Etude
La clause de non-sollicitation de personnel, qui interdit au débiteur d’embaucher les salariés et/ou les collaborateurs du créancier, est par principe valable. Une telle clause prévient toute velléité de débauchage du personnel du créancier de l’obligation et permet de protéger son savoir-faire. Son contenu rédactionnel fait l’objet de nombreuses variantes, et d’une jurisprudence toujours fournie : ETUDE D’ENSEMBLE.
Ce qu’il faut retenir : La clause de non-sollicitation de personnel, qui interdit au débiteur d’embaucher les salariés et/ou les collaborateurs du créancier, est par principe valable. Une telle clause prévient toute velléité de débauchage du personnel du créancier de l’obligation et permet de protéger son savoir-faire. Son contenu rédactionnel fait l’objet de nombreuses variantes, et d’une jurisprudence toujours fournie.
Pour approfondir : La clause de non-sollicitation de personnel – à ne pas confondre avec la clause de non-sollicitation de clientèle – est celle par laquelle le contractant d’une entreprise s’engage vis-à-vis de cette dernière à ne pas solliciter ou embaucher, pendant une durée déterminée, les salariés et/ou les collaborateurs de son cocontractant ; dit autrement, elle interdit au débiteur d’embaucher les salariés et/ou les collaborateurs du créancier (v. sur l’ensemble de la question, A.-S. Lucas-Puget, Clause de non-sollicitation de collaborateurs, Contrats, conc. consom. 2016, form. 4. ; C. Caseau-Roche, La clause de non-sollicitation : AJ Contrats d’affaires-Concurrence-Distribution 2015, p. 64 ; J. Beckhard-Cardoso et M. Desplats, Non-concurrence : trois clauses, deux clauses, une question, JCP E 2010, p. 1157 ; S. Benilsi, La clause de non-sollicitation, JCP, S, 2007, p. 1976). En revanche, la clause de non-sollicitation de personnel n’a pas pour objet d’empêcher le salarié de créer sa propre entreprise et/ou d’être embauché par un concurrent de son employeur.
Une telle clause est licite, conformément au principe de liberté contractuelle. La Cour de cassation en admet la validité au motif qu’elle ne constitue pas une clause de non-concurrence « dont elle n’est ni une variante ni une précision de celle-ci » (Cass. com., 11 juill. 2006, n° 04-20.438 ; Contrats, conc. consom. 2006, comm. n° 232, note M. Malaurie-Vignal ; D. 2006, Pan. 2923, obs. M. Gomy ; RTD civ. 2007, p. 111, obs. J. Mestre et B. Fages). Une telle clause n’a donc pas à être limitée dans le temps et dans l’espace ; elle ne doit pas davantage contenir de contrepartie financière à l’égard des salariés et collaborateurs concernés, ceux-ci n’étant au demeurant pas partie au contrat comportant l’interdiction d’embaucher (Cass. com., 10 mai 2006, n°04-10696, Bull. civ. 2006, IV, n° 116 ; Juris-Data n° 2006-033533 ; JCP, G, 2006, I, 176, obs. P. Grosser ; D. 2006, pan. 2923, obs. M. Gomy – v. aussi, Ph. Stoffel-Munck, La clause de non-sollicitation, équivalent gratuit de la clause de non-concurrence, note sous CA Lyon, 12 juill. 2005, Comm. comm. électr. 2006, comm. n° 26). Sa validité n’étant pas conditionnée au respect du régime assez restrictif de la clause de non-concurrence, la clause de non-sollicitation de personnel est couramment utilisée en pratique, notamment dans les réseaux de distribution et, de manière plus générale, dans bon nombre d’opérations commerciales (cessions de parts sociales ou d’actions, cession de fonds de commerce, etc.) et de contrats de prestations de services (v. pour une application assez récente, Cass. com., 12 juill. 2016, n°14-19728). Toutefois, dans certains cas exceptionnels, le salarié pourrait engager une action en responsabilité pour réparer le préjudice que lui cause la clause de non-sollicitation de personnel ne comportant pas de contrepartie financière ; il en va ainsi lorsque la clause considérée porte une atteinte manifestement excessive à sa liberté de travailler (Cass. soc., 2 mars 2011, n° 09-40.547, Juris-Data n° 2011-002675 ; JCP S 2011, 1181 ; Contrats, conc. consom. 2011, comm., 139 ; v. aussi, S. Benilsi, La clause de non-sollicitation, JCP, S, 2017, 1976 ; Cass. com., 10 mai 2006, n°04-10696, Bull. civ. 2006, IV, n° 116).
