CJUE 14 juillet 2016, affaire Granarolo C-196/15
Conformément à l’article 5 point 3 du règlement Bruxelles I, l’action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, s’il existait entre les parties une relation contractuelle tacite.
Ce qu’il faut retenir :
Conformément à l’article 5 point 3 du règlement Bruxelles I, l’action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, s’il existait entre les parties une relation contractuelle tacite.
Pour approfondir :
Dans l’espèce, la société Ambrosi distribue en France des produits de la société italienne Granarolo depuis 25 ans sans contrat cadre, ni stipulation d’exclusivité. La société Granarolo souhaite mettre un terme à cette relation d’affaire et rompt la relation. La société Ambrosi l’assigne alors devant une juridiction française pour rupture brutale de relations commerciales établies sur le fondement de l’article L442-6 du code de commerce et engage sa responsabilité délictuelle. En effet, la juridiction compétente en matière de responsabilité délictuelle est celle du lieu de survenance du dommage (article 46 du code de procédure civile) qui serait ainsi le lieu où est situé le siège social d’Ambrosi, à Nice. Pour la société Granarolo, l’action en responsabilité n’est pas délictuelle mais contractuelle et de ce fait la juridiction compétente doit être une juridiction italienne. En matière contractuelle, la juridiction compétente est celle du lieu de livraison de la chose. Par conséquent, ce lieu serait, selon la dite société, l’usine de Bologne (Italie) conformément aux indications figurant sur les factures. Une question préjudicielle est donc posée devant la Cour de Justice de l’Union Européenne.
La question en présence reposait sur le fait de savoir quelle était la nature de l’action indemnitaire fondée sur la rupture brutale de relations commerciales établies afin de déterminer la juridiction compétente. Le règlement Bruxelles 1 prévoit, en effet, des règles de compétences différentes selon que la matière soit contractuelle (article 5 point 1) ou délictuelle et quasi délictuelle (article 5 point 3).
La Cour rappelle alors que pour définir la nature de la responsabilité contractuelle il n’est pas obligatoire de rapporter la preuve d’un contrat écrit. Une obligation contractuelle peut exister même si elle est issue d’un contrat tacite, qui s’entend comme des actes non équivoques exprimant la volonté des parties. En outre, relève de la matière délictuelle tout ce qui ne relève pas la matière contractuelle selon une jurisprudence constante de la cour (CJUE, 28 janvier 2015, Kolassa, C-375-13).
En définitive même si les parties n’étaient pas liées par contrat cadre écrit, la rupture brutale de leur relation commerciale ne relève pas nécessairement de la matière délictuelle au sens du règlement Bruxelles I. La Cour de Justice de l’Union Européenne estime que s’il existait une relation contractuelle tacite entre les parties, l’action en rupture brutale devait être fondée sur la responsabilité contractuelle. Elle laisse toutefois à la juridiction de renvoi le soin de vérifier s’il existait une telle relation entre les parties.
Ainsi, la Cour de Justice nous donne dans cette affaire des éléments d’appréciation sans toutefois trancher la question qui lui a été soumise. Elle apporte néanmoins un faisceau d’indices concordants à partir desquels une relation contractuelle tacite peut être qualifiée, tels que la durée de la relation, la bonne foi, la régularité des transactions, les accords sur les prix et la correspondance échangée.
Par ailleurs, cet arrêt va à l’encontre d’une jurisprudence constante établie par la Cour de cassation qui tranche en faveur d’une responsabilité délictuelle. L’argument tenant au fait que les parties puissent être liées par un contrat étant indifférent pour les juridictions françaises. Il conviendra donc de voir si la Cour de cassation fait évoluer sa position eu égard à la décision rendue par la CJUE en juillet dernier
A rapprocher : CJUE 14 juillet 2016, affaire C-196/15