CJUE, 6 mars 2018, aff. C-284/16
La CJUE estime que la clause d’arbitrage incluse dans l’accord conclu entre les Pays-Bas et la Slovaquie sur la protection des investissements est incompatible avec le droit de l’Union Européenne.
Ce qu’il faut retenir : La CJUE estime que la clause d’arbitrage incluse dans l’accord conclu entre les Pays-Bas et la Slovaquie sur la protection des investissements est incompatible avec le droit de l’Union Européenne.
Pour mémoire : L’Accord sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (« TBI ») entre le Royaume des Pays-Bas et la République fédérale tchèque et slovaque (devenue la République slovaque) est entré en vigueur le 1er janvier 1992.
L’article 8 du TBI dispose que les différends entre un État contractant et un investisseur de l’autre État contractant doivent être réglés à l’amiable ou, à défaut, devant un tribunal arbitral.
Pour approfondir : La société Achmea, une société de droit néerlandais, a établi en Slovaquie une filiale par l’intermédiaire de laquelle elle offre des assurances maladies privées. En 2006, la loi slovaque est modifiée.
Achmea a alors initié contre la Slovaquie une procédure arbitrale sur la base du TBI, au motif que l’interdiction précitée était contraire à cet accord et que cette mesure lui avait causé un préjudice pécuniaire.
Le tribunal arbitral a constaté que la Slovaquie avait effectivement violé le TBI et lui a ordonné de payer à Achmea des dommages-intérêts.
La Slovaquie a donc introduit devant les juridictions allemandes (le lieu d’arbitrage se situant dans ce pays) un recours en annulation à l’encontre de la sentence du tribunal arbitral, en soutenant que, du fait de son adhésion à l’Union en 2004, le recours à un tribunal arbitral prévu à l’article 8 était incompatible avec le droit de l’Union Européenne.
Saisie dans ce contexte, la Cour suprême allemande a interrogé la CJUE sur le point de savoir si la clause d’arbitrage contestée par la Slovaquie était compatible avec le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), plus précisément avec les articles 267 TFUE portant sur la procédure préjudicielle et 344 TFUE relatif aux compétences fixées par les traités.
Tout d’abord, la Cour a constaté que le droit de l’Union Européenne faisant partie du droit en vigueur dans tout Etat membre et étant issu d’un accord international conclu entre les Etats membres, le tribunal arbitral en cause pouvait être amené à interpréter voire à appliquer le droit de l’Union.
La Cour a ensuite relevé que le tribunal arbitral en question dérogeait aux compétences des juridictions slovaques et néerlandaises si bien qu’il ne faisait pas partie du système juridictionnel respectif de la Slovaquie et des Pays-Bas. Elle a alors constaté que ce tribunal arbitral ne pouvait pas être qualifié de juridiction « d’un des États membres » au sens de l’article 267 TFUE et n’était donc pas habilité à saisir la Cour à titre préjudiciel.
La CJUE ne peut donc pas exercer de contrôle sur la façon dont les tribunaux arbitraux mettent en œuvre le droit communautaire.
Bien que la Cour admette qu’un tel contrôle puisse intervenir par les tribunaux nationaux au stade de l’exequatur, elle souligne que cela ne vaut qu’en matière d’arbitrage commercial.
En effet, selon elle, alors que l’arbitrage commercial trouve son origine dans la volonté des parties, l’arbitrage d’investissement puise sa légitimité dans un traité « par lequel des États membres consentent à soustraire à la compétence de leurs propres juridictions et, partant, au système de voies de recours juridictionnel que le traité UE 6 leur impose d’établir dans les domaines couverts par le droit de l’Union des litiges pouvant porter sur l’application ou l’interprétation de ce droit ».
Par ailleurs, elle a jugé que cet accord ayant été conclu non pas par l’Union Européenne mais par des Etats membres, l’article 8 du TBI était de nature à remettre en cause « le principe de confiance mutuelle entre les Etats membres, la préservation du caractère propre du droit institué par les traités, assurée par la procédure de renvoi préjudiciel prévue à l’article 267 TFUE, et n’est dès lors pas compatible avec le principe de coopération loyale ».
Elle a donc jugé que l’article 8 du TBI portait atteinte à l’autonomie du droit de l’Union. En effet, la clause soustrayait au mécanisme de contrôle juridictionnel du droit de l’Union des litiges pouvant porter sur l’application ou l’interprétation de ce droit.
A rapprocher : Article 267 TFUE