Cass. com., 3 mai 2018, n°16-25.067
La clause par laquelle le salarié s’engage, postérieurement à la cessation de son contrat de travail, à ne pas déposer une invention créée pendant l’exécution de son contrat de travail, n’est pas une clause de non-concurrence.
Ce qu’il faut retenir : La clause par laquelle le salarié s’engage, postérieurement à la cessation de son contrat de travail, à ne pas déposer une invention créée pendant l’exécution de son contrat de travail, n’est pas une clause de non-concurrence.
Pour approfondir : L’affaire opposait un ancien salarié, licencié pour faute grave, à son ancien employeur à qui il réclamait diverses sommes au titre d’une invention réalisée pendant son contrat de travail.
Les inventions de salariés obéissent, en effet, à un régime spécifique organisé par le Code de la propriété intellectuelle (article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle), lequel varie selon qu’il s’agisse d’inventions dites de mission, d’inventions hors mission.
En l’espèce, en particulier, le salarié sollicitait le paiement d’une rémunération supplémentaire, en se fondant sur les dispositions du Code de la propriété intellectuelle et celles de la convention collective applicable. A l’aune des stipulations de celle-ci, la Cour va casser l’arrêt de la Cour d’appel, faisant grief aux juges du fond d’avoir alloué une rémunération supplémentaire alors que l’invention n’était pas brevetable et que la convention collective stipulait, s’agissant des inventions non brevetables, qu’elles peuvent donner lieu à l’attribution de primes. Selon la Haute Cour, le versement d’une prime est laissé à la libre appréciation de l’employeur. Précisons ici que la solution ne doit pas être étendue à toutes les situations, la convention collective applicable à chaque situation étant susceptible de contenir des dispositions différentes.
Le second fondement utilisé par le salarié pour obtenir une indemnisation résidait dans la clause de son contrat de travail lui faisant interdiction, pendant la durée de son contrat et les cinq ans suivant sa cessation, de procéder en son nom ou celui d’un tiers, à tout dépôt ou formalités auprès des registres de marques, dessins et modèles, brevets pour des créations inventées pendant l’exécution de son contrat, et lui faisant interdiction, pendant un délai de trois ans à compter de la résiliation du contrat, de publier des articles scientifiques, de diffuser des informations commerciales, des renseignements techniques relatifs à son employeur. Le salarié prétendait que cette clause avait pour objet et pour conséquence de limiter la liberté d’utilisation du savoir-faire acquis auprès de l’employeur et qu’elle devait, en conséquence, être assimilable à une clause de non-concurrence supposant une contrepartie financière. La clause ne comportant pas une telle contrepartie, il réclamait en conséquence d’être indemnisé de la perte de chance d’obtenir telle contrepartie.
Tandis que la Cour d’appel avait suivi l’argumentation, la Haute Cour va au contraire affirmer qu’une telle assimilation ne peut être opérée : « … alors que l’engagement du salarié, après la rupture du contrat de travail, à ne déposer aucun brevet pour des créations inventées pendant l’exécution de son contrat ainsi que son engagement à ne publier aucun article scientifique et à ne diffuser aucune information commerciale ni aucun renseignement technique, relatifs à la société [-], n’étaient pas assimilables à une clause de non-concurrence et n’ouvraient pas droit au paiement d’une contrepartie financière ».
Il faut donc retenir que la clause par laquelle le salarié s’engage, postérieurement à la cessation de son contrat de travail, à ne pas déposer une invention créée pendant l’exécution de son contrat de travail, n’est pas une clause de non-concurrence, elle ne suit donc pas son régime spécifique et, en particulier, ne nécessite pas de contrepartie financière.
La clause de non-concurrence restreint le libre exercice, par le salarié, d’une activité professionnelle ; or, la clause stipulant une interdiction de déposer un brevet n’a pas de tels effets, il est donc logique qu’elle ne soit pas assimilée à une clause de non-concurrence et la solution est, à notre sens, à approuver.
A rapprocher : article L.611-7 du code de la propriété intellectuelle ; article 1134 ancien du Code civil ; article L.1221-1 du Code du travail