L’Acte Uniforme relatif à la Médiation dans l’OHADA

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ALBARIC Cristelle

Avocat associée - Docteur en droit

Entré en vigueur le 15 mars 2018

Le 27 septembre 2018 a eu lieu à Paris la réunion mensuelle de la maison de l’Afrique sur le thème de la cassation et l’arbitrage dans la zone OHADA, l’occasion pour nous de faire le point sur le règlement alternatif des litiges, l’acte uniforme relatif à la médiation (AUM) entré en vigueur le 15 mars 2018.

Ce qu’il faut retenir : Le 27 septembre 2018 a eu lieu à Paris la réunion mensuelle de la maison de l’Afrique sur le thème de la cassation et l’arbitrage dans la zone OHADA, l’occasion pour nous de faire le point sur le règlement alternatif des litiges, l’acte uniforme relatif à la médiation (AUM) entré en vigueur le 15 mars 2018.

Le but recherché par cet AUM est non seulement de promouvoir la pratique de la médiation à côté de l’arbitrage déjà bien ancré en OHADA, mais aussi et surtout de fournir un cadre juridique sécurisant à ceux qui souhaitent recourir à cette pratique.

Pour mémoire : L’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) est une organisation intergouvernementale d’intégration juridique. Instituée par le traité du 17 octobre 1993 signé à Port-Louis (Ile Maurice), tel que révisé le 17 octobre 2008 à Québec (Canada), cette organisation regroupe à ce jour 17 pays africains (260 millions d’habitants) et reste ouverte à tout État membre de l’Union africaine, voire à tout Etat non membre de l’Union africaine qui serait invité à y adhérer du commun accord des Etats membres.

L’OHADA a été créée dans un contexte de crise économique aigüe et de chute drastique du niveau des investissements en Afrique, l’insécurité juridique et judiciaire étant alors identifiée comme cause majeure de défiance des investisseurs. Afin d’y remédier, l’OHADA a reçu pour mission de rationaliser l’environnement juridique des entreprises afin de garantir la sécurité juridique et judiciaire des activités économiques, dans la perspective de stimuler l’investissement et de créer un nouveau pôle de développement en Afrique. Dans l’optique de parvenir à ses objectifs l’OHADA a élaborer un droit des affaires commun pour ses Etats membres qui est contenu dans des Actes uniformes tels que l’Acte uniforme relatif à la méditation.

Adopté le 23 novembre 2017, l’Acte uniforme relatif à la médiation (AUM) constitue le dixième texte de droit uniforme adopté par l’OHADA. Ce nouveau texte, entré en vigueur le 15 mars 2018, vient pallier le vide législatif qui existait dans la plupart des Etats membres de l’OHADA sur la médiation, mode amiable de règlement de différends.

D’un point de vue comparatif, le droit de l’Union Européenne encadre la médiation dans sa directive 2008/52/CE. Dans son article 3 la directive européenne définit la médiation comme : « un processus structuré, quelle que soit la manière dont il est nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par elles-mêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. Ce processus peut être engagé par les parties, suggéré ou ordonné par une juridiction ou prescrit par le droit d’un État membre ».

Pour approfondir :

  • Définition et principes directeurs de la médiation

La médiation se présente comme une forme de justice souple, confidentielle, plus rapide et moins coûteuse que la justice étatique et arbitrale. Le nouveau texte détermine les principes directeurs de la médiation tout en encadrant la procédure de celle-ci, notamment son déclenchement, son déroulement et son dénouement.

Le législateur a opté pour une définition large de la médiation qui est traitée dans l’article 1er de l’AUM et qui définit la médiation comme : « tout processus, quelle que soit son appellation, dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d’un litige, d’un rapport conflictuel ou d’un désaccord (ci‐après le « différend ») découlant d’un rapport juridique, contractuel ou autre ou lié à un tel rapport, impliquant des personnes physiques ou morales, y compris des entités publiques ou des Etats ».

Par ailleurs, il est précisé que la médiation peut être mise en œuvre par les parties ou sur la demande/invitation d’une juridiction étatique, d’un tribunal arbitral ou d’une entité publique compétente.

La médiation est gouvernée par des principes directeurs et par des règles encadrant les échanges entre le médiateur et les parties.

Il s’agit des principes garantissant le respect de la volonté des parties, l’intégrité morale, l’indépendance, l’impartialité du médiateur, la confidentialité et l’efficacité du processus de médiation (Art. 8).

