Projet de loi EGALIM et débats parlementaires
Les dispositions relatives à la distribution des produits alimentaires sont largement débattues et font l’objet d’évolutions importantes par le Sénat.
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Pour approfondir : Le projet de loi relatif aux relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire est largement débattu, malgré la procédure accélérée dont il fait l’objet. Le projet subit donc des modifications régulières au gré des débats de l’Assemblée Nationale, puis actuellement du Sénat, cette étape actuelle ayant substantiellement fait évoluer les dispositions du projet. A la date de rédaction de la présente analyse (soit le 29 juin 2018), le texte prévoit diverses évolutions, dont les principales sont récapitulées ci-dessous.
1. L’augmentation du seuil de revente à perte
L’une des mesure-phares du projet de loi EGALIM est l’augmentation de 10% du seuil de revente à perte des produits alimentaires.
A date, c’est-à-dire en l’état des débats parlementaires au 26 juin 2018 (et dans l’attente de la poursuite des discussions à partir du 2 juillet prochain), le rehaussement de 10% du seuil de revente à perte prévu à l’article 9 du projet de loi s’applique pour l’ensemble des denrées alimentaires, y compris celles destinées aux animaux de compagnie, revendues en l’état au consommateur.
Dès lors, en pratique, les acteurs du secteur devront veiller à ne pas revendre le produit au client à un prix inférieur au prix d’achat effectif (tel qu’il reste défini à l’article L. 442‑2, al.1 du code de commerce) multiplié par 1,1 : Prix d’achat effectif du produit alimentaire x 1,1 = Seuil de revente à perte
2. Les limitations des opérations promotionnelles
La deuxième mesure majeure, dont l’impact pratique est probablement supérieur à celui du relèvement du seuil de revente à perte, est la limitation ponctuelle (2 ans) imposée aux opérateurs sur les opérations promotionnelles.
Au stade du Sénat, le texte de l’article 9 est sensiblement plus précis que le texte initial du projet de loi, donnant ainsi une marge de manœuvre réduite au Gouvernement dans les limitations susceptibles d’être imposées. Il fournit également une date de mise en œuvre, très attendue par le secteur.
Ainsi, à compter du 1er mars 2019 (soit à compter de la date limite d’entrée en vigueur des futures conventions récapitulatives entres fournisseurs et distributeurs), les avantages promotionnels, lorsqu’ils porteront sur des denrées alimentaires (y compris celles pour les animaux de compagnie), ne pourront pas :
- dépasser 34 % du prix de vente au consommateur des produits concernés ;
- s’appliquer à plus de 25 % du volume annuel d’une même catégorie de produits faisant l’objet d’un contrat mentionné à l’article L.441-10 du code de commerce.
Les amendements déposés au Sénat avaient précisé la nécessité d’appliquer ces limitations à tous les avantages promotionnels, qu’il s’agisse de nouveaux instruments promotionnels (NIP, visés au huitième alinéa du I de l’article L. 441-7 du code de commerce) ou non, qu’ils présentent un caractère instantané ou différé (afin de prendre en considération notamment la pratique du « cagnotage »), ou qu’ils soient financés par le fournisseur ou le distributeur.
Leur souhait était également de permettre l’application aux produits MDD (produits sous marque de distributeur).
Cette double limitation en valeur (34%) et en volume (25%) constitue la transcription précise de la double limitation des opérations promotionnelles en valeur et en volume qui avait été annoncée dès la fin des Etats Généraux de l’Alimentation.
3. La suppression de l’interdiction des mentions de gratuité
Les débats à l’Assemblée Nationale avaient abouti à l’ajout d’un article 9 bis au projet de loi, qui interdisait, pour la vente d’un produit alimentaire, toute utilisation du terme de « gratuité » ou ses dérivés ou synonymes comme outil marketing et promotionnel dans le cadre d’une relation commerciale. Cet article a été supprimé lors de l’examen au Sénat, rendant ainsi aux opérateurs une plus grande liberté commerciale et de discours promotionnel.
4. Le maintien de la possibilité de réformer par ordonnance les articles relatifs aux conditions générales de vente, aux conventions entre fournisseurs et distributeurs, à la facturation
L’article 10 de la loi, dans sa rédaction actuelle, conservant l’esprit initial du projet de loi, autorise le Gouvernement à procéder par ordonnances, dans un délai de 6 mois à compter de la publication de la future loi EGALIM, à la modification du Titre IV du Livre IV du code de commerce, notamment pour :
- clarifier les dispositions du code (renvois, etc.)
- clarifier les règles de facturation, en les harmonisant avec les dispositions du code général des impôts, et modifier en conséquence les sanctions relatives aux manquements à ces règles : cette disposition est attendue de longue date par les praticiens, les divergences entre le texte du code général des impôts et le code de commerce rendant difficile la conformité des factures aux dispositions légales, outre qu’elles complexifient la compréhension de leurs obligations en la matière par les entreprises ;
- de préciser les dispositions relatives aux conditions générales de vente. La loi imposerait notamment au distributeur de formaliser par écrit ses demandes de dérogations aux CGV et leurs motifs.
