Loi Sapin II : délais de paiement, conventions fournisseurs, CGV, pratiques restrictives de concurrence

TOUSSAINT-DAVID Gaëlle

Avocat

Après validation partielle par le Conseil constitutionnel (déc. n°2016-741 DC du 8 décembre 2016)

La loi Sapin II définitivement adoptée par le Parlement le 8 novembre dernier, et validée pour l’essentiel par le Conseil constitutionnel, le 8 décembre 2016, apporte de nombreuses modifications applicables entre commerçants, notamment dans les relations de distribution.

Ce qu’il faut retenir : La loi Sapin II définitivement adoptée par le Parlement le 8 novembre dernier, et validée pour l’essentiel par le Conseil constitutionnel, le 8 décembre 2016, apporte de nombreuses modifications applicables entre commerçants, notamment dans les relations de distribution.

Pour approfondir : Le Conseil constitutionnel a validé en tous points, le 8 décembre 2016, les dispositions de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », relatives au durcissement des règles applicables aux délais de paiements, à l’extension des pratiques restrictives de concurrence et de leurs sanctions et aux modifications du régime des conventions entre fournisseurs et distributeurs, qui notamment n’auront plus nécessairement à être conclues chaque année).
 

  • Délais de paiement et sanctions

En matière de délais de paiement, la loi Sapin II introduit deux modifications générales.

    • Dispositions générales

Poursuivant le mouvement entamé depuis 2008 avec la loi de modernisation de l’économie, la loi Sapin II renforce substantiellement les sanctions du non-respect de ces délais. En effet :

– est désormais prévue une sanction de 2 millions d’euros d’amende administrative, au lieu de 375.000 euros auparavant (lorsque le non-respect des délais de paiement est le fait d’une personne morale). Cette modification s’applique à la fois pour les délais standards visés à l’article L.441-6 du code de commerce et pour les délais spécifiques prévus à l’article 443-1 du code de commerce. L’amende encourue par les personnes physiques n’est en revanche pas modifiée et demeure de 75.000 euros ;

– la loi prévoit que désormais, la décision de sanction d’une violation des délais de paiement maxima sera systématiquement publiée (alors qu’il s’agissait d’une simple faculté pour le juge auparavant), donnant ainsi plus de visibilité aux mauvais payeurs.

    • Délai de paiement dérogatoire pour les produits achetés pour l’export hors Union européenne

La loi Sapin II introduit un régime dérogatoire spécifique aux articles L.441-6 et L.443-1 du code de commerce pour les achats de produits effectués en franchise de TVA, destinés à être livrés dans un Etat hors de l’Union européenne.

Pour ces produits, le délai maximum de paiement dérogatoire est fixé à 90 jours à compter de la date d’émission de la facture, sous la triple condition que :

– les parties aient expressément fait mention du délai dérogatoire par contrat ;
– ce délai dérogatoire ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier, c’est-à-dire ici le fournisseur ;
– l’achat de produit ne soit pas effectué par une grande entreprise.

Dans l’hypothèse où l’acheteur ne revendrait finalement pas les produits hors de l’Union européenne, il se verrait appliquer des pénalités de retard.
 

  • Les pratiques restrictives de concurrence étendues et plus lourdement sanctionnées
    • L’élargissement du champ des pratiques restrictives de concurrence

L’article L.442-6 du code de commerce est complété, pour intégrer spécifiquement de nouvelles pratiques prohibées.

Ainsi, l’article L.442-6, I, 1° précise que peut constituer un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu :

– la participation non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée à une opération de promotion commerciale (était uniquement visée auparavant une opération d’animation commerciale) ;
– la rémunération de services rendus par une centrale internationale regroupant des distributeurs.

Par ailleurs, l’article L.442-6, I, 7° créé par la loi Sapin prévoit l’interdiction pour un partenaire commercial d’imposer une clause de révision de prix ou de renégociation de prix (en application de l’article L.441-7, L.441-7-1 ou L.441-8 du code de commerce) qui ferait référence à un (ou plusieurs) indice(s) public(s) qui serai(en)t sans rapport direct avec les produits (ou les prestations de services) concernés par le contrat. Ainsi, les parties seront tenues à l’avenir de choisir avec attention l’indice basant la révision du prix, pour qu’il soit cohérent avec les produits ou services fournis.

Enfin, la loi Sapin II ajoute l’interdiction pour une partie d’imposer des pénalités de retard de livraison à son partenaire, lorsque ce retard de livraison est dû à un cas de force majeure (article L.442-6, I, 13°).

    • Le renforcement des sanctions des pratiques restrictives de concurrence

Le plafond de l’amende civile encourue est substantiellement augmenté, puisqu’il passe de 2 millions à 5 millions d’euros (outre les dispositions prévoyant le triplement des sommes indument versées ou la possibilité de plafonner l’amende à 5% du chiffre d’affaires, qui sont maintenues).

