Cass. civ. 1ère, 15 mai 2018, n°17-11.571
« Lorsqu’une succession comporte des immeubles situés dans l’un et l’autre de deux pays dont le défunt a la nationalité, le renvoi opéré par la loi du lieu de situation de l’immeuble impose que le critère de rattachement à la loi nationale du défunt soit apprécié selon les règles de conflit de lois prévues par la loi du pays renvoyant » indique le visa de cet arrêt en date du 15 mai 2018.
Ce qu’il faut retenir : « Lorsqu’une succession comporte des immeubles situés dans l’un et l’autre de deux pays dont le défunt a la nationalité, le renvoi opéré par la loi du lieu de situation de l’immeuble impose que le critère de rattachement à la loi nationale du défunt soit apprécié selon les règles de conflit de lois prévues par la loi du pays renvoyant » indique le visa de cet arrêt en date du 15 mai 2018.
Pour mémoire : Le Règlement (UE) n°650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (le « Règlement »), s’applique aux successions, ayant un caractère international, des personnes décédées à compter du 17 août 2015.
Avant l’entrée en vigueur du Règlement, la succession suivait des règles différentes selon qu’elle concernait des meubles ou des immeubles. Il fallait notamment distinguer le sort des immeubles situés en France et ceux situés à l’étranger. Afin de remédier aux inconvénients en matière de succession immobilière, il existait la théorie du renvoi, c’est-dire que le renvoi opéré par la loi étrangère de situation de l’immeuble pouvait être admis s’il assurait l’unité successorale et l’application d’une même loi aux meubles et aux immeubles.
En l’espèce, cette affaire fait une application spécifique de la théorie du renvoi car celle-ci concerne un décès intervenu avant l’entrée en vigueur du Règlement de 2012.
Pour approfondir : Une défunte, de double nationalité française et espagnole, a laissé comme succession des biens immobiliers situés en France et en Espagne.
Un de ses enfants a assigné en France les autres frères et sœurs en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté, devant le Tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence. Par la suite, est soulevée l’incompétence de la juridiction française pour connaître de la succession de la défunte, s’agissant des biens immobiliers situés en Espagne.
La Cour d’appel, après avoir énoncé que la loi espagnole applicable aux biens immobiliers situés en Espagne dispose, à l’article 9.8 du Code civil, que la nationalité du défunt permet de déterminer le droit interne applicable, a rejeté cette exception d’incompétence.
Elle a affirmé qu’en présence d’une personne ayant la double nationalité franco-espagnole, la nationalité française devait prévaloir ; de sorte que le renvoi à la loi française dont la finalité est l’unité successorale doit être appliquée.
Toutefois, la Cour de cassation casse l’arrêt au motif que la Cour d’appel avait fait « prévaloir la loi française à l’égard d’un binational, alors que la loi nationale de rattachement au sens du Code civil espagnol devait être déterminée selon les dispositions de la loi étrangère telles qu’interprétées par son droit positif ».
Dans cet arrêt, la Cour de cassation met donc l’accent sur le fait que le rattachement qui doit être retenu, doit être celui donné par le droit de l’Etat du domicile (en l’espèce, le droit espagnol). Le principe de primauté de la nationalité française est donc écarté, car c’est un principe de droit français.
Il faut noter que désormais, avec l’entrée en vigueur du Règlement (UE) de 2012, le régime des successions ayant un caractère international a profondément évolué. En effet, pour les personnes qui sont décédées à partir du 17 août 2015, la loi applicable à la succession n’est plus celle de la nationalité, mais celle de la dernière résidence habituelle du défunt, et cela pour l’ensemble des biens (art. 21 §1).
La succession fait désormais l’objet d’un traitement unitaire, peu importe qu’elle porte sur des meubles et/ou des immeubles.
Par ailleurs, la loi applicable peut être celle d’un Etat partie au Règlement ou d’un Etat tiers.
Toutefois, il existe une exception à ce principe. En effet, si le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un Etat autre que celui de la dernière résidence habituelle, il sera exceptionnellement fait application de la loi de cet autre Etat (art. 21 §2).
Il faut notamment noter que désormais, une personne peut choisir comme loi régissant l’ensemble de sa succession la loi de l’Etat dont elle possède la nationalité. La loi choisie peut être celle d’un Etat membre partie au Règlement ou celle d’un Etat tiers. En cas de pluri-nationalités, l’article 22 §1 alinéa 2 met sur le même plan les différentes nationalités.
A rapprocher : Règlement (UE) n°650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012