INDE : Réforme de la fiscalité indirecte / Entrée en vigueur de la TVA (« goods and services tax »)

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ALBARIC Cristelle

Avocat associée - Docteur en droit

Avec une croissance annoncée de 7,4%, l’Inde devrait devenir en 2018 la 5ème puissance économique du monde, détrônant ainsi la France et la Grande-Bretagne de leur place respective actuelle de 5ème et 6ème puissance mondiale.

 

Ce qu’il faut retenir : Avec une croissance annoncée de 7,4%[1], l’Inde devrait devenir en 2018 la 5ème puissance économique du monde, détrônant ainsi la France et la Grande-Bretagne de leur place respective actuelle de 5ème et 6ème puissance mondiale. Cette information relayée par la presse économique fin 2017 est l’occasion pour nous de mettre la lumière sur l’INDE et plus particulièrement sur la réforme de la fiscalité indirecte avec la mise en place de la TVA.

L’une des réformes majeures, mise en place dans le cadre de la politique libérale menée par le premier ministre indien Narendra Modi pour moderniser l’économie indienne, est la création d’un impôt indirect uniquement sur les biens et services : la Good and services tax (« GST »). Cette réforme vise à simplifier la fiscalité indirecte et à dynamiser le marché intérieur indien. Elle est entrée en vigueur le 1er juillet 2017.

Par cette réforme, un seul et même impôt vient remplacer la multiplicité des taxes qui constituaient auparavant la fiscalité indirecte de l’Inde.

La GST est un impôt sur la valeur ajoutée, semblable à la TVA européenne, qui soumet tous les acteurs du processus de fourniture d’un bien ou d’un service, du producteur au consommateur.

Pour approfondir : L’Inde est un pays qui ne cesse de progresser sur le plan économique mais également politique, offrant plus de transparence et de stabilité.

En janvier 2018, l’ambassadeur américain Kenneth Juster a encouragé ses compatriotes à y investir avançant que contrairement à son voisin chinois, l’Inde a un système plus transparent, et qui ne cesse d’évoluer en ce sens, avec notamment un marché bien régulé, une bonne protection des droits de propriété intellectuelle et une politique environnementale prometteuse.

Antérieurement au 1er juillet 2017, les acteurs de la fourniture de biens et de services devaient s’acquitter de divers impôts et taxes, 14 en tout, dus à l’Etat fédéral et/ou aux Etats fédérés. Le désavantage de ce système était d’abord la multiplicité de ces instruments fiscaux mais également la charge important qu’elles représentaient pour les producteurs de biens ou les prestataires de services.

Le consommateur subissait au final l’ensemble de ces charges qui étaient impactées sur le prix des biens et services, et non uniquement la charge subie par le dernier maillon de la chaine de fourniture, comme cela est le cas dans le système de la TVA européenne.

I. La GST : de sa conception à son application

a.  La conception de la GST

C’est au cours de la rédaction de la loi de finances 2006-2007 que le Ministère des finances d’Inde a pour la première fois évoqué la GST.

Dans un premier temps, il a été prévu que la GST serait applicable dès avril 2010.

Dans cet objectif, le Comité des Ministères des finances des Etats fédérés (« EC ») fut chargé d‘élaborer une feuille de route et une structure pour la GST.

Suite à cela, un groupe de travail, réunissant des officiels et des représentants de l’Etat fédéral et des Etats fédérés, fut constitué pour examiner les différents aspects des précédents rapports et rédiger un rapport spécifique aux exemptions, aux plafonds et à la fiscalité des services et la fourniture de biens et de services entre Etats fédérés.

En novembre 2009, les discussions entre l’Etat fédéral et l’EC donnèrent naissance au document qui servi par la suite de base aux discussions sur la GST entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés : le first discussion paper.

A ce document, s’ajoute le travail du comité central des droits d’assise et droits de douanes[2] (CBEC).

Le CBEC est garant de la fiscalité indirecte. Sous le nom de code « SAKSHAM », le CBEC a déboursé plus de 22.5 milliards de roupies (environ 300 millions euros) pour élaborer le projet de la loi sur la GST et la procédure y afférante[3]. Il est également chargé d’élaborer les procédures d’évaluation et d’audit ou tout autre moyen de lutte contre l’évasion fiscale. Le CBEC a également déployé un programme de formation visant 60.000 fonctionnaires travaillant sein du comité ou des autorités fiscales des gouvernements locaux.

