Cass. com., 21 juin 2017, n°15-29.127
L’agent commercial qui refuse de conclure un nouveau contrat à l’expiration du précédent n’a pas l’initiative de la cessation du contrat, de sorte qu’il n’est pas privé du droit à indemnité.
Ce qu’il faut retenir : L’agent commercial qui refuse de conclure un nouveau contrat à l’expiration du précédent n’a pas l’initiative de la cessation du contrat, de sorte qu’il n’est pas privé du droit à indemnité.
Pour approfondir : Pour la distribution de ses publications médicales, la société Elsevier Masson a conclu successivement avec la société La Diffusion Sofradif des contrats d’agence commerciale à durée déterminée, les deux derniers venant à échéance le 31 décembre 2011.
Par lettres des 2 mai et 8 septembre 2011, la société Elsevier Masson a notifié à la société La Diffusion Sofradif le non-renouvellement des contrats à leur terme et engagé des négociations en vue de la conclusion d’un nouveau contrat, qui n’ont pas abouti à un accord.
Se prévalant du non-renouvellement abusif du contrat par l’agent commercial, le mandant l’a assigné en réparation de son préjudice. A titre reconventionnel, l’agent a demandé le paiement d’une indemnité de cessation de son contrat d’agent commercial.
Par décision du 17 décembre 2015, la Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement de première instance, lequel avait débouté les deux parties de l’intégralité de leurs demandes, sauf en ce qu’il a débouté la société La Diffusion Sofradif de demande du chef d’un préavis insuffisant, ce grief n’ayant, en réalité, pas été formulé par l’agent.
Au soutien de son pourvoi en cassation, la société Elsevier Masson argue qu’elle est bien fondée à obtenir réparation de son préjudice subi du fait de l’abus, par l’agent commercial, de son droit de ne pas renouveler le contrat d’agence commerciale, ce préjudice s’analysant, selon elle, en la perte de chiffre d’affaires, diminuée des commissions, que ce mandant pouvait raisonnablement espérer compte tenu de la croyance légitime que le contrat serait renouvelé, à laquelle il conviendrait d’ajouter les frais occasionnés par la négociation comprenant les frais de licenciement de cinq de ses commerciaux afin de libérer des territoires pour la société Sofradif, en considération du nouveau contrat d’agence commerciale à intervenir.
En réponse à ces arguments, la Cour de cassation donne raison à la Cour d’appel, laquelle avait retenu que la faute de l’agent commercial devait s’analyser en une rupture abusive de pourparlers et que la demande du mandant tendant à la réparation d’un préjudice résultant d’un non-renouvellement abusif des contrats ne pouvait être accueillie.
Pour sa part, l’agent commercial fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir assimilé son refus de conclure le nouveau contrat proposé par le mandant à une cessation volontaire du contrat d’agent par ce dernier, laquelle fait obstacle, en application des articles L.134-12 et L.134-13 du Code de commerce, au versement de l’indemnité compensatrice du préjudice subi due à l’agent en cas de cessation de ses relations avec le mandant. Sur ce point, la Haute Juridiction casse l’arrêt d’appel en retenant que la cessation des relations avec le mandant était due à l’expiration du précédent contrat d’agent commercial, non à l’échec des négociations sur le nouveau contrat, serait-il à l’initiative de l’agent. Par conséquent, la Cour de cassation, considérant que la cessation du contrat d’agent ne résulte pas de l’initiative de l’agent, la réparation prévue à l’article L.134-12 du C. com. lui reste bien due. Par cette décision, la Cour de cassation envoie un signal aux mandants qui tenteraient d’échapper à l’indemnisation de leurs agents : le fait pour le mandant de prendre l’initiative de la renégociation du contrat et de faire en sorte (plus ou moins volontairement) que les termes de cette renégociation soient refusés par l’agent ne permet pas de considérer que la cessation intervient à l’initiative de l’agent et de s’exonérer de l’indemnisation.
A rapprocher : articles L.134-12 et L.134-13 du Code de commerce