En outre, le médiateur doit s’assurer que la solution envisagée reflète la volonté des parties et est conforme à l’ordre public. Durant la médiation, le médiateur est autorisé à rencontrer les parties ainsi que communiquer avec elles, soit ensemble, soit séparément.

Dans le cas d’une rencontre effectuée séparément, le médiateur doit toutefois informer l’autre partie ou son conseil au préalable ou le plus rapidement possible après son entretien. Les informations reçues de la part d’une partie par le médiateur peuvent être révélées à l’autre partie sauf si les informations ont été données sous la condition expresse de demeurer confidentielles (Art.9).

La possibilité que des informations demeurent confidentielles semble porter atteinte au principe du contradictoire En effet, il est possible de se demander si le fait qu’une partie au conflit accepte une solution considérée comme amiable dans l’ignorance d’une information qui, si elle en avait connaissance, lui aurait permis de prendre sa décision en toute connaissance de cause reflète exactement la volonté de cette partie.

Qui plus est, les informations relatives à la procédure de la médiation doivent rester confidentielles auprès des tiers, excepté si les parties ont convenu qu’elles pouvaient être divulguées ou que la loi ou la mise en œuvre de l’accord de médiation exige que ces informations soient divulguées (Art. 10).

  • Le début de la procédure de médiation

La procédure débute lorsque la partie la plus diligente met en œuvre toute convention de médiation écrite ou non. Si la partie invitant l’autre partie à la médiation ne reçoit pas d’acceptation dans les 15 jours de la date de réception, ou a l’expiration de tout autre délai spécifié, l’absence de réponse est considérée comme un refus de recours à la médiation (Art. 4 alinéas 1 et 2).

Il est également envisageable qu’une juridiction étatique ou arbitrale, avec l’accord des parties, les renvoie à la médiation. C’est la juridiction qui fixera le délai de suspension de la procédure (Art.4 alinéa 3).

Le délai de prescription de l’action se suspend avec la médiation sauf convention contraire des parties. Dans l’hypothèse où aucun accord n’a été trouvé à l’issue de la procédure de médiation, le délai de prescription recommence à courir pour un délai ne pouvait être inférieur à 6 mois le jour où la médiation s’est achevée (Art.4 alinéa 4).

  • Le champ d’application de la médiation et son articulation avec d’autres modes de résolution des conflits

La médiation étant un moyen alternatif de régler des conflits, elle entretient des liens très proches avec d’autres modes de résolution des conflits. C’est pourquoi il est nécessaire de déterminer son champ d’application et, le cas échéant, de savoir comment la médiation s’articule avec une autre procédure.

Dans un premier temps, il faut rappeler que la médiation régie par l’AUM ne s’étend pas aux situations dans lesquelles un juge ou un arbitre durant une instance judiciaire ou arbitrale invite les parties à se concilier. En effet, le médiateur n’est pas un arbitre et son rôle est d’aider les parties à trouver une solution amiable à leur litige. Or l’arbitre, comme le juge, peut inviter les parties à se concilier et prendre toutes les mesures utiles en ce sens ce qui n’est pas le cas du médiateur (Art. 2).

Le choix des parties est fondamental dans la détermination du champ d’application de la médiation. En effet, si les parties décident de recourir à une institution de médiation elles adhèrent au Règlement de médiation de l’institution en question (Art.3).

La distinction effectuée dans l’AUM entre médiation et arbitrage est importante car elle évite toute confusion au regard des principes de confidentialité, d’impartialité et de contradictoire.

D’une façon plus spécifique, l’article 11 traite de l’articulation avec des procédures d’arbitrage ou judiciaire et énumère de façon assez large les éléments (informations, déclarations, propositions, avis, preuves) invoqués lors de la médiation qui ne sont pas recevables dans une autre procédure peu importe que le différend soit le même ou non. Cette volonté affichée par l’AUM prouve l’importance accordée par les rédacteurs à la liberté d’expression et à la confiance des parties pour assurer le succès de la médiation.

  • Le statut et le rôle du médiateur

Le médiateur est choisi par les parties d’un commun accord mais il est également possible que les parties demandent l’assistance d’une autorité de désignation afin de lui recommander ou même, sur autorisation des parties, de désigner le médiateur.

Le médiateur, avant tout, doit être une personne compétente et experte. Il est rappelé une nouvelle fois que les qualités fondamentales demandées à un médiateur sont d’être indépendant, impartial et disponible (déclaration écrite de la part du médiateur pour le confirmer). Ces 3 qualités sont fondamentales dans le choix d’un médiateur et plusieurs articles de l’AUM y font référence.

