CA Paris, 5 décembre 2016, n°15-16768
La rupture brutale des relations commerciales établies relève, en cas de défaut de stipulations relatives à la loi applicable au contrat, du règlement Rome II relatif à la loi applicable aux obligations non contractuelles.
Ce qu’il faut retenir : La rupture brutale des relations commerciales établies relève, en cas de défaut de stipulations relatives à la loi applicable au contrat, du règlement Rome II relatif à la loi applicable aux obligations non contractuelles.
Pour approfondir : Dans l’espèce, la société Classic Operadora de Tour avait pour activité celle d’agent de voyages réceptifs à Punta Cana en République Dominicaine. A cette fin, cette dernière proposait aux tours opérateurs « des services consistants en la réservation d’hôtels, les transferts entre hôtels et aéroport, les excursions » en République Dominicaine.
La société Classic Operadora de Tour avait conclu le 1er octobre 2010 un contrat avec la société TUI France ayant quant à elle pour activité la création et la vente de « voyages et prestations connexes en France et à l’étranger » pour une durée de deux ans. Ce contrat a été reconduit pour une nouvelle période de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2014.
Le contrat conclu prévoyait la possibilité pour le tour opérateur TUI France de rompre unilatéralement et par anticipation le contrat « sans préjudice en cas de décision du groupe TUI ».
Le 8 janvier 2013, la société TUI France annonçait à la société Classic Operadora de Tour qu’elle mettait un terme au contrat et cela à compter du 11 mai 2013 soit avant le terme prévu au contrat.
La société Classic Operadora de Tour l’assignait alors devant le tribunal de commerce de Paris pour rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.
Par jugement en date du 6 juillet 2015, le tribunal de commerce de Paris déboutait la société Classic Operadora de Tour de ses demandes au motif que l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce n’était pas applicable. La société Classic Operadora de Tour fait appel de la décision de première instance.
La Cour d’appel procède en premier lieu à un examen des termes du contrat entre les parties et relève que si le contrat a bien été signé en France « aucune stipulation du contrat ne renvoie au droit français ». Dans le même sens, le « contrat ne comporte pas de clause d’attribution de compétence ».
La Cour d’appel relève par la suite que les « dispositions de l’article 442-6 du code de commerce, qui sanctionnent une rupture brutale de relations commerciales, n’ont pas de lien direct avec la bonne ou mauvaise exécution du contrat, elles relèvent de la responsabilité délictuelle » (nous soulignons). L’action fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies étant de nature délictuelle, la loi applicable aux obligations non contractuelles est soumise aux dispositions du règlement Rome II du 11 juillet 2007.
La Cour d’appel relève alors que « la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient […] » concluant que « l’action visant à sanctionner la rupture de relations commerciales établies, est régie par la loi du lieu où la victime de la rupture exerce son activité et a son siège social », dès lors la loi dominicaine est applicable.
La question de la nature délictuelle ou contractuelle de l’action fondée sur l’article L 442-6 5 du code de commerce a été soulevée à de nombreuses reprises et récemment la Cour de Justice de l’Union Européenne a reconnu un fondement contractuel à une telle action dès lors qu’il existait entre les parties une « relation contractuelle tacite » (CJUE 14 juillet 2016, C-196/15).
Il sera par ailleurs relevé que la Cour d’appel de Paris écarte l’application de l’article 4. 3 du Règlement Rome II aux termes duquel le fait dommageable né à l’occasion d’un contrat est régi par la loi de ce contrat.
Force est de constater que la Cour d’appel de Paris, malgré la position adoptée par la Cour de Justice de l’Union Européenne, conserve la position classique de la Cour de cassation qui est celle d’une action fondée sur la responsabilité délictuelle et non contractuelle.
A rapprocher : CJUE, 14 juillet 2016, C-196/15