées résultant des dispositions de l’article 1638 du code civil selon lequel :
« Si l’héritage vendu se trouve grevé, sans qu’il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu’elles soient de telle importance qu’il y ait lieu de présumer que l’acquéreur n’aurait pas acheté s’il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n’aime se contenter d’une indemnité. »
n’est pas à rechercher dans le mode de réparation du préjudice, dès lors qu’il est prévu dans ces deux cas une option au profit de l’acquéreur entre une action rédhibitoire et une action estimatoire, mais dans leurs conditions d’application.
En effet, à titre d’exemple, l’action en garantie des vices cachés (C. civ., art. 1641) prend en compte la bonne ou mauvaise foi du vendeur pour déterminer si des dommages-intérêts peuvent être alloués à l’acquéreur, ce qui n’est pas le cas de l’action en garantie en raison des charges non déclarées.
Rappelons enfin que ce débat aurait pu être évité par l’insertion dans l’acte de vente conclu entre non-professionnels de stipulations limitatives ou exclusives de responsabilité.