Par un arrêt récent, la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle que le caractère gravement erroné de comptes prévisionnels peut entraîner la nullité du contrat de franchise.
Par un arrêt récent, la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle que le caractère gravement erroné de comptes prévisionnels peut entraîner la nullité du contrat de franchise.
L’attendu qui retiendra l’attention est formulé on ne peut plus clairement : « Et attendu, en dernier lieu, qu’ayant retenu que les chiffres prévisionnels contenus dans ce document, fournis par le franchiseur, sont exagérément optimistes au regard de l’écart très important qu’ils présentent avec les chiffres d’affaires réalisés par la société Chrysalide, à laquelle il n’est reproché aucune faute de gestion, et relevé que ces données portent sur la substance même du contrat de franchise, pour lequel l’espérance de gain est déterminante, la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’effectuer une recherche que ces appréciations souveraines rendaient inopérantes, et qui a fait ressortir le caractère déterminant des chiffres communiqués, a caractérisé le vice du consentement qu’elle a retenu pour prononcer l’annulation du contrat ».
Cette formulation a le mérite de reprendre les différentes conditions dont la réunion est nécessaire pour engager la responsabilité du franchiseur.
La première condition va de soi : les comptes prévisionnels doivent avoir été établis par le franchiseur lui-même, ce qui exclut toute responsabilité lorsqu’il n’en est pas l’auteur (CA Paris, 1er févr. 2006, Juris-Data n°309721). Il appartient au franchisé d’établir la preuve que les comptes litigieux ont bien été établis par le franchiseur.
A ce titre, la responsabilité du franchiseur ne saurait être mise en cause lorsque celui-ci s’est simplement engagé, au titre de l’assistance, à aider le franchisé dans l’établissement de ses comptes prévisionnels, et à établir en collaboration avec lui une étude de marché (CA Paris, 31 janv. 2002, Juris-Data n°170815), le franchisé restant alors tenu, en sa qualité de commerçant indépendant, d’établir ses propres comptes d’exploitation prévisionnels (CA Douai, 5 déc. 1991, Juris-Data n°052153).
Cette condition n’a évidemment pas échappé à la Cour suprême, qui indique précisément que « les chiffres prévisionnels contenus dans ce document » avaient été « fournis par le franchiseur ».
La deuxième condition est bien plus subjective : les comptes prévisionnels doivent avoir été « manifestement irréalistes » (Trib. com. Paris, 15 avr. 1996, Juris-Data n°042056) ou « exagérément optimistes », pour reprendre l’expression retenue en l’espèce dans la décision commentée.
Mais, entendons nous bien. Le seul caractère erroné des comptes prévisionnels ne saurait suffire à constituer une faute du franchiseur, dès lors que l’exercice d’une activité commerciale est par essence sujette à des aléas (CA Paris, 31 janv. 2002, Juris-Data n°170815 ; CA Paris, 12 nov. 1997, Juris-Data n°023531). C’est pourquoi la jurisprudence considère traditionnellement que le franchiseur n’est pas tenu, sauf stipulation contraire expresse, à une obligation de résultat (CA Paris, 31 janv. 2002, Juris-Data n°170815 ; CA Versailles, 4 juill. 1996, Juris-Data n°043384 ; CA Douai, 5 déc. 1991, Juris-Data n°052153). Sa responsabilité ne peut donc être retenue lorsque l’écart excessif entre les résultats prévus et ceux effectivement atteints s’explique notamment par des considérations extrinsèques survenues postérieurement à l’étude prévisionnelle (CA Paris, 18 déc. 1998, Juris-Data n°024288) ou par la faute du franchisé lui-même. Cette précision n’a pas davantage échappé à la Cour suprême, soulignant qu’il n’était en l’espèce « reproché aucune faute de gestion» au franchisé.
En tout état de cause, la charge de la preuve du caractère « grossièrement erroné » des prévisions établies par le franchiseur pèse sur le franchisé et lui seul (CA Paris, 19 avr. 2000, Juris-Data n°132228).
La troisième condition a également toute son importance : dans tous les cas, l’erreur grossière du franchiseur doit avoir effectivement vicié le consentement du franchisé. La jurisprudence est tout aussi constante sur cette condition et écarte en conséquence la responsabilité du franchiseur lorsqu’il apparaît que le franchisé était apte à apprécier le caractère réaliste des documents prévisionnels (CA Versailles, 4 juill. 1996, Juris-Data n°043384). Rappelons aussi que les qualités du franchisé s’apprécient in concreto. A ce titre, la Cour de cassation souligne encore que la cour d’appel avait « caractérisé le vice du consentement », de sorte que cette ultime condition était bien vérifiée en l’espèce.