La loi prévoit également que le Gouvernement, en matière de CGV, mettrait en cohérence les dispositions relatives aux produits agricoles et alimentaires, notamment en ce qui concerne les références applicables aux critères et modalités de détermination des prix, avec les dispositions du code rural et de la pêche maritime ;
- de simplifier et préciser les dispositions relatives aux conventions fournisseurs-distributeurs et fournisseurs-grossistes (visées aux articles L. 441‑7 et L. 441‑7‑1 du code de commerce), et notamment :
- pour les conventions conclues entre les fournisseurs et les distributeurs ou les prestataires de service ainsi qu’entre les fournisseurs et les grossistes, le régime des avenants à ces conventions
- pour les conventions conclues entre les fournisseurs et les distributeurs ou les prestataires de services, la prise en compte des obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties afin de déterminer le prix ainsi que la définition du plan d’affaires et du chiffre d’affaires prévisionnel.
Le projet de loi prévoit également, et il conviendra donc d’y être attentif, de modifier :
- la date d’envoi des conditions générales de vente du fournisseur au distributeur ;
- la date de signature des conventions récapitulatives fournisseur-distributeur ou fournisseur-grossiste (visées aux articles L.441-7 et L.441-7-1 du code de commerce) ;
- de simplifier et préciser les définitions des pratiques restrictives (L. 442‑6 du Code de commerce), en ce qui concerne notamment la rupture brutale des relations commerciales, les voies d’action en justice et les dispositions relatives aux sanctions civiles ;
- de modifier les dispositions de l’article L. 442‑9 du Code de commerce pour élargir l’interdiction de céder à un prix abusivement bas aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, tout en supprimant l’exigence tenant à l’existence d’une situation de crise conjoncturelle, et préciser notamment les modalités de prise en compte d’indicateurs de coûts de production en agriculture.
5. Ajout d’une pratique restrictive de concurrence : les pénalités de retard de livraison
Le projet de loi ajoute à la (déjà longue) liste des pratiques restrictives de concurrence, le fait de « soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison fixées sans prise en considération des contraintes d’approvisionnement liées à la qualité et à l’origine propres à certaines filières de production. »
Cette disposition a été insérée par voie d’amendement, du fait que des pénalités sont réclamées aux entreprises lorsque l’objectif de taux de service à leurs clients n’est pas atteint.
Certains produits, sans que la liste soit exhaustive, nécessitent selon les sénateurs, que soient prises en compte leurs contraintes spécifiques. Parmi ces produits, ont été cités :
- produits bios (produits certifiés AB ou sous signe de qualité (label rouge, IGP), car ces produits sont soumis à des fluctuations d’approvisionnement en lien avec leur spécificité ;
- les produits appartenant à des « gammes festives » (ex : chapons à la période de Noël), qui sont issus de filières de production qui sont longues et pour lesquelles il n’existe aucune souplesse de production (ex : stockage) ;
- certains produits de la filière avicole.
Est notamment mis en avant par les sénateurs auteurs de l’amendement, le caractère périssable des produits, leur saisonnalité et « l’extrême réactivité exigée pour les volumes à fournir exposent les industriels à des risquent financiers importants qui doivent être mieux pris en compte par la distribution dans les relations commerciales ».
Ainsi notamment, en matière de denrées alimentaires, les conventions fournisseur-distributeur devront prendre en considération ces éléments pour déterminer si le distributeur (ou le grossiste) peut ou non imposer au fournisseur des pénalités en cas de retard de livraison.
6. L’application des conventions fournisseurs-distributeurs et de l’interdiction des pratiques restrictives de concurrence y compris aux entités étrangères
Un nouvel article, 10 bis, a été introduit et a notamment pour objet de mettre un terme aux pratiques constatées de la part de différents acteurs du secteur de la distribution, notamment en grande distribution alimentaire, tendant à implanter les centrales d’achats ou de référencement hors de France pour tenter d’échapper à certaines dispositions du code de commerce.
Le projet EGALIM prévoit donc de qualifier l’article L.441-7 et l’article L.442-6 du code de commerce de lois de police en précisant que leurs dispositions s’appliqueraient désormais « à tout contrat qui a pour objet l’approvisionnement d’un acheteur de produits destinés à la revente sur le territoire français. ».
Ainsi, dès lors que le produit fourni aura vocation à être revendu en France, peu important la qualité ou la nationalité des parties, ni leur choix d’appliquer un autre droit à leur relation, les parties seront soumises :
- à l’obligation de conclure une convention récapitulative (généralement annuelle), conclue entre le fournisseur et le distributeur, en application de l’article L.441-7 du code de commerce (on note qu’il n’est pour l’instant pas fait mention de l’article L.441-7-1 du même code, qui concerne les relations avec les grossistes ; il serait pourtant logique que cette disposition ait également la qualité de loi de police) ;
- à l’interdiction des pratiques restrictives de concurrence visées à l’article L.442-6 du code de commerce : parmi ces pratiques, figurent la rupture brutale des relations commerciales, le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, l’octroi d’avantages sans contrepartie, etc.
7. L’allongement du délai de notification des regroupements à l’achat dans le commerce de détail
L’article 10 quater A du projet EGALIM renforce la procédure de notification préalable des regroupements à l’achat dans le commerce de détail (qui vise notamment les rapprochements des centrales d’achats et de référencement de la grande distribution alimentaire), en doublant le délai de notification préalable qui passe de 2 à 4 mois et en prévoyant la réalisation d’un bilan concurrentiel de ces rapprochements.
A rapprocher : Dossier du projet de loi EGALIM