Plus de 52.000 fonctionnaires ont déjà été formés, 7.000 le seront dans les mois à venir.

Il s’est finalement avéré qu’une réforme de cette ampleur réclamait plus de temps. La GST ne fut donc pas mise en place en 2010. En effet, avant d’aller plus loin il était nécessaire de modifier la Constitution indienne. Antérieurement, la Constitution indienne répartissait le droit de lever les impôts entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés de la manière suivante :

  • L’Etat fédéral levait les taxes et impôts sur :
    • la fabrication de biens,
    • la fourniture de services,
    • l’import et l’export de biens (en plus des autres droits de douane).
  • Les Etats fédérés levaient les taxes et impôts sur :
    • la vente de biens.
  • Les ventes de biens entre Etats fédérés relevaient de la compétence de l’Etat fédéral mais les recettes étaient collectées et conservées par les Etats fédérés.

L’amendement constitutionnel, promulgué le 16 septembre 2016, pose désormais que le « Parlement a le pouvoir exclusif de faire les lois relatives à la GST portant sur la fourniture de biens, ou de services, ou les deux, dans le cadre du commerce entre les Etats fédérés. »[4].

L’amendement a également institué le Conseil de la GST (le « Conseil »)[5].

Il est composé du Ministère des Finances de l’Etat fédéral et des Ministères des Finances des Etats fédérés. Son rôle est de faire des recommandations sur les taux, les exemptions et les plafonds applicables à la GST. Le but est d’assurer une application uniforme de la GST en Inde, à l’échelle de l’Etat fédéral et des Etats fédérés. Les décisions doivent être votées par un quorum comprenant au moins la moitié des membres du Conseil et doivent être approuvées à la majorité des trois quarts, soit l’Etat fédéral (qui représente un tiers) et au moins 20 Etats fédérés sur 28.

La réforme de la GST a donc nécessité l’intervention de nombreux acteurs afin d’assurer ses bienfaits à l’économie indienne.

b. Les avantages de la GST

Le gouvernement indien met en avant les nombreux mérites de cette réforme, lesquels sont listés dans le document récapitulatif[6] de la réforme :

  • la baisse de la charge fiscale estimée entre 25% et 30%[7],
  • la création d’un marché national unifié par l’harmonisation de la loi, des procédures et des taux applicables en matière de fiscalité indirecte,
  • la réduction des risques d’évasion fiscale,
  • la baisse de la charge fiscale des fournisseurs,
  • l’encouragement des investissements étrangers en Inde,
  • la promotion de l’exportation des produits et services indiens à travers la campagne « Made in India »,
  • l’augmentation du PIB et de la croissance économique,
  • l’augmentation de la production et de la consommation de biens et services,
  • la création de nouveaux emplois,
  • la réduction de la pauvreté et le développement d’une classe moyenne.

Bien que « révolutionnaire » en Inde, la GST est finalement semblable à la TVA européenne dans son principe.

c. Le principe de la GST

La GST vient donc remplacer la multiplicité des impôts et taxes indirectes anciennes applicables. C’est un impôt indirecte uniquement qui, comme la TVA européenne, s’applique à l’ensemble des acteurs de la fourniture de biens ou de services, dès la fourniture des matières premières jusqu’au consommateur final. La GST est due à chaque étape, à chaque fois que les biens ou services acquièrent une valeur ajoutée. Contrairement à l’ancien système, la GST est remboursable, par le biais d’un crédit d’impôt, pour tous les acteurs de la chaine, excepté le distributeur et le consommateur final.

La réforme de la GST est composée de 4 lois, promulguées le 12 avril 2017 :

  • SGST Act : GST applicable à l’échelle des Etats fédérés,
  • UTGST Act : GST applicable à l’échelle des Unions[8],

Régime semblable à la SGST,

  • CGST Act : GST applicable à l’échelle fédérale,
  • IGST Act : GST applicable à la fourniture de biens et services entre Etats fédérés.

