Quelles est la valeur probatoire de certaines clauses déclaratives pouvant figurer dans les contrats de franchise et, de manière plus générale, dans les contrats de distribution ?
Les deux arrêts commentés présentent l’intérêt de revenir utilement sur la valeur probatoire de certaines clauses déclaratives pouvant figurer dans les contrats de franchise et, de manière plus générale, dans les contrats de distribution.
Dans la première affaire (CA Aix-en-Provence, 10 janvier 2013), la Cour avait à se prononcer sur le régime probatoire d’une clause déclarative de bonne réception du document d’information précontractuelle qui, en substance, mentionnait que le franchisé s’était bien vu remettre un DIP dans un délai suffisant au regard des dispositions légales de l’article L.330-3 du code de commerce : « le franchisé reconnaît avoir reçu de la part du franchiseur un DIP ainsi qu’un projet du contrat vingt jours au moins avant la signature de celui-ci, avoir sollicité toutes informations nécessaires et mener toutes investigations utiles de nature à conférer à son consentement un caractère libre et éclairé, s’être entouré de tout conseil utile et avoir disposé du temps nécessaire aux fins d’étudier l’opportunité de son investissement ». Une telle clause appelle deux séries de commentaires.
En premier lieu, cette clause permet incontestablement de prouver que le DIP a été effectivement remis par le franchiseur au franchisé, conformément au délai légal ; de ce point de vue, la clause « fonctionne ».
C’est ce qu’exprime bien la Cour dans cette décision, lorsqu’elle retient que le franchisé « qui a signé et paraphé chaque page du contrat de franchise n’est pas fondé à soutenir qu’il n’a pas reçu de la part du franchiseur un DIP vingt jours au moins avant la signature du contrat ».
En second lieu, toutefois, la Cour considère que l’utilité de cette clause ne va pas au-delà. En particulier, elle ne saurait permettre, selon la Cour, de faire présumer que le contenu du DIP serait conforme aux prescriptions des articles L.330-3 et R.330-1 du code de commerce.
La Cour souligne en effet, à ce titre, que le franchiseur qui ne produit pas ce DIP, n’apporte pas la preuve de la conformité du contenu de ce document aux prescriptions très détaillées de l’article 1 du décret du 4 avril 1991 et de son caractère suffisant pour permettre [au franchisé] d’appréhender au mieux l’aspect économique, financier et administratif de son projet et son caractère viable. Et la nuance est loin d’être neutre puisque la Cour retient finalement la nullité du contrat pour vice du consentement …
En vérité, la solution n’est pas surprenante puisque la rédaction de la clause, reproduite ci-contre, n’indiquait pas que le DIP était conforme aux textes en vigueur (v. déjà en ce sens, CA Nîmes, 13 septembre 2012, RG n°10/05404 (solution implicite)). Ainsi, en l’espèce, peut-être eût-il été plus opportun alors de faire préciser par cette clause que le franchisé considérait lui-même le DIP remis « conforme » aux exigences de l’article R.330-1 précité.
On en profitera pour rappeler que le franchiseur peut prouver par tout moyen qu’il s’est acquitté de son obligation précontractuelle d’information : cette preuve peut résulter d’affirmations émanant du franchisé ou se déduire de la longueur des négociations (Cass. com., 20 oct. 1998, pourvoi n°96-15.378). Cependant, le mode de preuve doit permettre d’identifier de façon suffisamment précise les informations qui ont été transmises. On sait en effet qu’une attestation rédigée en termes généraux ne permet pas de constituer une telle preuve ; de même, le franchiseur ne peut attester lui-même avoir remis l’information prévue par la loi (CA Lyon, 31 mars 2005, Juris-Data n°274619).
Dans la seconde affaire (CA Douai, 17 janvier 2013), la Cour avait à se prononcer sur la validité d’une clause de dispense de transmission de l’état du marché local ainsi rédigée : « Le franchisé connaît parfaitement l’état local du marché et dispense le franchiseur de procéder lui-même à une nouvelle étude de l’état local du marché, celui-ci ayant été étudié conjointement par le franchisé, et ce préalablement à l’ouverture du magasin ».
La Cour écarte en l’espèce l’application de cette clause dans les termes suivants : « L’article L.330-3 du code de commerce étant d’ordre public, cette clause ne peut produire aucun effet, lors même que le [franchisé] pourrait être considéré comme un commerçant averti pour avoir une expérience – admise par lui-même – dans le secteur du textile ; que cette conclusion s’impose de plus fort qu’il n’est pas démontré que l’intéressé eût disposé de la moindre connaissance du marché local stéphanois, la circonstance qu’il soit originaire de cette ville ne caractérisant pas une telle connaissance dès lors qu’il n’y a jamais exercé sa profession ». On le voit, le rédacteur d’acte doit se garder, en toutes circonstances, d’être « emporté » par ce qui pourrait constituer, en apparence, une « bonne idée » et s’assurer de la validité et de l’exacte portée des clauses qu’il insère.