CA Paris, Pôle 5, ch. 4, 20 décembre 2017, n°15/20154
Lorsque deux sociétés appartenant à un même groupe mettent fin aux relations commerciales qu’elles entretiennent avec un même fournisseur, la situation de dépendance de l’entreprise évincée […] ne prend en compte le chiffre d’affaires cumulé généré par les deux sociétés auprès du fournisseur que dans l’hypothèse où il est démontré que celles-ci ont agi de concert.
Ce qu’il faut retenir : Lorsque deux sociétés appartenant à un même groupe mettent fin aux relations commerciales qu’elles entretiennent avec un même fournisseur, la situation de dépendance de l’entreprise évincée, de nature à influer sur le calcul de la durée du préavis, ne prend en compte le chiffre d’affaires cumulé généré par les deux sociétés auprès du fournisseur que dans l’hypothèse où il est démontré que celles-ci ont agi de concert.
Pour approfondir : Par un arrêt remarqué, la Cour de cassation (Cass. com., 6 octobre 2015, n°14-19.499, et notre commentaire) a cassé et annulé pour manque de base légale l’arrêt (CA Paris, 30 janvier 2014, n°12/02755) qui, pour fixer la durée du préavis, a relevé que les auteurs de la rupture ont, de façon concomitante, noué des relations commerciales avec la société victime, qu’elles y ont mis fin dans des conditions identiques, sans aucun préavis et qu’elles justifient de leur rupture par des motifs similaires alors que ces sociétés, bien qu’appartenant à un même groupe et ayant la même activité, étaient deux sociétés autonomes qui avaient entretenu avec la société victime des relations commerciales distinctes, sans constater qu’elles avaient agi de concert. Ce faisant, la Haute juridiction a cassé l’arrêt rendu le 30 janvier 2014, uniquement en ce qu’il a dit que le préavis dont devait bénéficier la société victime de la part des deux sociétés du groupe est de un an et condamné ces dernières à payer à la société victime les sommes respectives de 2 361 164,36 euros et 604 913,98 euros au titre de la marge brute perdue.
Statuant sur renvoi après cassation, la Cour d’appel de Paris était appelée à se prononcer sur l’existence d’une éventuelle action concertée. Elle retient qu’il ne peut être déduit de la seule appartenance à un même groupe de deux sociétés ayant la même activité, et par suite de leur adoption de politiques communes, une action concertée dans la rupture de relations commerciales entretenues avec un fournisseur dès lors qu’il s’agit de deux sociétés autonomes ayant entretenu avec la société victime des relations commerciales distinctes par des contrats, demandes de prix, bons de commandes, livraisons, facturations, correspondances distincts et les ayant rompues individuellement. Elle ajoute que l’exigence commune d’une certification environnementale spécifique et le fait qu’elles aient, de façon quasi concomitante, entamé puis mis fin aux relations commerciales dans des conditions identiques ne constitue pas des éléments suffisants à établir une action concertée entre elles.
Ainsi, pour apprécier la durée du préavis suffisant et notamment l’état de dépendance du fournisseur, il n’y a donc pas lieu de prendre en compte le chiffre d’affaires global généré par les deux sociétés.
A rapprocher : Cass. com., 2 décembre 2008, n°08-10.731, Bull. 2008, IV, n°201 (2) (cassation partielle)