Ces quatre textes entrainent une nouvelle répartition de la collecte des impôts sur la fourniture de biens et de services en Inde. Depuis le 1er juillet 2017, la fourniture de biens et de services est répartie en deux notions :

  • la fourniture intra-Etat : à l’intérieur d’un Etat fédéré,
  • la fourniture inter-Etats : entre 2 ou plusieurs Etats fédérés.

La fourniture de biens ou services intra-Etat aboutit au paiement, par le fournisseur, de deux formes de GST : la CGST et la SGST, réparties à montant égale entre les deux administrations fiscales concernées.

La fourniture de biens ou services inter-Etat aboutit au paiement d’une seule GST : l’IGST (« inter-state GST ») versée directement à l’Etat fédéral.

Ce dernier est ensuite chargé de répartir les recettes entre les Etats fédérés, en fonction de la destination des biens et services concernés.

Lorsque le vendeur et l’acheteur ne se trouvent pas dans le même Etat fédéré, la transaction est considérée comme une transaction inter-Etats. Les recettes sont alors collectées par l’Etat fédéral qui reverse ensuite la part due aux Etats fédérés tel que suivant : 

  • Le vendeur paye l’IGST : la SGST est versée à son Etat et la CGST à l’Etat fédéral,
  • L’Etat du vendeur reverse la SGST du vendeur à l’Etat fédéral,
  • L’Etat fédéral reverse la SGST à l’Etat de l’acheteur,
  • L’acheteur bénéficie d’un crédit IGST dans son Etat.

d. Les taux applicables

La GST est composée de 4 taux : 5%, 12%, 18% et 28%. La liste des taux applicables se trouve sur le site du CBEC[9]. Le taux s’applique ad valorem en fonction du prix auquel le bien a été cédé, ou aurait dû être cédé, au moment de l’émission de la facture ou du paiement au fournisseur, selon celui qui survient en premier. Nombre de ces taux ont évolué depuis la mise en place de la GST. Début janvier, le gouvernement a, par exemple, abaissé le taux applicable au biodiesel, aux véhicules électriques ou encore aux systèmes d’irrigations afin de favoriser les énergies propres et l’agriculture. D’autres évolutions sont à prévoir, du fait notamment du vote, en cours, de la loi de la nouvelle loi de finances.

Les personnes morales ont également la possibilité de conclure une transaction fiscale avec l’administration indienne. Ils sont alors soumis à un taux fixe, basé sur le chiffre d’affaires. L’intérêt de ces transactions est que le montant total de la GST payé par le contribuable ne peut pas dépasser le plafond fixé par la transaction. L’inconvénient est que le contribuable ne pourra pas bénéficier d’un remboursement de GST. Ces transactions sont principalement dédiées aux petites entreprises. 1,5 million d’entre elles auraient déjà adhéré au 1er janvier 2018[10].

La charge fiscale supportée par les fournisseurs de biens et services sera donc moindre que sous l’ancien régime. Cependant, les recettes fiscales de l’Etat ne sont pas perdantes puisque le nombre de contribuables soumis à la GST est beaucoup plus important.

Alors que sous l’ancien régime on dénombrait près de 6,5 millions de contribuables, la GST est applicable à près de 10 millions de personnes en Inde[11] dont le caractère imposable dépend de leur chiffre d’affaires annuel.

e. Champ d’application de la GST

Le régime de la GST est uniquement applicable aux fournisseurs avec un chiffre d’affaires annuel supérieur à 2 millions de roupies (environ 25 000 euros).

Cependant, seuls les contribuables avec un chiffre d’affaires de plus de 10 millions de roupies (environ 130 000 euros) s’acquitteront mensuellement de la GST.

L’administration de contrôle à laquelle doivent se référer les contribuables dépend de leur chiffre d’affaires annuel.

Les contribuables avec un chiffre d’affaires annuel supérieur à 15 millions de roupies (environ 200 000 euros dépendent de l’Etat fédéral (soit environ 10% des contribuables) et les autres dépendant des Etats fédérés.

