Cass. civ. 3ème, 13 septembre 2018, n°17-19.525
Le preneur ne peut pas demander au juge de réputer non écrite une clause d’indexation au motif qu’elle conduirait, à raison de la date de prise d’effet du renouvellement qui ne correspond pas à la date anniversaire de l’indexation du bail initial, à une distorsion prohibée au sens du code monétaire et financier.
En application de l’article L.112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier, une clause d’indexation doit être réputée non écrite lorsque la période de variation de l’indice n’est pas identique à la durée s’écoulant entre chaque révision.
La Cour de cassation considère ainsi que doit être invalidée la clause d’indexation créant une distorsion temporelle entre la période de variation de l’indice et la durée s’écoulant entre deux indexations (pour un exemple récent, voir Cass. civ. 3ème, 9 février 2017, n°15-28.691).
Mais qu’en est-il lorsque la distorsion ne résulte pas de la clause elle-même ?
Dans la présente affaire, des locaux avaient été donnés à bail commercial. Le bail contenait une clause d’indexation du loyer au 1er janvier de chaque année selon la variation de l’ICC sur une période de douze mois.
Le preneur ayant sollicité le renouvellement du bail, le bailleur avait dans un premier temps opposé un refus, pour finalement exercer son droit de repentir et offrir le renouvellement du bail à effet du 1er février 2006.
Le bailleur a par la suite assigné le preneur en fixation du loyer révisé au visa de l’article L.145-39 du code de commerce, arguant que par le jeu de la clause d’indexation le loyer avait augmenté de plus de 25 % par rapport au loyer retenu lors du renouvellement.
Reconventionnellement, le preneur a sollicité que la clause d’indexation soit réputée non écrite au motif qu’elle créait une distorsion temporelle prohibée par l’article L.112-1 alinéa 2 précité. En application de la clause d’indexation, le bailleur avait procédé à la première indexation du loyer du bail renouvelé le 1er janvier 2007, soit seulement onze mois après le renouvellement du bail, et par comparaison de la variation de l’ICC sur une période de douze mois.
Les juges du fond ont accueilli la demande du preneur, au motif que la période de variation de l’indice (douze mois) était supérieure à la durée s’étant écoulée entre la prise d’effet du bail renouvelé et la première indexation (onze mois).
L’arrêt d’appel est cassé : la Cour de cassation valide la clause d’indexation en considérant que la distorsion constatée ne résultait pas de la clause d’indexation elle-même, mais du décalage entre la date de renouvellement du bail et la date prévue par la clause pour l’indexation annuelle du loyer.
Autrement dit, la clause d’indexation ne peut être réputée non écrite qu’à la condition que la distorsion temporelle constatée résulte intrinsèquement du texte de la clause. Au contraire, si la distorsion a été créée par une circonstance extérieure à la clause, en l’espèce la date fixée pour le renouvellement du bail, la clause d’indexation doit être validée.
Cette solution, pour la première fois énoncée en matière de renouvellement du bail, s’inscrit dans le droit fil d’une précédente décision rendue récemment par la Cour de cassation en matière de révision du loyer (Cass. civ. 3ème, 17 mai 2018, n°17-15.146). Dans cette affaire, la Cour de cassation avait retenu que si le loyer, dans le cadre de sa révision à la valeur locative, est fixé à une date différente de celle prévue par la clause d’indexation, le juge doit adapter le jeu de ladite clause car la révision du loyer ne peut elle-même organiser la distorsion prohibée par la loi.
On notera qu’en l’espèce, et à l’inverse de l’arrêt du 17 mai 2018, la Cour de cassation ne tranche pas la question du traitement de la distorsion constatée, à savoir s’il convient de maintenir le jeu de l’indexation en violation de l’article L.112-1 du code monétaire et financier ou s’il revient au juge de décaler l’indice de référence à la date du renouvellement du bail.
A rapprocher : Article L.112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier ; Article L.145-39 du code de commerce ; Cass. civ. 3ème, 9 février 2017, n°15-28.691 ; Cass. civ. 3ème, 17 mai 2018, n°17-15.146