CA Versailles, 3 juillet 2018, n°17/03926
Commet une faute contractuelle et ne respecte pas l’exigence de bonne foi posée par l’ancien article 1134 du Code civil (désormais l’article 1104 nouveau du Code civil), le franchiseur qui omet de mentionner des franchisés dans certaines rubriques essentielles de son site internet.
1. Se posait la question de savoir si le franchiseur (exerçant une activité d’agent immobilier) avait (ou non) faillit à ses obligations dans le cadre de la communication diffusée via son site internet. Le contrat de franchise stipulait sobrement à ce titre : « (Le franchiseur) s’engage à faire figurer sur son site une mention expresse informant les clients de l’adresse du cabinet immobilier (…) du franchisé. De son côté, le franchisé pourra gérer un site internet propre relatif à son cabinet immobilier (…) ».
- Sur l’existence d’une faute
2. En l’espèce, des franchisés reprochaient au franchiseur une discrimination dans la présentation du site internet de l’enseigne au double motif :
- d’une part, que l’ensemble des franchisés ne bénéficiait pas de la même visibilité que les agences intégrées du réseau, les franchisés étant exclus de sa communication sur le site internet, tant en ce qui concerne la rubrique « vendre » que la rubrique « gestion locative »,
- d’autre part, que le site internet citait l’agence des franchisés demandeurs une seule fois, qui plus est de manière erronée, tandis que l’agence intégrée située dans la même ville, qui ne faisait l’objet d’aucune mention erronée, était citée deux fois.
De son côté, le franchiseur soutenait que sa seule obligation consistait à faire figurer sur son site l’adresse du cabinet des franchisés, ce qu’il estimait avoir fait. Il faisait valoir n’avoir aucune autre obligation s’agissant des rubriques relatives à la vente ou à la gestion locative, rappelant que le franchisé était lui-même autorisé à créer et gérer son propre site internet.
3. Pour retenir l’existence d’une faute imputable au franchiseur, sur le fondement de l’article 1134 ancien du code civil applicable en l’espèce, la Cour d’appel de Versailles :
- observe que le franchiseur ne contestent pas les faits allégués (justifiés par diverses pièces, dont un constat d’huissier), à savoir que les agences des franchisés, si elles apparaissent bien dans la rubrique générale « agence immobilière » ne figurent pas toutefois dans les sous-rubriques » vendre » et « faire gérer », en sorte qu’un client qui opère une recherche directe dans ces rubriques n’a pas connaissance de l’existence de ces agences ;
- retient que s’il est exact que le franchiseur a pris l’engagement de faire figurer sur son site une mention informant les clients de l’adresse du franchisé, cet engagement n’est pas – contrairement à ce qui est soutenu – limité à cette seule obligation, dès lors qu’elles se sont également engagées, de manière plus générale à transmettre un savoir faire couvrant « une communication efficace (…), des valeurs de référence fondées sur la transparence, la responsabilité, le professionnalisme, la compétitivité, la rigueur et la solidarité, des outils informatiques performants, un site INTERNET efficace, au nom de domaine (…), qui permet au franchisé de proposer à la clientèle tout ou partie de ses biens à vendre et à louer (….) ».
- souligne qu’un site Internet qui ne mentionne les agences franchisées que dans une rubrique générale, mais omet de les faire figurer dans les rubriques spéciales « vendre » ou « faire gérer », vers lesquelles se dirigent directement certains clients ne constitue manifestement pas un « outil performant » et un site « efficace », en ce sens qu’il risque d’aboutir à la perte de certains clients se dirigeant vers les agences intégrées seules mentionnées dans les rubriques spéciales.
- relève au surplus que cette perte de clients devait se faire au profit des agences intégrées, alors même que le franchiseur axe sa communication à destination des candidats à la franchise sur le slogan « pas de différence de traitement entre le réseau intégré et le réseau franchisé », ce qui dénote une particulière déloyauté dans les relations franchiseur/franchisé.
L’absence de mention des franchisés dans certaines rubriques essentielles du site internet de la société franchiseur démontre le manquement de cette dernière à ses obligations contractuelles.
- Sur l’existence d’un préjudice
4. Les franchisés affirmaient avoir subi chacun un préjudice « forfaitaire de 30.000 euros » du fait de leur omission dans certaines rubriques du site.
La Cour retient à ce titre :
- d’une part, que l’unique préjudice allégué portait en réalité sur la perte d’un seul et unique client dirigé vers une agence intégrée d’une ville alors que la prestation recherchée dépendait de l’agence franchisée d’une autre ville ;
- mais d’autre part, que le courrier du franchiseur versé aux débats, qui n’est corroboré par aucun autre document extérieur à cette société, est en soi insuffisant à démontrer la perte de ce client ;
- et que, dès lors, leur demande indemnitaire doit être rejetée, faute pour les sociétés franchisées de justifier du préjudice qu’elles invoquent.
A rapprocher : Article 1104 nouveau du Code civil ; Article 1134, al.3 ancien du Code civil