Il est prévu qu’à l’avenir l’Etat fédéral et les Etats fédérés se divisent, à 50/50, les contribuables ayant un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions de roupies.

f. Le crédit de la GST : l’Input Tax Crédit (ITC)

Un crédit est accessible aux contribuables qui se sont acquittés de la GST pour se fournir en biens ou en services pour les utiliser, ou avec l’intention de les utiliser, dans le cadre d’une activité commerciale. Les biens et services utilisés que partiellement dans le cadre d’une activité commerciale ne sont que partiellement remboursables.

Les contribuables ont deux mois, après s’être acquittés de la GST et que le fournisseur ait remplit sa déclaration pour réclamer un crédit.

Une fois toutes les informations fournies à l’administration fiscale, cette dernière acceptera le crédit si toutes les informations concordent et le refusera dans le cas contraire.

Pour pouvoir bénéficier d’un crédit de la GST, un contribuable doit remplir 4 conditions :

  • posséder une facture,
  • avoir reçu le bien ou le service concerné,
  • avoir payé une taxe due par un fournisseur au gouvernement,
  • remplir et soumettre une déclaration sur le portail du GST Network.

Un fournisseur qui demande un crédit pour un bien ou un service imposé à 0% se verra infliger une sanction égale à 90% du montant du crédit en question.

Le crédit est valable pendant 2 ans. L’accumulation de crédits n’est pas autorisée, à l’exception des crédits obtenus dans le cadre d’exportations ou pour les « inverted duty structure »[12].

Bien que le régime de la GST applicable à l’échelle national et locale soit le même, le crédit de GST ne peut pas être utilisé indifféremment. Le crédit accordé par un gouvernement local ne peut compenser qu’un impôt dû à l’administration fiscale locale, le même raisonnement s’applique pour la GST due à l’Etat fédéral. Ainsi, l’utilisation possible des crédits de GST sont les suivants :

*Le crédit doit être utilisé en priorité pour la GST pour laquelle il a été délivré.

Il est prévu que l’Etat fédéral et les Etats fédéraux vérifient périodiquement que les crédits sont correctement utilisés par les contribuables et éventuellement pour les reverser à son destinataire légitime.

Une réforme de cette ampleur nécessite un cadre processuel tout aussi conséquent pour une application efficace.

II. Le cadre procédural de la GST

a. La facilitation des procédures : le GST Network (GSTN)

La GST permet de simplifier le régime de fiscalité indirecte en en facilitant la procédure : l’enregistrement, la déclaration, le remboursement et le paiement se font à travers un portail unique le GSTN.

Le réseau a été créé par le gouvernement fédéral. C’est une société privée détenue à 24,5% par le gouvernement fédéral, au même taux par les Etats fédérés et leurs Ministères des Finances et à 51% par les institutions financières du pays. Les 28 Etats fédérés vont également se doter de ce même outil dans les mois à venir.

C’est un portail informatique développé dans l’optique de faciliter les procédures liées à la GST pour les contribuables. Le réseau sert de plateforme pour l’enregistrement, la déclaration et le paiement de l’impôt. En plus de faciliter l’administration des impôts et des taxes, ce portail devrait permettre d’en réduire significativement le coût. Les contribuables n’ont pas besoin de se déplacer pour effectuer leurs déclarations ou payer leurs impôts, toutes les procédures peuvent s’effectuer en ligne. Le portail offre d’ailleurs un large éventail de modes de paiements par carte, par virement ou d’autres instruments financiers semblables à ceux présents en Europe comme « real time gross settlement » (règlement en temps réel).

b. La procédure d’enregistrement

Les contribuables déjà enregistrés avant la mise en place de la GST ont été transférés, dès novembre 2016, sur le réseau GSTN.

Les administrations compétentes à l’échelle nationale et locale encouragent actuellement les contribuables qui ne sont pas encore enregistrés à remplir les formulaires dédiés. Plus de 4 millions d’entre eux ont déjà procédé à leur enregistrement. Les contribuables dont les ressources sont inférieures aux plafonds mais qui le souhaitent peuvent procéder à un enregistrement volontaire.

Chaque contribuable enregistré possède un numéro d’identification dit « PAN » (permanent account number).