Par ailleurs, comme pour les délais de paiement, la décision de sanction en matière de pratiques restrictives de concurrence sera désormais systématiquement publiée.

 

  • Des modifications relatives aux conventions entre fournisseurs et distributeurs
    • L’assouplissement : la faculté de conclure des conventions pour deux ou trois ans

La conclusion chaque année d’une convention entre les fournisseurs et leurs distributeurs en application de l’article L.441-7 du code de commerce (ou pour les grossistes, en application de l’article L.441-7-1 du code de commerce) est particulièrement contraignante en pratique, et génère pour les entreprises une mobilisation importante de ressources humaines en fin d’année et début de l’année suivante.

Afin de prendre en compte cette contrainte, qui peut affecter la productivité des entreprises sur ces périodes, la loi Sapin II insère un assouplissement substantiel des règles en prévoyant que le fournisseur et le distributeur peuvent choisir de conclure la convention tous les 2 ou 3 ans (la conclusion de la convention demeurant bien entendu possible). Cette réforme constituera un véritable soulagement administratif pour de nombreuses entreprises.

Si les parties choisissent de conclure une convention pluriannuelle, cette dernière devra simplement fixer les modalités selon lesquelles le prix convenu sera révisé : à cette fin, les entreprises peuvent choisir de prendre en compte un ou plusieurs indices publics reflétant l’évolution du prix des facteurs de production.

Ces dispositions seront applicables aux conventions conclues à compter du 1er janvier 2017. Il est donc probable que les opérateurs qui tentaient ces dernières années de conclure les conventions au plus tard le 31 décembre de chaque année pour éviter les risques liés à l’interdiction de rétroactivité, préfèreront patienter jusqu’au 1er janvier (ou plus tard) pour conclure des conventions pluriannuelles.

    • Les dispositions spécifiques aux produits agro-alimentaires

– Le plafonnement des avantages relatifs à certains produits agricoles

Les avantages que le fournisseur peut accorder aux consommateurs dans le cadre des NIP faisant l’objet d’un contrat de mandat en application de l’article L.441-7, I, al. 9 du code de commerce sont désormais plafonnés pour certains produits agricoles.

En effet, la loi Sapin prévoit que pour les produits agricoles visés à l’article L.441-2-1 du code de commerce, ainsi que pour le lait et les produits laitiers, ces avantages sont plafonnés à 30% de la valeur du barème des prix unitaires, frais de gestion compris.

– Le prix prévisionnel des produits alimentaires contenant des produits agricoles non transformés

La loi Sapin II ajoute à l’article L.441-6 du code de commerce, une disposition spécifique aux conditions générales de vente relatives à des produits alimentaires comportant un (ou plusieurs) produit(s) agricole(s) non transformé(s) devant faire l’objet d’un contrat écrit (en application de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime).

Le contrat écrit portant sur ces produits contiendra une mention d’un « prix prévisionnel moyen proposé par le vendeur au producteur de ces produits agricoles ». Pour définir ce prix, les parties peuvent recourir à un (ou plusieurs) indice(s) public(s) de coût de production en agriculture et à un (ou plusieurs) indice(s) public(s) des prix de vente aux consommateurs des produits alimentaires. Ces indices peuvent être spécifiques au contrat concerné, ou encore établis par un accord interprofessionnel.

L’article L.441-6 du code de commerce précise, au besoin, que les indices choisis par les parties devront être fixés de bonne foi entre elles.

– Dispositions spécifiques aux contrats de MDD de courte durée

Au fur et à mesure des évolutions du projet de loi, les dispositions relatives aux produits vendus sous marque de distributeur (MDD), désignés comme les produits conçus et produits selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur, ont évolué.

La seule disposition maintenue dans la loi votée et validée par le Conseil constitutionnel est l’article L. 441-10 du code de commerce qui contraindra le fournisseur de produits alimentaires sous MDD et le distributeur concerné à mentionner dans un contrat d’une durée inférieure à un an, le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d’achat des produits agricoles non transformés entrant dans la composition de ces produits alimentaires (lorsque ces produits agricoles doivent faire l’objet d’un contrat écrit en application de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime).

Pour la détermination du prix, le fournisseur et le distributeur pourront choisir de se référer à un (ou plusieurs) indice(s) public(s) de coût de production en agriculture et à un (ou plusieurs) indice(s) public(s) des prix de vente aux consommateurs des produits alimentaires, sous réserve que cet (ou ces) indice(s) soi(en)t fixé(s) de bonne foi entre les parties.

A rapprocher : Projet de loi adopté le 8 novembre 2016 ; Décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2016 

Sommaire

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