Cass. com., 11 mai 2017, n°15-29.374
Pour apprécier l’originalité de plusieurs photographies revendiquées par un auteur, le juge doit procéder à l’examen au cas par cas de chacune d’entre elles.
Ce qu’il faut retenir : Pour apprécier l’originalité de plusieurs photographies revendiquées par un auteur, le juge doit procéder à l’examen au cas par cas de chacune d’entre elles.
Pour approfondir : Cette affaire opposait un ancien reporter photographe salarié d’une société éditant un quotidien à l’éditeur d’un ouvrage qui avait reproduit dans plusieurs ouvrages des photographies prises à l’occasion de matches de football ou ayant pour objet des acteurs du football.
Le photographe engagea une action en contrefaçon pour s’opposer aux reproductions non autorisées de ses clichés.
On le sait, l’originalité, définie comme l’effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur, est la condition que doit remplir toute œuvre pour faire l’objet de droit d’auteur. Les photographies n’échappent pas à cette condition. En l’espèce, le photographe faisait valoir que les clichés saisis lors des matches étaient le résultat des choix opérés par leur auteur s’agissant de l’angle de vue, des teintes, des jeux d’ombre, de l’instant opportun faisant au mieux ressortir l’action décisive et les émotions des joueurs, du cadrage et de la modification des couleurs décidés lors de l’étape de développement, et, d’un autre côté, les portraits individuels avaient aussi nécessité des choix esthétiques sur la lumière, le contraste, les reliefs, l’objectif, le temps de pose, l’angle de la prise de vue, la position des personnes, l’instant convenable dans lesquels se trouvaient exprimés son sens de l’esthétique et sa personnalité.
La Cour d’appel avait néanmoins rejeté l’action en contrefaçon estimant que la preuve de l’originalité des photographies n’était pas rapportée.
Selon les juges d’appel : les photographies litigieuses représentent des joueurs soit en portrait collectif, soit en portrait individuel, tantôt de manière statique et tantôt en action. Si elles démontrent de véritables qualités techniques et esthétiques, dès lors qu’un grand nombre concerne des footballeurs en action rapide, elles ont été réalisées en utilisant, notamment, la technique dite de la prise en rafale qui fonctionne sans véritable choix du photographe, que le choix de la mise en scène et de l’éclairage n’existe pas puisque l’attitude et le comportement des joueurs photographiés, ainsi que les lumières naturelles et artificielles ne sont pas décidés par le photographe lui-même, que le cadrage et le choix de l’angle de vue sont en partie le fruit du hasard et ne démontrent pas une recherche qui porte l’empreinte de la personnalité et de la sensibilité du photographe, lequel photographie des footballeurs et des scènes de jeu, c’est-à-dire des sujets ordinaires, sans faire de recherches personnelles, qu’enfin, les quelques modifications qu’il a opérées après coup sur les photographies ont amélioré ces dernières mais ne portent pas l’empreinte de sa personnalité.
La méthode adoptée par les juges d’appel va conduire à la cassation de l’arrêt. En effet, la Haute Cour fait grief aux juges du fond de ne pas avoir procédé à un examen distinct des photographies pour apprécier leur originalité respective, en les regroupant, au besoin, en fonction de leurs caractéristiques communes.
Les juges doivent donc veiller à motiver leur décision avec soin, en spécifiant, œuvre par œuvre, les éléments conduisant à retenir ou exclure leur originalité. Les plaideurs également devront veiller à exposer précisément, pour chacune des œuvres revendiquées – ici des photographies – les éléments pour justifier de leur originalité et donc de leur droits d’auteur. Ce travail, certes fastidieux lorsque, comme en l’espèce, de nombreuses photographies sont revendiquées, s’avère néanmoins indispensable.
A rapprocher : article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle et L.111-2 du Code de la propriété intellectuelle