Ce numéro n’est valable qu’à l’échelle locale et doit donc être réclamé dans chacun des Etats fédérés dans lesquels un fournisseur à des activités commerciales. Un fournisseur qui exerce des activités commerciales, pour un même produit ou service, à différentes étapes de la chaine de production et / ou de distribution, doit demander différents PAN pour chacune de ces activités.

c. La procédure de déclaration

Une fois enregistrés, les contribuables doivent remplir divers formulaires pour effectuer leurs déclarations de TVA. On dénombre 8 formulaires qui doivent être remplis le 31 décembre de l’année N+1 au plus tard. Les contribuables doivent remplir jusqu’à 37 formulaires par an et s’acquitter mensuellement de la GST, excepté pour ceux qui ont signé une transaction fiscale qui doivent s’en acquitter trimestriellement.

Des audits devraient être organisés par l’Etat fédéral et/ou les Etats fédéraux pour s’assurer que les contribuables se sont biens soumis à leur obligation de déclaration.

d. Pénalité de retard de déclaration

Depuis octobre 2017, les pénalités de retard sont de 20 roupies (environ 0,26 euros) par jour si l’impôt dû était nul et 50 roupies (environ 0,64 euros) par jours dans le cas contraire, contre 200 roupies (environ 26 euros) auparavant dans les deux cas.

e. Procédure de contestation

Les contribuables, ou la ou les personnes responsables du paiement de la GST, peuvent demander le remboursement de l‘impôt versé dans les 2 ans suivants le paiement.

Les administrations fiscales ont 3 ans pour contester un remboursement. Ce délai peut être étendu à 5 ans si ce remboursement résulte d’une fraude, ou d’une fausse déclaration intentionnelle de la part du contribuable.

Le remboursement est octroyé dans les 60 jours suivants la date de la réception de la demande, à condition qu’elle soit complète, et est directement versé sur le compte en banque de l’intéressé. Si le remboursement n’est pas versé dans les temps, le contribuable doit recevoir des indemnités de retard. Les contribuables peuvent faire appel de ces accusations auprès des cours d’appel locales et pourront, s’ils ne sont toujours pas satisfaits, se pourvoir en cassation devant le Tribunal d’appel de la GST, qui va être mis en place par le gouvernement indien. Des autorités dédiées vont également être mises en place par l’Etat fédéral et les Etats fédérés pour informer les contribuables faisant face à ce type de contentieux. La mise en place de la GST est également accompagnée de diverses mesures visant à assurer de l’impact positif de la réforme sur l’économie.

III. Les mesures visant à assurer la bonne application de la GST

a. Un outil de lutte contre les sous-estimations ou les défauts de déclaration : l’e-way bill

L’e-way bill est un système technologique permettant de suivre les mouvements de biens intra et inter Etats. Seuls les biens d’une valeur supérieure à 50.000 roupies (environ 640 euros) et parcourant plus de 10km sont concernés par ce système. L’e-way bill est une sorte de permis de transport de marchandises. Les fournisseurs devront remplir une déclaration en ligne mentionnant la provenance, la destination, la quantité et la valeur des biens concernés. Il peut être créé ou modifié par un simple SMS et entraine la délivrance d’un numéro unique « e-way bill number » ou EBN, accessible aux fournisseurs, au transporteur et à l’acheteur.

Le permis est confié au transporteur et peut être examiné à tout moment du transport par des agents des administrations fiscales.

Ce système est disponible depuis le 16 janvier 2018 pour les volontaires, il sera obligatoire à partir du 1er février 2018 à l’échelle nationale et le 1er avril pour les exportateurs. Les Etats fédérés devront également mettre en place le système avant le 1er juin 2018. Quinze Etats fédérés ont déjà posé leur volonté de mettre en place l’e-way bill dès le 1er février 2018 pour les mouvements de marchandises inter-Etats.

L’e-way bill est présenté comme une méthode efficace de lutte contre l’évasion fiscale et d’éducation de revendeurs dans le processus de mise en place de la GST. Sa mise en place doit rendre difficile, voire impossible, pour les acteurs de la fourniture de biens inter-Etats de sous-estimer ou de ne pas déclarer les mouvements de marchandises.