Les contractants d’une entreprise étant en contact avec les salariés et collaborateurs de celle-ci, la tentation de débauchage ne peut être exclue. La clause de non-sollicitation de personnel prévient ainsi toute velléité de débauchage du personnel de l’un et/ou l’autre partie(s) au contrat. Une telle clause permet encore de protéger le savoir-faire du créancier de l’obligation (lorsque le salarié dispose de ce savoir-faire) – à l’instar des clauses de non-concurrence, d’exclusivité et de confidentialité – et d’éviter de contrarier son organisation.
Il est vivement recommandé de préciser dans la clause de non-sollicitation de personnel :
- si l’interdiction de débauchage est réciproque,
- si l’interdiction de débauchage s’applique :
- aux seuls salariés de l’entreprise ou à d’autres types de collaborateurs, ou à certaines catégories d’entre eux (il est parfois préférable de limiter l’interdiction à certains postes-clés) ;
- aux salariés et/ou collaborateurs actuels ou anciens,
- y compris lorsque le salarié ou le collaborateur a lui-même sollicité le débiteur de l’obligation (sans quoi le débiteur de l’obligation et le salarié concerné pourraient déjouer la clause en prétextant que le premier n’a fait que répondre à la sollicitation du second) ;
- sa durée qui, le plus souvent, est supérieure à celle du contrat qui la contient (en pratique, c’est précisément au moment où le contrat qui la contient arrive à son terme que le risque de débauchage est le plus grand),
- le cas échéant, la sanction attachée à sa violation qui, en pratique, consiste le plus souvent en une indemnité dont le montant – déterminé ou déterminable – est contractuellement prévu.
Les juridictions du fond demeurent particulièrement attentives au contenu rédactionnel d’une telle clause (v. par ex., CA Versailles, 14 décembre 2017, n°15/04790 : « Qu’il importe peu que la société ait tenté – vainement – de faire revenir le salarié sur sa décision ou qu’il exécute son préavis compte tenu des termes du courrier précité (…) et alors que, eu égard notamment à la rédaction du contrat au titre de la clause de non-sollicitation, l’existence ou non d’un préavis et son exécution ou non étaient sans impact sur le point de départ du délai accordé à la société pour délier le salarié de son obligation »). La Cour de cassation procède à un contrôle de l’interprétation retenue par les juridictions du fond (Cass. com., 11 juill. 2006, n° 04-20.438, préc. (cassation au visa de l’article 1134 du code civil, la cour d’appel ayant « dénaturé les termes clairs et précis » de la clause de non-sollicitation de personnel)).
La clause de non-sollicitation de personnel se distingue :
- de la clause de non-sollicitation de clientèle, qui interdit au salarié de démarcher la clientèle de son employeur,
- de la clause de non-concurrence, dont elle peut être le complément utile.
A signaler enfin que la clause de non-sollicitation de clientèle pourra parfois être requalifiée en clause de non-concurrence (Cass. soc., 15 mars 2017, n°15-28.142 ; Cass. soc., 2 déc. 2015, n°13-20.706 ; Cass. soc., 2 mars 2011, n° 09-40.547 ; Juris-Data n° 2011-002675 ; JCP, S, 2011, 1181, note I. Beyneix ; Cass. soc., 27 oct. 2009, n° 08-41.501, Juris-Data n° 2009-050069, Contrats, conc. consom. 2009, comm. n° 288, note M. Malaurie-Vignal).
A rapprocher : CA Versailles, 14 décembre 2017, n°15/04790 et Cass. com., 12 juill. 2016, n°14-19728 (sur le pouvoir d’interprétation du juge) ; Cass. soc., 15 mars 2017, n°15-28.142 (sur le risque de requalification de la clause de non-sollicitation de clientèle en clause de non-concurrence).