Cette affaire concernait l’examen d’accords de partenariat conclus entre le groupe Carrefour et seize de ses fournisseurs.
Dans le cadre d’une enquête nationale portant sur les conditions de mise en œuvre de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, ainsi que des autres dispositions du titre IV du livre IV du code de commerce, la DGCCRF avait examiné les contrats conclus pour l’exercice 2006 entre les groupes de la grande distribution et leurs fournisseurs. Dans le cadre de cette enquête, les enquêteurs avaient examiné les « accords de partenariat » conclus entre le groupe Carrefour et seize de ses fournisseurs, et plus particulièrement les accords relatifs aux « services distincts » de ceux visant à favoriser la commercialisation des produits des fournisseurs, suivant la classification posée par l’article L. 441-7 du code de commerce.
Selon le ministre de l’économie et des finances, le groupe Carrefour avait bénéficié de rémunérations manifestement disproportionnées eu égard à la valeur des services rendus, voire ne correspondant à aucun véritable service (le ministre chargé de l’économie dispose en effet d’une action autonome de protection du marché et de la concurrence qui vise à sanctionner de façon suffisamment dissuasive la commission de pratiques abusives portant atteinte à la loyauté des relations commerciales au détriment de l’un des partenaires commerciaux).
La DGCCRF avait donc assigné la SAS Carrefour Hypermarchés devant le tribunal de commerce d’Evry, qui l’avait condamnée au paiement d’une amende civile de 2 millions d’euros, sans pour autant annuler les clauses litigieuses ni ordonner la restitution des sommes indûment perçues.
Ce faisant, la Cour d’appel de Paris confirme tout d’abord le jugement déféré en ce qu’il :
– a jugé que la SAS Carrefour Hypermarchés avait obtenu en application des accords de partenariat conclus avec certains de ses fournisseurs des rémunérations manifestement disproportionnées au regard des services rendus, ou ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu, au sens de l’article L. 442-6 I 1° du Code de commerce,
– a condamné la SAS Carrefour Hypermarchés au paiement d’une amende civile d’un montant de 2 millions d’euros.
Puis, ajoutant au jugement déféré, la Cour d’appel de Paris prononce la nullité des clauses fixant la rémunération pour les seize fournisseurs des services litigieux, et ordonne en conséquence la répétition de l’indu, par le paiement entre les mains du Trésor Public, appelé à les reverser aux fournisseurs concernés, des sommes indûment perçues au titre de ces contrats, pour un montant global de l’ordre de 17 millions d’euros.
Pour justifier cette condamnation, la Cour d’appel de Paris relève que si le trouble porté à l’ordre économique généré par ces pratiques doit être sanctionné par le versement d’une amende civile, « la réparation du trouble passe par la restitution aux fournisseurs des sommes indûment versées ».
Rappelons que le Conseil constitutionnel a confirmé il y a peu (Cons. constit., déc. n°2011-126 QPC, 13 mai 2011, JO 13 mai 2011, p. 8400) la constitutionnalité de l’action du ministre chargé de l’économie (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs), qui peut demander que soit ordonnée la cessation des pratiques visées à l’article L. 442-6 du code de commerce, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites, demander la répétition de l’indu et le prononcé d’une amende civile ainsi que la réparation des préjudices.
Ce dispositif légal s’est d’ailleurs considérablement renforcé depuis l’entrée en vigueur de la LME du 4 août 2008 (dont les dispositions s’appliquent aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2009).
En effet, outre qu’elle peut ordonner la cessation des pratiques commerciales abusives, constater la nullité des clauses ou contrats illicites, ordonner la répétition de l’indu, ordonner le paiement d’une amende civile égale au triple du montant des sommes indûment perçues (alors qu’une telle amende était auparavant plafonnée à 2 millions d’euros), la juridiction civile peut également ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci selon les modalités qu’elle précise, voire ordonner l’exécution de sa décision sous astreinte.