Les administrations fiscales pourront en effet comparer les montant déclarés par le biais de l’e-way bill par les fournisseurs et ceux déclarés par les acheteurs lorsqu’ils complèteront leur formulaire de GST. A terme, cette mesure devrait entrainer une augmentation de 15% à 20% des recettes liées à la GST[13].

b. Une mesure de transparence des prix : l‘anti-profiteering

Une autorité nationale d’ « anti-profiteering » a été constituée afin de s’assurer de la bonne application de la règle du même nom. L’ « anti-profiteering » est le principe selon lequel les acteurs de la fourniture de biens et de services doivent faire profiter le consommateur de la réduction des impôts payables du fait de la GST, en impactant la baisse des coûts sur le prix final[14].

Ce volet de la réforme vise à dynamiser le marché intérieur, cela doit en effet entrainer une baisse des prix et donc une augmentation de la consommation.

Mais le but principal de l’anti-profiteering est d’instaurer une plus grande transparence des prix. Le législateur souhaitant empêcher aux fournisseurs d’imposer aux consommateurs des coûts supplémentaires injustifiés.

Cette mesure a dans un premier temps soulevé de nombreuses questions. Les entreprises ne comprenaient pas comment mettre en place la mesure.

Le CBEC a publié un document[15] précisant le rôle de l’autorité nationale d’ « anti-profiteering » dans le but de clarifier la mesure. Cependant, les avertissements envoyés, au cours du mois de décembre 2017, à de nombreuses entreprises, dont le master franchise de McDonald en Inde, Hardcastle. Il a été demandé à ce dernier a été sommé de fournir ses documents comptables sur les années 2016-2017.

Malgré la baisse du taux applicable à la restauration, de 18% à 5%, le master franchise n’aurait pas baissé les prix de ses « McCafe Regular Latte »[16].

Ces irrégularités ont pu être mises à jour du fait de délations de consommateurs. Mais les consommateurs ne sont pas les seuls à surveiller les fournisseurs de biens et services.

c. La surveillance des contribuables : évaluations et audits

Les fournisseurs de biens et services peuvent demander aux autorités fiscales une évaluation de la GST qu’ils vont devoir au titre de leur activité. Les autorités fiscales ont 6 mois pour réaliser l’évaluation.

De plus, pour lutter contre l’évasion fiscale, la réforme prévoit un système d’audit. L’audit est effectué par les autorités fiscales dans les locaux de l’autorité compétente ou directement sur place, dans les locaux du fournisseur. L’autorité à 3 mois pour réaliser l’audit, prorogeable d’une période supplémentaire de 6 mois.

Les autorités ont un pouvoir de recherche et de saisine, un pouvoir limité d’arrestation et de poursuite et peuvent présenter des conclusions aux juridictions du fonds et aux cours d’appel.

IV)  Les problèmes relatifs à la mise en place de la GST

a. La baisse des recettes

La loi de finances 2016-17 avait supprimé tous les impôts et taxes indirects en prévision de l’arrivée de la GST en juillet 2017. Cette suppression anticipée a réduit les recettes de l’Inde au début de l’année 2017 mais également son taux de croissance qui a perdu 1,6 point entre 2016 (7,1%) et 2017 (6,5%). Cette diminution n’inquiète cependant pas le gouvernement indien qui assure que la mise en place de la GST devrait faire repartir la croissance en 2018. Ces pertes devaient donc être temporaires mais au final, la complexité de la procédure, alliée à divers problèmes techniques sur le GSTN, ont fait progressivement diminué le nombre de payeurs et donc les recettes de l’Etat.

Les recettes de l’Etat, dans le cadre de la GST, sont passées de plus de 940 millions de roupies (environ 12 millions d’euros) en juillet 2017 à 808 millions de roupies (environ 10 millions d’euros) en novembre 2017, soit 102 millions en dessous de chiffre mensuel moyen visé par le Ministère des Finances de 910 millions de roupies (environ 11 millions d’euros).

