Cass. civ. 1ère, 18 janvier 2017, n°15-26.105
Les dispositions impératives d’une loi de police française, fussent-elles applicables au fond du litige ne font pas obstacles à l’application d’une clause attributive de juridiction désignant comme compétente une autre juridiction que les juridictions françaises. Le litige découlant d’une rupture brutale des relations commerciales établies doit être réglé conformément aux dispositions du contrat désignant un juge étranger compétent.
Ce qu’il faut retenir : Les dispositions impératives d’une loi de police française, fussent-elles applicables au fond du litige ne font pas obstacles à l’application d’une clause attributive de juridiction désignant comme compétente une autre juridiction que les juridictions françaises. Le litige découlant d’une rupture brutale des relations commerciales établies doit être réglé conformément aux dispositions du contrat désignant un juge étranger compétent.
Pour approfondir : Les sociétés Aston Martin Lagonda Limited et Riviera Motors ont conclu les 30 septembre et 2 octobre 2003 un contrat de concession automobile. La société Riviera Motors, concessionnaire automobile, a assigné devant les juridictions françaises son concédant, la société Aston Martin Lagonda Limited, pour rupture brutale des relations commerciales établies. La société Aston Martin Lagonda Limited a alors soulevé une exception d’incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions anglaises et cela conformément aux dispositions de l’article 26 « Loi applicable /Juridiction » du contrat lequel prévoit : « Le présent Contrat est soumis à la loi anglaise et les parties se soumettent de façon irrévocable à la compétence exclusive des juridictions anglaises ».
La Cour d’appel de Paris ayant déclaré la juridiction judiciaire française incompétente, la société Riviera Motors décide de se pourvoir en cassation. Elle soutient que la clause attributive de compétence faisait nécessairement échec à l’application d’une loi de police française dans la mesure où la clause litigieuse liait tant la compétence du juge anglais que l’application du droit anglais. La société Riviera Motors fait enfin valoir que la clause litigieuse ne s’applique qu’aux actions fondées sur la responsabilité contractuelle. Or, l’action fondée sur la rupture brutale des relations établies au sens de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce étant, selon la demanderesse au pourvoi, de nature délictuelle, la clause ne devrait pas trouver à s’appliquer.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel aux motifs « qu’ayant relevé que le rapport de droit en cause ne se limitait pas aux obligations contractuelles, la référence de l’article 26 au « présent contrat » ne concernant que le droit applicable, et devait s’entendre des litiges découlant de la relation contractuelle, la cour d’appel, hors toute dénaturation, en a souverainement déduit, des dispositions impératives constitutives de lois de police fussent-elles applicables au fond du litige, que la clause attributive de compétence s’appliquait à la rupture brutale du contrat ».
La Cour de cassation retient ainsi que la clause attributive de juridiction ne se limitait pas aux seules obligations contractuelles mais s’appliquait bien à tout « litige découlant de la relation contractuelle ». Il importe peu que le litige soit de nature délictuelle ou contractuelle, la clause a une portée générale et s’applique à tous les litiges découlant de la relation contractuelle. La Cour de cassation rappelle par ailleurs qu’il importe peu que ces dispositions impératives constitutives de lois de police soient applicables au fond du litige. La volonté des parties sur la juridiction compétente doit prévaloir. La question de la nature délictuelle ou contractuelle de l’action fondée sur l’article L 442-6, I, 5° du code de commerce a été soulevée à de nombreuses reprises et récemment la Cour de Justice de l’Union Européenne a reconnu un fondement contractuel à une telle action dès lors qu’il existait entre les parties une « relation contractuelle tacite » (CJUE 14 juillet 2016, C-196/15).
A rapprocher : CJUE 14 juillet 2016, affaire C-196/15