Proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordres en date du 21 février 2017
Le 11 février 2015, une proposition de Loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordres a été déposée à l’Assemblée nationale, mettant au cœur du débat le concept de « responsabilité sociétale des entreprises ».
Ce qu’il faut retenir : Le 11 février 2015, une proposition de Loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordres a été déposée à l’Assemblée nationale, mettant au cœur du débat le concept de « responsabilité sociétale des entreprises ».
Près de deux ans après, et suite à l’adoption d’une exception d’irrecevabilité par le Sénat le 1er février 2017, l’Assemblée nationale a finalement adopté cette proposition le 21 février dernier. Fruit de nombreuses controverses juridiques et politiques, opposant responsabilité et compétitivité des entreprises mères, la saisine du Conseil Constitutionnel le 23 février 2017 cristallise le débat.
Pour approfondir : Suite au drame du Rana Plaza au Bangladesh en avril 2013, la notion de responsabilité sociétale des entreprises a connu un véritable essor, poussant la France à dépasser les standards internationaux en la matière. En y puisant ses origines, cette proposition de Loi a eu pour objectif principal de promouvoir tant la protection sociale et la sécurité des travailleurs, que l’environnement et la biodiversité.
Plus généralement, c’est l’éthique du monde des affaires qui est ici visée, nécessitant un éclaircissement sur son contenu et ses conséquences pour les entreprises mères concernées.
- Point sur le contenu de la proposition de Loi adoptée dans sa version définitive le 21 février 2017
La proposition de loi met à la charge de certaines entreprises un devoir de vigilance comprenant diverses obligations particulières telles que l’élaboration d’un plan de vigilance, d’une procédure d’évaluation régulière de la situation des filiales ou encore une cartographie complète des divers risques.
Avant de revenir sur la définition même de cette « obligation de vigilance », il convient d’identifier les entreprises concernées.
Selon la proposition de Loi, seules les entreprises qui auront, à la clôture de deux exercices constitutifs, (i) au moins cinq mille salariés en leur sein et dans leurs filiales directes ou indirectes et dont le siège social est sur le territoire français ou (ii) au moins dix mille salariés en leur sein et dans leurs filiales directes ou indirectes et dont le siège social est fixé à l’étranger, seront concernées par cette obligation.
Le texte prévoit également son application à toutes filiales ou sociétés contrôlées qui dépasseraient ces seuils dès lors que la société qui les contrôle établit et met en œuvre un plan de vigilance à leur égard.
De ce fait, la question du « devoir de vigilance » se pose. Ce devoir se caractérise par une obligation double d’établissement et de mise en place effective d’un plan de vigilance. Ce plan est élaboré en association avec les parties prenantes de la société. Il doit comporter des mesures de vigilance raisonnables afin d’identifier et prévenir les risques d’atteintes graves aux droits de l’homme et libertés fondamentales, mais également ceux en matière de santé, sécurité et environnement. Ce plan a vocation à s’appliquer à l’ensemble des parties prenantes avec lesquelles la société mère entretient des relations durables et stables.
- Point sur les sanctions de la proposition de Loi adoptée dans sa version définitive le 21 février 2017
Le manquement à l’élaboration de ce plan n’est pas sans impunité. La proposition envisage en effet trois types de sanctions :
- La responsabilité civile des sociétés donneuses d’ordres peut être engagée, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil, pour les dommages occasionnés par ses parties prenantes. La faute pouvant être caractérisée tant par l’inexistence ou l’insuffisance du plan que par la défaillance de mise en œuvre ;
- Les entreprises pourront être contraintes par le juge et être sanctionnées d’une amende civile pouvant atteindre 10 millions d’euros, pouvant être majorée jusqu’à trois fois en fonction de la gravité du manquement et du dommage, en cas de non publication du plan ;
- Le juge pourra, en vertu de l’article 2 de ladite proposition, ordonner la publication, l’affichage ou la diffusion de sa décision sanctionnant l’entreprise défaillante.
Cette proposition de Loi s’inscrit donc dans une démarche extrêmement répressive à l’encontre des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordres. Dans la continuité de l’esprit de la Loi Sapin II, les initiatives en la matière risquent de se multiplier. Ne reste plus qu’à attendre la décision du Conseil Constitutionnel pour savoir si ce projet verra finalement jour.
A rapprocher : Loi Sapin II