TUE, 26 avril 2018, aff. T-554/14
Lorsque des signes présentent des similitudes visuelles et phonétiques, les différences conceptuelles entre les signes peuvent être telles qu’en définitive les signes ne seront pas jugés comme similaires.
Ce qu’il faut retenir : Lorsque des signes présentent des similitudes visuelles et phonétiques, les différences conceptuelles entre les signes peuvent être telles qu’en définitive les signes ne seront pas jugés comme similaires.
Pour approfondir : Lors de l’enregistrement d’une marque, il convient au préalable de vérifier l’existence d’antériorités susceptibles d’empêcher l’enregistrement de celle-ci. Les tiers ont en effet la possibilité de s’opposer au dépôt lorsque, notamment, ils sont titulaires d’une marque antérieure, identique ou similaire pour désigner les mêmes produits et services.
Pour apprécier la similitude entre les signes, on s’attache à rechercher si les similitudes entre les signes, au niveau visuel, phonétique et conceptuel, sont susceptibles d’entraîner un risque de confusion pour le consommateur concerné.
Le célèbre, et même légendaire, joueur de football Lionel Messi a déposé une demande de marque européenne semi-figurative – incluant son nom « Messi » pour désigner, notamment, des vêtements, chaussures et articles de sport. Une opposition à cette demande a été formée par le titulaire de marques antérieures verbales « Massi » déposées pour désigner des produits similaires. Le joueur se devait donc de défendre la possibilité de se réserver son nom à titre de marque !
Dans un premier temps, l’opposition à la demande d’enregistrement a été accueillie : la division d’opposition de l’EUIPO a jugé que les signes en présence étaient similaires sur le plan visuel et phonétique, ces similarités étant de nature à créer un risque de confusion entre les signes en présence.
Dans un deuxième temps, la Chambre de recours de l’EUIPO a confirmé la décision estimant que les termes « massi » et « messi », sont quasiment identiques sur les plans visuel et phonétique et qu’une éventuelle différenciation conceptuelle ne sera opérée, le cas échéant, que par une partie du public pertinent.
Cette appréciation n’est pas celle adoptée par le Tribunal de l’UE, saisi d’un recours contre cette décision par le joueur à qui l’EUIPO avait refusé la possibilité de déposer, à titre de marque, un signe intégrant son nom.
Le Tribunal va reprendre l’examen de la comparaison entre les signes et de la recherche de similitudes :
- sur le plan visuel : le Tribunal approuve l’appréciation portée selon laquelle la demande de marque peut être considérée comme similaire à la marque antérieure parce que son élément dominant « messi » est extrêmement similaire au signe « massi » ;
- sur le plan phonétique : le Tribunal approuve encore l’appréciation selon laquelle les signes en présence ont une similarité phonétique très importante, voire identique dans certains pays ;
- sur le plan conceptuel : le Tribunal relève tout d’abord que la renommée dont jouit Lionel Messi ne concerne pas que la partie du public qui s’intéresse au football et au sport. Celui-ci est un personnage public connu par la plupart des personnes informées, raisonnablement attentives et avisées, qui lisent la presse, regardent les informations à la télévision, vont au cinéma ou écoutent la radio, où l’on peut le voir et où l’on parle de lui régulièrement.
Ensuite, il convient de tenir compte du fait que les produits visés par les deux marques pour lesquels un risque de confusion pourrait exister sont, notamment, des articles et des vêtements de sport, même s’ils ne se limitent pas au domaine du football.
Or, il paraît peu vraisemblable qu’un consommateur moyen d’articles et de vêtements de sport, raisonnablement attentif, informé et avisé, n’associera pas directement, dans la grande majorité des cas, le terme « messi » au nom du célèbre joueur de football.
Le Tribunal reconnaît la renommée du nom Messi et, en conséquence, estime que compte tenu de cette notoriété le terme « messi » a une signification clairement différente, sur le plan conceptuel, du terme « massi », qui fait référence à un nom à consonance italienne, sans véhiculer de signification particulière, sauf en italien, où il pourrait être traduit comme « grosses pierres ».
Cette différence conceptuelle entre les signes a des conséquences importantes, le Tribunal estime qu’elle neutralise les similitudes visuelles et phonétiques et, en conséquence, exclut tout risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne.
La demande de marque est donc admise et le joueur va pouvoir faire enregistrer le nom Messi à titre de marque.
Les amateurs de football seront rassurés de voir que leur idole pourra déposer une marque intégrant son nom et que sa notoriété est reconnue, les amateurs du droit des marques retiendront, quant à eux, que nonobstant des similitudes visuelles et phonétiques entre deux signes, le fait que l’un d’entre eux soit porteur d’un sens particulier peut exclure toute similitude conceptuelle et, partant, tout risque de confusion.
A rapprocher : Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017