A cet effet, le médiateur doit lui-même signaler toutes les circonstances qui pourraient remettre en cause son impartialité ou son indépendance avant la médiation mais également au cours de la procédure.

En effet, toutes nouvelles circonstances susceptibles de remettre en cause les qualités demandées au médiateur doivent être révélées aux parties qui pourront refuser de poursuivre la médiation (Art. 6).

De plus, le médiateur doit être neutre et loyal, il a en effet pour rôle d’accomplir sa mission avec diligence et doit accorder un traitement équitable aux deux parties. Il n’impose pas de solution au différend mais fait seulement des propositions aux parties. Les parties possèdent également une grande liberté dans la tenue de la procédure. Elles peuvent convenir la façon dont la médiation doit être conduite. En outre, il est explicitement affirmé que, sauf convention contraire des parties, le médiateur ne peut être arbitre, expert ou conseil d’une partie dans un différend qui a fait l’objet de la procédure de médiation ou dans un autre différend né du même rapport juridique ou lié à celui-ci (Art.14).

Toutes ces mesures ont pour principal objectif d’éviter les conflits d’intérêts potentiels dus à la personne du médiateur. Cependant, l’AUM n’impose pas de réelles mesures coercitives au médiateur et il ne met pas en place des sanctions explicites au non respect des principes directeurs de la médiation. Il semble donc qu’il soit laissé aux institutions et aux centres de médiation le soin de sanctionner les conflits d’intérêt. Ce silence du texte met à mal l’œuvre d’uniformisation des règles et des principes directeurs de la médiation.

  • Recours à une procédure arbitrale ou judiciaire

La volonté et l’autonomie des parties à une importance capitale dans la médiation. Il est notamment spécifié que : « Lorsque les parties sont convenues de recourir à la médiation et se sont expressément engagées à n’entamer, pendant une période donnée ou jusqu’à la survenance d’un événement spécifié, aucune procédure arbitrale ou judiciaire relative à un différend déjà né ou qui pourrait naître ultérieurement, il est donné effet à cet engagement par le tribunal arbitral ou la juridiction étatique jusqu’à ce que les conditions dont il s’accompagne aient été satisfaites. » (Art. 15 alinéa 1er)

Toutefois, les parties qui estiment nécessaire d’engager à des fins provisoires et conservatoires une procédure pour sauvegarder leurs droits ne renoncent pas, par cet engagement, à la procédure de médiation (Art.15 alinéa 2).

  • La fin de la procédure de médiation

L’article 12 liste différentes situations durant lesquelles la procédure de médiation prend fin. Par exemple, il est spécifié que la conclusion d’un accord écrit issu de la médiation signé par les parties ou encore la déclaration écrite des parties indiquant au médiateur qu’ils mettent fin à la procédure sont deux cas dans lesquels la médiation se termine.

Il faut noter que lorsque la procédure de médiation ordonnée par un juge ou un arbitre prend fin sans que les parties ne soient parvenues à un accord, la procédure judiciaire ou arbitrale reprend son cours.

En revanche, si la procédure de médiation ordonnée par un juge ou un arbitre prend fin par un accord amiable des parties, l’accord peut faire l’objet d’exécution.

  • L’efficacité et l’exécution de la médiation

Si un accord est trouvé à l’issue de la médiation et qu’un écrit est rédigé entre les parties, cet accord lie les parties et est obligatoire. Il est par conséquent susceptible d’exécution forcé (Art 16 alinéa 1er).

Les parties peuvent également conjointement faire des requêtes afin de renforcer leurs accords en vue d’une exécution.

Elles ont la possibilité de déposer cet accord au rang des minutes d’un notaire ou encore de demander l’homologation ou l’exequatur de l’accord à la juridiction compétente. Le juge ne pourra modifier les termes de l’accord issu de la médiation et sa mission consistera à vérifier l’authenticité de l’accord dans un délai de 15 jours.

Dans l’absence de réponse durant ces 15 jours l’accord de médiation bénéficiera automatiquement de l’homologation ou de l’exequatur. Cependant, si l’accord est contraire à l’ordre public il est possible pour le juge de refuser l’homologation ou l’exequatur (Art.16).

Dans l’hypothèse où une partie estime que l’accord est contraire à l’ordre public, il est possible qu’elle saisisse la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) dans un délai de 15 jours après la notification de l’accord. La CCJA devra avoir statué dans un délai maximum de 6 mois. La décision du juge accordant l’homologation ou l’exequatur de l’accord de médiation n’est toutefois susceptible d’aucun recours (Art. 16).

Sommaire

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