Responsabilité pénale du bailleur en cas de réalisation de constructions illégales par le preneur

Cass. crim., 24 octobre 2017, n°16-87.178

Le bailleur est responsable pénalement des travaux réalisés illégalement par le preneur s’il est le bénéficiaire desdits travaux et s’il n’utilise pas ses prérogatives contractuelles pour contraindre le preneur au respect des règles d’urbanisme lors de ces travaux.

Ce qu’il faut retenir : Le bailleur est responsable pénalement des travaux réalisés illégalement par le preneur s’il est le bénéficiaire desdits travaux et s’il n’utilise pas ses prérogatives contractuelles pour contraindre le preneur au respect des règles d’urbanisme lors de ces travaux.  

Pour approfondir : En l’espèce, le propriétaire d’une parcelle classée par le plan d’occupation des sols en zone non constructible, sauf pour la construction d’équipements agricoles, l’a divisée et donnée à bail à divers entrepreneurs pour y déposer des matériaux, engins, véhicules hors d’usage, moyennant un loyer. Parmi ces différents baux, il a loué un terrain à des entreprises de travaux publics et de transport pour qu’elles puissent y placer des conteneurs servant de bâtiments préfabriqués. Au cours du bail, le preneur a alors construit sur un terrain un hangar et des conteneurs sans les permis de construire requis.

La Cour d’appel a déclaré le bailleur coupable de deux infractions pénales aux règles d’urbanisme : l’absence de permis de construire pour les constructions réalisées et la violation du plan d’occupation des sols. Elle l’a condamné au paiement d’une amende et à la mise en conformité des lieux dans un délai de dix-huit mois sous astreinte.

La Cour de cassation valide l’arrêt d’appel. La responsabilité pénale du bailleur peut être engagée lorsque des travaux dont il est bénéficiaire sont réalisés illégalement par le preneur. Le droit pénal de l’urbanisme délimite, en effet, de manière extensive le champ des personnes contre lesquelles l’action pénale peut être engagée. L’article L.480-4 du Code de l’urbanisme prévoit notamment que les bénéficiaires de travaux peuvent être poursuivis pour des infractions pénales commises lors de la réalisation des travaux.

La qualité de bénéficiaire des travaux résulte ici du cadre juridique mis en place et des loyers versés par le preneur qui en sont la contrepartie. Le bailleur, ayant loué ces terrains pour qu’y soient placées certaines constructions moyennant un loyer, apparaît comme le véritable bénéficiaire des travaux. Il est dès lors responsable du respect de la règlementation d’urbanisme pour ces travaux et peut voir sa responsabilité pénale engagée s’il ne met pas en œuvre ses prérogatives contractuelles pour contraindre le preneur à se conformer aux règles d’urbanisme.

Les deux infractions aux règles d’urbanisme constatées par les juges d’appel sont également confirmées. Concernant l’absence de permis pour les constructions réalisées : le hangar et les conteneurs constituent des constructions au sens de L.421-1 du Code de l’urbanisme et sont soumises au permis de construire. Concernant la violation au plan d’occupation des sols : la mise en place du hangar et des conteneurs, n’étant manifestement pas des équipements agricoles, contrevient au classement de la zone.

Enfin, la Cour de cassation précise que le délai fixé par les juges pour la mise en conformité des terrains par le bailleur commence à courir à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée, ou en cas de pourvoi à compter du jour où la décision, devenue définitive, est exécutoire.

A rapprocher : L.480-4 Code de l’urbanisme ; Cass. crim., 9 avril 1992, n°91-86.021 : Le propriétaire d’une maison d’habitation qui loue celle-ci pour y exploiter une auberge et autorise à cette fin le preneur à réaliser des travaux effectués avec son accord sans permis de construire est bien le bénéficiaire des travaux au sens de L.480-4 alinéa 2 du Code de l’urbanisme ; Cass. crim., 18 novembre 2014, n°13-88.130 : Les juges d’appel n’ont pas établi que le bailleur ait été bénéficiaire des travaux irréguliers en se contentant de relever qu’à la date d’acquisition des parcelles il ne pouvait ignorer la présence de ces constructions irrégulières et de l’activité équestre qui y était pratiquée.

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