Nouveau logiciel d’exploitation et faute du franchiseur

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ZANETTE Alissia

Avocat

CA Paris, 10 mai 2017, n°14/20469

Justifie la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs, le franchiseur qui, en cours d’exécution du contrat, substitue au logiciel d’exploitation un nouvel outil lui permettant de désactiver le compte du franchisé à la cessation du contrat, en le privant de l’accès aux données de la clientèle dont le contrat de franchise lui réserve par ailleurs la propriété, un tel comportement constituant une modification substantielle des conditions contractuelles.

Ce qu’il faut retenir : Justifie la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs, le franchiseur qui, en cours d’exécution du contrat, substitue au logiciel d’exploitation un nouvel outil lui permettant de désactiver le compte du franchisé à la cessation du contrat, en le privant de l’accès aux données de la clientèle dont le contrat de franchise lui réserve par ailleurs la propriété, un tel comportement constituant une modification substantielle des conditions contractuelles.

 

Pour approfondir : La société B…, franchiseur, avait signé avec la société D…, spécialisée dans la fourniture de services au domicile de personnes physiques, tels que la garde d’enfants, un contrat de partenariat, le 15 mai 2007.

Le lien contractuel s’était poursuivi avec la signature de contrats de franchise le 31 août 2010 pour 5 ans.

Ces contrats de franchise comportaient une exclusivité territoriale, sur différentes zones, et un ensemble de prestations, dont une assistance informatique avec la mise à disposition d’un logiciel de gestion que le franchiseur pouvait modifier ou remplacer ; ces contrats de franchise prévoyaient qu’en cas de substitution de logiciel, les franchisés devaient souscrire un contrat de sous-licence portant sur le nouveau logiciel, reprenant les principales clauses du contrat de licence de base. Ces contrats de franchise indiquaient par ailleurs que les franchisés demeuraient propriétaires de leurs données, notamment commerciales, et conservaient la possibilité d’y avoir accès et de les traiter.

Le 10 mars 2011, le franchiseur avait signé un contrat de licence, d’une durée de 3 ans, portant sur un nouveau logiciel, avait demandé aux franchisés la signature d’un contrat de sous-licence, que ces derniers avait refusé de signer. Par courriers du 12 juillet 2012, le franchisé avait résilié, les contrats de franchise, avec effet au 31 octobre 2012.

Le franchiseur avait alors assigné les le franchisé devant le tribunal de commerce de Paris, pour contester la résiliation des contrats de franchise.

Par un jugement avant dire droit du 19 juin 2013, le Tribunal de commerce de Paris avait fait droit à la demande des franchisés et avait ordonné, sans astreinte, la communication par le franchiseur du contrat de licence portant sur le nouveau logiciel. Le franchiseur décidait de ne pas communiquer ledit contrat.

Au fond, le franchiseur est débouté de l’ensemble de ses demandes.

La résiliation à l’initiative des franchisés est jugée bien fondée, tant par le Tribunal de commerce de Paris que par la Cour d’appel.

Pour motiver cette solution, l’arrêt commenté retient tout d’abord que le contrat de franchise prévoyait la mise à la disposition du franchisé d’un « logiciel spécifiquement adapté à l’exploitation d’une agence sous l’enseigne et développé par le franchiseur », tout en comportant deux séries de stipulations :

  • en premier lieu, le contrat de franchise indiquait : « il est entendu que le franchiseur se réserve le droit de modifier le logiciel comme de lui substituer tout autre logiciel, y compris édité par un tiers. Dans ce dernier cas, le franchisé acceptera de signer le contrat de sous-licence de logiciel qui lui sera proposé par le franchiseur reprenant les principales clauses, y compris financières, du contrat de licence dudit logiciel » ;
  • en second lieu, le contrat de franchise précisait, s’agissant de la cessation du contrat de franchise, que « sous réserve de respecter les termes de la clause de non-affiliation, le franchisé pourra continuer d’utiliser les données dont il aurait pu être le producteur en application des dispositions du Code de la propriété intellectuelle soit :
    • s’agissant des clients du franchisé : coordonnées complètes/services rendus/nombre d’heures achetées par an ;
    • s’agissant des intervenants : coordonnées complètes/cv/services rendus ;
    • s’agissant des prospects : coordonnées complètes / services sollicités.

Toutefois, il devra pour cela procéder à leur extraction de la base dont le franchiseur est l’auteur et qui est un élément du savoir-faire. Le franchisé pourra, une fois ces données extraites, les recompiler ainsi qu’il le souhaite, dans toute base dont le franchiseur n’est pas l’auteur ou sur laquelle il ne jouit pas d’un droit d’auteur ».

La Cour d’appel de Paris poursuit en indiquant que, par l’effet combiné de ces deux stipulations, « le contrat portant sur le nouveau logiciel devait reprendre les principales clauses du contrat de licence du logiciel, (…), que [le franchiseur] a refusé de communiquer malgré le jugement du 19 juin 2013, ne permettant pas ainsi aux franchisés de s’assurer de la reprise de ces principales clauses par le contrat de sous-licence ».

Il faut dire que par le contrat de sous-licence le franchisé devait s’engager à « enregistrer et à faire figurer toutes les données dont il est le producteur, dans le cadre de l’exécution de son contrat de franchise (…), sur les serveurs du prestataire (…) », ce contrat de sous-licence prévoyant en son annexe la faculté pour le franchisé d’extraire des données du logiciel. Pour autant cette annexe prévoyait que le contrat de licence conclu entre le nouveau prestataire et le franchiseur donnait à ce dernier la faculté d’ordonner, par simple demande, l’activation ou la désactivation des sous-licences au prestataire. En conséquence, en reconnaissant au franchiseur le pouvoir d’activer ou de désactiver le franchisé, le privant ainsi de tout accès à ses données, le contrat de sous-licence proposé aux franchisés créait une modification des conditions du contrat de licence qui, provoquant un impact direct sur l’exploitation par les franchisés de leurs données, rendait légitime leur demande de communication du nouveau contrat de licence.

 

A rapprocher : Pour des hypothèses de modifications unilatérales et substantielles d’un contrat de franchise : CA Paris, 7 janv. 2015, n°12/19741 ; CA Rennes, 15 sept. 2009, Juris-Data n°2009-014825 ; F.-L. Simon, Droit de la Franchise, Les Petites Affiches, n° spécial, Av. propos, V. Lamanda, 15 nov. 2007, spéc. n°97 ; CA Paris, 9 mai 2007, n°05/01190 ; CA Riom, 14 sept. 2005, Juris-Data n°283353 ; Trib. Com. Paris, 25 sept. 2000, Juris-Data n°2000-131333 ; Cass. com., 3 janv. 1996, n°94-12.314

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