Cette baisse significative de recettes a entrainé, début janvier 2018, l’envoi de mails du gouvernement indien visant à rassembler le maximum de recettes en un minimum de temps. Le 5 janvier 2018, les plus grandes entreprises présentes sur le territoire indien ont eu la surprise de recevoir un email du gouvernement indien. Les destinataires de ces emails ont été choisis arbitrairement, du simple de fait de leur poids sur l’économie, sans qu’aucun doute n’existe sur leurs déclarations fiscales. Google, Honeywell International ou encore Panasonic ont été sommés d’envoyer, dans la journée même, un certain nombre de documents afin de prouver la véracité des chiffres déclarés depuis la mise en place de la GST et ainsi prouver la légitimité des crédits qui leur ont été accordés.

Ces sociétés à elles seules représentent 90% des crédits accordés et sont davantage susceptibles d’évasion fiscale.

Cette tentative du Gouvernement n’a cependant pas porté ces fruits, il a en effet été impossible pour ces multinationales de regrouper autant d’information en si peu de temps. Un délai supplémentaire leur aurait finalement été accordé.

Cela est considéré par certains[17] comme la création d’un environnement hostile entre l’Etat et les administrés alors que la volonté n’est pas la raison principale des faibles recettes de l’Etat.

b. Le GSTN : entre dysfonctionnement et incompréhension

Officiellement, le contribuable est censé être enregistré en tant que tel dans les trois jours ouvrés suivant la réalisation des formalités en ligne. Cependant, nombreux sont les cabinets de conseils internationaux présents en Inde qui attestent de disfonctionnements du système[18].

Nombreux sont les contribuables qui ne réussissent pas à soumettre leur déclaration soit parce que les données ne sont pas sauvegardées soit parce que la soumission des informations s’avère impossible.

A cela s’ajoute l’incompréhension des contribuables face aux multiples changements de date limite de soumission ou au fonctionnement du portail lui-même.

Le site privé Cleartax estime à 50% la part d’administrés qui ne serait pas enregistré du fait de ces problèmes logiciels.

Sachant que ces problèmes sont la conséquence majeure de la baisse de recettes liées à la GST, le gouvernement tente de trouver des solutions.

L’une des solutions mentionnées lors des débats sur la nouvelle loi de finances serait la diminution du nombre de formulaires à soumettre par les contribuables. Il est envisagé de fusionner certains de ces formulaires pour réduire le nombre de soumissions par an de 37 à 12[19].

c. L’évolution constante des taux applicables

Les taux de la GST ont subi de nombreuses évolutions, 200 pendant le seul mois de novembre 2017, depuis la mise en place de le GST.

La plupart de ces évolutions découlent du mécontentement des lobbyistes face aux taux excessifs posés par le législateur indien.

En effet, les taux prévus originellement sont bien trop élevés par rapport aux taux applicables dans le reste de l’Asie.

Canon, l’entreprise d’appareil photo et caméra numérique, a réclamé une baisse du taux applicable à ses produits, taux de 28% de GST contre une moyenne de 7 à 17% de TVA dans les Etats voisins. Le dialogue entre le CBEC et les lobbyistes apparait donc comme essentiel pour assurer la compétitivité des biens et services indiens à l’export mais est également un peu tardif. En effet, plusieurs mois après la mise en place de la GST, le Ministère des Finances réfléchit toujours à des modifications des taux applicables.

Certains espèrent qu’à terme ces évolutions de taux applicables aboutiront à une simplification pure et simple de la GST avec une fusion de certains taux, notamment des taux de 12% et 18% ramené à un taux de 16%[20].

Les taux ne sont pas les seuls points de la GST nécessitant d’être clarifiés.

d. Des mesures imprécises : l’exemple de l’anti-profiteering, une mesure qui manque de clarté

La définition apportée par la loi GST sur la mesure « anti-profiteering » est imprécise quant à la procédure à suivre par les entreprises. Bien que le principe semble simple sa mise en pratique est moins claire. Le document publié par le CBEC en novembre 2017[21] n’a pas réellement apporté de clarté. Preuve en est, nombreuses sont les entreprises ayant reçu un avertissement, par l’autorité nationale « anti-profiteering », pour ne pas avoir impacter la baisse des charges fiscales sur le consommateur final.

