Rupture partielle de relation commerciale établie

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SIMON François-Luc

Avocat Associé-Gérant - Docteur en droit

Avis n°16-19 relatif aux relations commerciales de fournisseurs de produits MDD avec un distributeur publié le 14 décembre 2016

Cet avis apporte des précisions utiles concernant la rupture partielle de relation commerciale établie de fournisseurs de produits MDD avec un distributeur.

Ce qu’il faut retenir : Cet avis apporte des précisions utiles concernant la rupture partielle de relation commerciale établie de fournisseurs de produits MDD avec un distributeur.

Pour approfondir : La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a été saisie d’une demande d’avis sur les relations commerciales de fournisseurs de produits MDD avec un distributeur. Au cas présent, un GIE de 12 vignerons avait été créé au début des années 2000 en partenariat avec une enseigne A pour fournir un vin AOC sous sa marque distributeur.

L’intérêt de l’enseigne A était de faire appliquer aux viticulteurs son cahier des charges et une traçabilité en conformité avec la législation et son image d’enseigne proche des producteurs. En application de ce cahier des charges, chaque exploitation avait été auditée  et des parcelles de vignes avaient été dédiées à cette MDD. Le fonctionnement était fondé sur  la réservation d’un volume en début d’année, avec des enlèvements échelonnés et un complément de volume éventuel en fin d’année. Les premières années une facturation pro forma avec des acomptes  sur 10 mois indépendants des enlèvements et des facturations avait été instituée. Le volume commercialisé avait régulièrement progressé mais, par suite de mauvaises récoltes et d’une restructuration de l’enseigne, d’autres opérateurs, négociants non producteurs, étaient rentrés comme fournisseurs avec la même étiquette, avec toutefois un profil différent en termes de traçabilité et d’image. Jusqu’en 2007, le volume vendu était en hausse. Depuis, les ventes se poursuivent mais selon des volumes plus faibles, nettement inférieurs à ce qui a été connu par le passé.

C’est dans ce contexte que le GIE a souhaité interroger la CEPC sur la légalité de différents éléments au regard du droit des relations commerciales, dont celui relatif à l’ancienneté et à exclusivité de la relation commerciale, qui fait l’objet du présent commentaire. A ce titre, était posée à la CEPEC la question de savoir dans quelle mesure une telle baisse de volume peut-elle être assimilée à une rupture brutale partielle d’une relation commerciale établie, pratique restrictive de concurrence sanctionnée à l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce ? L’avis commenté formule quatre séries d’observations.

En premier lieu, selon la CEPC, « pour qu’une baisse des volumes (baisse du chiffre d’affaires) puisse être qualifiée de rupture brutale d’une relation commerciale établie, cette baisse ne doit pas :

  • résulter  d’une application d’une clause contractuelle organisant la variation des volumes ;

    ou

  • avoir fait l’objet d’une information préalable ayant permis au fournisseur d’anticiper la baisse des volumes ;

    ou

  • pouvoir être justifiée par des critères objectifs tels que le désintérêt du consommateur pour le produit en cause ou une baisse de qualité des produits (cf. jurisprudence précitée), sous réserve que ces critères ne soient pas contraires au contenu des clauses du contrat liant les parties ».

En deuxième lieu, la CEPC souligne que la jurisprudence attache au contexte d’exclusivité de la relation commerciale établie un enjeu permettant de mieux marquer le caractère brutal de la rupture (v. en ce sens : Cass. com., 20 mai 2014, n°13-16398) et d’apprécier la durée du préavis à respecter.

En troisième lieu, la CEPC ajoute que la prise en compte par le juge du contexte d’exclusivité pour qualifier l’existence d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie est conditionnée au fait que cette exclusivité ne soit pas un choix délibéré de la part de la partie subissant la rupture et qu’à défaut ce critère ne semble pas pouvoir être pris en compte (v. en ce sens : CA Paris, 14 sept. 2012, n°11/05373 ; Cass. com. 4 nov. 2014, n°13-22726). La CEPC précise par ailleurs qu’en cas de clause d’engagement contractuel sur les volumes achetés, une baisse non conforme aux conditions définies au sein de cette clause pourrait engager la responsabilité contractuelle de la partie responsable de la baisse (sauf cas de force majeure) sans pour autant que la qualification de rupture brutale au sens de l’article L.442-6, I, 5° puisse être retenue.

En dernier lieu, la CEPC indique que ces éléments pourraient également contribuer, le cas échéant, à  la caractérisation de l’abus de dépendance économique qui, pour être retenu, doit réunir les trois conditions suivantes : l’existence d’une situation de dépendance économique (la précision relative aux 70% de la production réservée à ce marché par certains producteurs irait en ce sens), une exploitation abusive de cette situation (une demande d’alignement des prix sous peine de blocage des enlèvements et une modification importante des volumes réservés et/ou enlevés auraient été faites selon l’auteur de la saisine et une affectation, réelle ou potentielle du fonctionnement ou de la structure de la concurrence sur le marché (évaluation au cas par cas).

D’une manière générale, concernant les volumes de commandes ou volumes achetés, la CEPC « recommande d’anticiper d’éventuelles variations significatives, notamment en cas de relation commerciale s’inscrivant dans la durée, et de prévoir des délais de prévenance permettant au vendeur, d’anticiper et d’optimiser sa production et ses circuits de distribution ».

A rapprocher : Cass. com., 4 nov. 2014, n°13-22726

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