Cass. com., 1er mars 2017, n°15-19.068
Une entreprise en situation de position dominante « ne doit pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée sur le marché intérieur ».
Ce qu’il faut retenir : Une entreprise en situation de position dominante « ne doit pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée sur le marché intérieur ». L’objectif d’éviction d’une société par la mise en place par une société concurrente en situation de position dominante d’une solution nécessitant un sacrifice financier considérée comme non rationnelle d’un point de vue économique excède ce qu’autorise le droit de riposte.
Pour approfondir : La société A est en situation de position dominante sur le marché de la presse écrite sportive. La société B a édité un quotidien concurrent gratuit. Pour répondre à l’arrivée de ce quotidien gratuit, la société A a édité simultanément un quotidien gratuit.
L’Autorité de la Concurrence a, par une décision n°14-D-02 du 20 février 2014 jugé que la société A « avait enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) en mettant en œuvre une pratique d’éviction du quotidien […] ». La société A a formé un recours contre cette décision.
La société A soutient notamment « que la poursuite d’un objectif d’éviction étant le but même du jeu de la concurrence, la mise en place d’une stratégie d’éviction, fût-elle le fait d’une entreprise dominante, ne saurait, à elle seule, être qualifiée de pratique anticoncurrentielle ; que seul le moyen mis en œuvre par un opérateur économique pour évincer un concurrent peut, lorsqu’il est illicite, révéler le recours à des pratiques anticoncurrentielles et, s’agissant d’une entreprise dominante, l’abus de domination ».
Selon la société A, « l’objectif d’éviction est le but même de la concurrence » et seule la mise en œuvre de moyens illicites peut être constitutive de pratiques anticoncurrentielles condamnables.
La société A considère par ailleurs que la Cour d’appel n’a pas à apprécier la pertinence du choix économique retenu dans sa solution de riposte vis-à-vis de la société B.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel en procédant à une analyse détaillée de la réaction de la société en état de position dominante.
La Cour de cassation rappelle dans un premier temps que « l’occupation d’une position dominante impose à l’entreprise concernée l’obligation particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée sur le marché intérieur ».
La Cour relève ensuite qu’à l’annonce de la sortie d’un quotidien gratuit par la société B, la société A a envisagé 3 solutions : « la première consistant à ne pas réagir, la deuxième, à lancer un nouveau quotidien et la troisième, à améliorer le journal […] ».
La société A a opté pour la deuxième solution de réplique.
La Cour de cassation relève que « ce choix, […], n’était pas rationnel d’un point de vue économique car il s’agissait de l’option la plus coûteuse, impliquant un sacrifice financier significatif par rapport aux autres stratégies envisagées ». La Cour constate également que le quotidien lancé en réponse par la société A « présentait, dès l’origine, une vocation éphémère, son lancement ayant pour unique objet de contrer l’arrivée d’un concurrent sur le marché d’information sportive, dans un projet à court terme, sans se préoccuper de la rentabilité du quotidien et tout en se réservant la possibilité de se retirer du marché en cas de réussite de l’objectif ainsi poursuivi ».
La Cour de cassation considère dès lors que la société A avait mis en œuvre une pratique qui « ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une concurrence par les mérites et qui excédait ce qu’autorise le droit de riposte d’une entreprise en position dominante et qu’elle avait ainsi abusé de cette position ».
La Cour de cassation considère ainsi qu’une société en état de position dominante a naturellement un droit de riposte et de défense de ses intérêts commerciaux, mais uniquement dans le cadre d’une concurrence « par le mérite » c’est-à-dire sans anéantir le nouveau concurrent avant même qu’il se développe.
A rapprocher : Décision n°14-D-02 du 20 février 2014 de l’Autorité de la concurrence