Maybelline, Vaseline ou encore Honda ont tous reçu le même avertissement qu’Hardcastle, relatif à la similarité des prix de leurs produits avant et après la réforme de la GST[22]. Il y a lieu de s’interroger pour savoir si cette mesure doit être interprétée comme l’obligation pour le distributeur de diminuer ses prix à portion égale de la diminution du taux qui lui est applicable selon le régime de la GST ?

Compte tenu de l’importance du marché intérieur indien et de ses perspectives de forte croissance annoncées, il conviendra de suivre l’évolution relative à la mise en place de la GST qui aura immanquablement un impact sur la distribution dans ce pays.

A noter :

A propos de la République de l’Inde[23]

Exemple de biens et services et leur taux de GST applicable


A rapprocher : 
https://cbec-gst.gov.in/index.html https://cbec-gst.gov.in/pdf/01012018-GST-Concept-and-Status.pdfhttps://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/inde/presentation-de-l-inde/https://www.youtube.com/channel/UC4Pwb1Utd_Pu3tEp09gMZlQ

 


[1] FMI : « Perspectives et politiques économiques mondiales » – Octobre 2017 http://www.imf.org/fr/Publications/WEO/Issues/2017/09/19/world-economic-outlook-october-2017

[2] Central Board of Excise and Customs

[3] GST – Concept & Statuts, à jour au 1er janvier 2018 – https://cbec-gst.gov.in/pdf/01012018-GST-Concept-and-Status.pdf

[4] Article 246A : « Parliament has exclusive power to make laws with respect to good and services tax where the supply of goods, or of services, or both takes place in the course of inter-State trade or commerce.”

[5]. Article 279A.

[6] https://cbec-gst.gov.in/pdf/01012018-GST-Concept-and-Status.pdf

[7] GST – Concept & Statuts, à jour au 1er janvier 2018

[8] Territoires ayant un statut égal aux Etats fédérés mais possédant leur propre corps législatif

[9] https://cbec-gst.gov.in/gst-goods-services-rates.html

[10] GST – Concept & Statuts, à jour au 1er janvier 2018 – https://cbec-gst.gov.in/pdf/01012018-GST-Concept-and-Status.pdf

[11] GST – Concept & Statuts, à jour au 1er janvier 2018 – https://cbec-gst.gov.in/pdf/01012018-GST-Concept-and-Status.pdf

[12] Biens pour lesquels les taxes ou impôts dues à l’import sont moins imports que ceux dues pour l’import des matières premières qui composent les biens.

[13] Once the e-way bill system is implemented, tax avoidance will become extremely difficult, 8 janvier 2018, NDTV

[14] « provided in order to ensure that businesses passes on the benefit of reduced tax incidence on goods or services or both to the consumers », GST – Concepts & Status, à jour du 1 janvier 2018

[15]http://www.cbec.gov.in/resources//htdocs-cbec/gst/AntiprofiteeringWebVersion.pdf;jsessionid=3221F519B33511FBFCBDF09516654009

[16] http://indianexpress.com/article/business/economy/gst-anti-profiteering-finmin-serves-notices-to-mcdonalds-franchisee-2-others-after-complaints-arise-5005476/

[17] Dilasha Seth et Sudipto Dey , Top firms get GST notices on credit claims ; replies sought within hours, 6 janvier 2018, Business Standard

[18] Dilasha Seth et Indivjal Dhasmana, Business and tax experts still face problems in returns on GSTN, 12 janvier 2018, Business Standard

[19] GST Council meet tomorrow : inclusion of real eastate, cut in tax rates may bring cheer before budget, 17 janvier 2018, economic times

[20] Patrick Jain, cabinet PwC India

[21]http://www.cbec.gov.in/resources//htdocs-cbec/gst/AntiprofiteeringWebVersion.pdf;jsessionid=3221F519B33511FBFCBDF09516654009

[22]Aanchal Magazine, GST anti-profiteering: FinMin serves notices to McDonald’s franchisee, 2 others, after complaints arise, 31 décembre 2017, indian express

[23] Données de France Diplomatie, mise à jour le 2 novembre 2017

[24] Taux effectif au 25 janvier2018, suite aux modifications votés par le Ministère des Finances le 18 janvier 2018

Sommaire

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