Cass. com., 15 mars 2017, n°15-50.021
Le 15 mars 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue clarifier le régime des nullités des actes ou délibérations ne modifiant pas les statuts de sociétés commerciales.
Ce qu’il faut retenir : Le 15 mars 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue clarifier le régime des nullités des actes ou délibérations ne modifiant pas les statuts de sociétés commerciales. Elle affirme que « les dispositions de l’article L.225-204, alinéa 2, du Code de commerce, qui prévoient l’établissement d’un rapport par le commissaire aux comptes sur les causes et conditions de la réduction du capital et sa communication aux actionnaires préalablement à la tenue de l’assemblée générale, ne sont pas prescrites à peine de nullité ». Une position sujette à controverse, mettant à mal l’exigence légale d’un rapport des commissaires aux comptes sur tout projet de réduction du capital.
Pour approfondir : Dans cet arrêt, l’assemblée générale d’une société anonyme avait décidé de la réduction puis de l’augmentation du capital, opération dite « coup d’accordéon ». Cette délibération, ainsi que celle du conseil d’administration mettant en œuvre l’opération, furent remises en cause par trois actionnaires qui assignèrent ladite société afin de procéder à leur annulation.
Déboutés, ils décidèrent d’arguer de la violation des articles L.225-204 et L.235-1 alinéa 2 du Code de commerce. En effet, les délibérations litigieuses étaient, selon eux, nulles dès lors qu’elles avaient été entreprises sans préalablement avoir (i) procédé à la communication du rapport du commissaire aux comptes sur les causes et les conditions de la réduction et (ii) invité les actionnaires à statuer. Cependant, la Cour de cassation fit sienne la position de la Cour d’appel de Paris en rejetant le pourvoi et en affirmant que l’obligation d’établissement d’un rapport par les commissaires aux comptes sur les causes et les conditions de l’opération de réduction du capital n’était pas « prescrite à peine de nullité ».
Une solution étonnante qui, d’une part, remet en cause l’utilité réelle du commissaire aux comptes dans l’information pleine et entière due à tout actionnaire et qui, d’autre part, met à mal le droit d’information des actionnaires en écartant toute référence à l’article L.235-1 alinéa 2 du Code de commerce.
En effet, cet article dispose que la nullité d’un acte ou d’une délibération ne modifiant pas les statuts ne peut être prescrite qu’en cas de violation d’une disposition impérative. Or, si on lit l’article L.225-204 du Code de commerce, le caractère impératif des dispositions est indéniable : elles touchent au droit d’information des actionnaires et portent sur le fond même de l’opération projetée.
La Cour se refuse pourtant à adopter ce raisonnement afin de protéger les intérêts de la société. Reconnaitre l’application de l’article L.235-1 alinéa 2 du Code de commerce serait admettre la nullité d’une opération nécessaire à la survie de la société.
Néanmoins justifier implicitement sa décision au regard de l’alinéa premier de cet article qui dispose que « la nullité d’un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d’une disposition expresse », est encore plus hasardeuse.
Certes l’article L.225-204 du Code de commerce ne prévoit pas expressément la nullité en cas de violation de ses dispositions mais peut-on réellement considérer que le fait d’être appelé à statuer, préalablement à l’opération, sur le rapport du commissaire aux comptes est un acte modifiant les statuts ?
La réponse ne peut être que négative dès lors que seul l’acte arrêté après que l’assemblée générale ait statué sur le rapport est de nature à modifier lesdits statuts.
Ainsi, la Cour de cassation adopte une position extrêmement conservatrice et surprenante à l’heure où le législateur entendait donner une place de choix au commissaire aux comptes et à sa mission d’information des actionnaires.
A rapprocher : Cass. com., 10 octobre 2000, n°98-10.236