CA Paris, 14 décembre 2016, n°14/15221
A l’occasion d’un litige relatif à une rupture brutale de relations commerciales établies entre deux sociétés de droits différents, la Cour d’appel de Paris qualifie le contrat de distribution en présence, de contrat de fournitures de services. Dans la mesure où les services devaient être fournis en France, les juridictions françaises sont compétentes.
Ce qu’il faut retenir : A l’occasion d’un litige relatif à une rupture brutale de relations commerciales établies entre deux sociétés de droits différents, la Cour d’appel de Paris qualifie le contrat de distribution en présence, de contrat de fournitures de services. Dans la mesure où les services devaient être fournis en France, les juridictions françaises sont compétentes.
Pour approfondir : La société Get Fresh, société de droit anglais, fournit des produits cosmétiques à la société Tentation, société de droit français, laquelle est chargée de les distribuer en France. Les parties ont signé un contrat d’exclusivité stipulant que la société Tentation est le distributeur exclusif de la société Get Fresh en France et ce depuis le 1er janvier 2002. Ce contrat, conclu pour une durée initiale de trois ans, a été renouvelé par tacite reconduction trois fois par les parties pour cette même durée. Par un mail en date du 16 décembre 2010, la société Get Fresh avait indiqué à la société Tentation que ses achats n’étaient plus assez importants et qu’elle ne pouvait plus, dès lors, lui garantir l’exclusivité. Un préavis de trois mois était prévu avant que la rupture de la relation commerciale ne prenne effet.
La société Tentation a alors assigné le Tribunal de commerce de Saint-Etienne afin de constater la rupture abusive du contrat et d’obtenir des dommages et intérêts en réparation.
Par jugement du 5 décembre 2012, le Tribunal se déclare territorialement compétent, et fait droit à la demande de la société Tentation en ce qui concerne l’octroi de dommages et intérêts en raison des préjudices subis du fait de la rupture abusive. En conséquence, la société Get Fresh interjette appel devant la Cour d’appel de Paris.
La difficulté en présence tenait au fait de savoir si les juridictions françaises étaient compétentes pour trancher cette affaire. La société anglaise (Get Fresh) soutenait ainsi l’incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions anglaises.
La Cour d’appel de Paris fait application de l’article 5,1°, b du règlement 44/2001 qui dispose que le défendeur peut être assigné devant le Tribunal du lieu de livraison des marchandises pour les contrats de vente ou du lieu où le service est fourni pour les contrats de fourniture de service. Par ailleurs, depuis l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne « Corman Collins » du 19 décembre 2013 (affaire C-9/12), les accords de distribution peuvent être qualifiés, soit de contrats de vente, soit de contrats de fourniture de service. Il importe dès lors de déterminer la qualification juridique du contrat de distribution passé entre les sociétés Get Fresh et Tentation afin d’en déduire la juridiction territorialement compétente.
En l’espèce, la Cour estime que le contrat d’exclusivité signé entre les parties était un accord-cadre avec des engagements d’approvisionnement et de fourniture réciproques. Dans la mesure où la société Tentation doit assurer un montant d’approvisionnement minimum, qu’elle doit s’approvisionner en exclusivité auprès de la société Get Fresh et qu’elle bénéficie en retour d’une exclusivité, la Cour d’appel de Paris a conclu qu’il s’agit d’un contrat de fourniture de service. En conséquence, les services prévus au contrat de distribution devant être fournis en France, la compétence revient ainsi dans cette affaire aux juridictions françaises.
En définitive, le Tribunal de commerce de Saint-Etienne et la Cour d’appel de Paris sont compétents pour se prononcer sur le fond du litige. La société Tentation obtient ainsi des dommages et intérêts en réparation du dommage subis du fait de la résiliation fautive de son exclusivité sur les produits de la société Get Fresh.
A rapprocher : Article 5, 1°, b du règlement 44/2001