Article L. 144-3 du Code de commerce et Nullité absolue

Rappel

Si les mesures de publicité ne sont pas sanctionnées par la nullité, les conditions de fond sont sanctionnées par la nullité, notamment l’exigence d’une ancienneté fixée à deux ans d’activité commerciale pour le loueur, prévue par l’article L. 144-3 du Code de commerce.

La loi n° 56-277 du 20 mars 1956, qui réglementait la location-gérance de fonds de commerce, a été abrogée et les dispositions de cette loi figurent aujourd’hui aux articles L.144-3 et suivants du Code de commerce.

La location-gérance est soumise à un certain nombre de conditions de fond et de mesures de publicité. Si les mesures de publicité ne sont pas sanctionnées par la nullité (Cass. com., 5 mars 1969 : Bull. civ. 1969, IV, n° 86), les conditions de fond sont de longue date sanctionnées par la nullité (Cass. com., 22 juin 1976 : Juris-Data n° 1976-097214 ; Bull. civ. 1976, IV, n° 214 ; D. 1976, somm. p. 76), notamment l’exigence d’une ancienneté fixée à deux ans d’activité commerciale pour le loueur, prévue par l’article L. 144-3 du Code de commerce : « Les personnes physiques ou morales qui concèdent une location-gérance doivent avoir exploité pendant deux années au moins le fonds ou l’établissement artisanal mis en gérance ».

Et bien que l’article L. 144-10 du Code de commerce énonce que cette nullité ne peut pas être opposée aux tiers, dans un souci de sécurité juridique, la Cour de cassation a décidé depuis fort longtemps qu’il s’agissait d’une nullité absolue, pouvant être invoquée par l’une ou l’autre des parties. Cet arrêt, fortement motivé par l’ordre public de direction, a été rendu, sous l’empire de la loi du 20 mars 1956, par la chambre commerciale le 4 février 1975 (Cass. com., 4 févr. 1975 : Juris-Data n° 1975-097034 ; Bull. civ. 1975, IV, n° 34 : « (…) Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué (CA Chambéry, 13 juin 1973) d’avoir prononcé la nullité de la location-gérance concédée à Pierre M. par C. au motif que celui-ci ne remplissait pas les conditions exigées d’un loueur de fonds de commerce par l’article 4 de la loi du 20 mars 1956, alors, selon le pourvoi, que la nullité édictée par l’article 11 de la loi du 20 mars 1956 ne peut constituer une nullité d’ordre public puisque « les contractants ne peuvent invoquer cette nullité à l’encontre des tiers » et qu’a fortiori elle ne peut être invoquée contre son cocontractant, par le contractant qui l’a abusé sur l’existence, en sa personne, des conditions prescrites par l’article 4 de la loi précitée ; Mais attendu que la cour d’appel a retenu, à bon droit, que la nullité invoquée par C. n’a nullement été instituée dans l’intérêt de l’une des parties, mais pour des motifs touchant l’ordre public économique, et qu’elle pouvait donc être invoquée par tout intéressé, même par celui qui l’a provoquée par son mensonge ou sa réticence (…) ».

Depuis cet arrêt fondateur, la solution a constamment été réaffirmée (v. par ex. : Cass. com., 13 septembre 2017, n°16-15.049, Publié au Bulletin : retenant quele propriétaire d’un fonds de commerce concluant un contrat de location-gérance doit, à peine de nullité dudit contrat, réitérer sa demande de dispense fondée sur l’article L. 144-4 du code de commerce pour chacun des contrats de location-gérance successifs, aussi longtemps que la condition prévue à l’article L. 144-3 du même code n’est pas remplie). Et cette nullité entraine à l’égard des contractants la déchéance des droits qu’ils pourraient tenir au titre du renouvellement des baux notamment des baux commerciaux (article L.144-10 du Code de commerce) : ainsi, la nullité absolue du contrat de location-gérance consenti par un preneur qui n’a pas exploité le fonds de commerce donné en location-gérance pendant deux années au moins entraîne la déchéance de son droit au renouvellement du bail (Cass. civ. 3ème, 22 mars 2018, n° 17-15.830, Publié au bulletin, cassant CA Pau, 10 janv. 2017, n° 16/01761).

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