CA Paris, 7 novembre 2018, RG n°16/10209
Un contrat de franchise doit être annulé lorsque les omissions fondamentales du franchiseur en violation de ses obligations légales d’information pré-contractuelle ont vicié le consentement des franchisés qui ont commis une erreur sur la rentabilité des agences exploitées, erreur déterminante de leur engagement.
Le 11 décembre 2009, la société A. a conclu un contrat de franchise avec la société C., gérée par M. D. et Mme. M., spécialisée dans le secteur de la location de courte durée de voitures et de véhicules automobiles légers, en vue de l’exploitation en exclusivité sous l’enseigne A. d’un fonds de commerce dans la commune d’Alès.
Par acte du 20 février 2012, la société S., filiale du groupe A. aux droits de laquelle vient la société A. par voie d’absorption, a racheté le fonds de commerce exploité par M. D. et Mme. M., ces derniers souhaitant changer de région.
Le 23 février 2012 :
- la société A. a attribué à la société C. l’exploitation de la zone de Toulouse Est par un avenant au contrat de franchise du 11 décembre 2009 ;
- la société S. a donné en location-gérance à la société C. les deux fonds de commerce situés à Toulouse et à Labège.
Parallèlement, la société E. a consenti à la société C. des sous-locations de véhicules suivant un contrat-cadre.
A partir du mois de mars 2013, la société C. n’a plus été à jour des paiements dus à la société. Les sociétés A. et E. l’ont mise en demeure d’avoir à s’acquitter de ses dettes par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mars 2013, restée infructueuse.
Le 6 avril 2013 :
- les sociétés A. et E. ont notifié à la société C. la résiliation du contrat de franchise et contrat-cadre de location de véhicules pour impayés ;
- la société S. a résilié les deux contrats de location-gérance.
Le 16 mars 2013, les sociétés A., E., H. et S. ont assigné la société C. en paiement devant le tribunal de commerce de Paris.
Par un jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 16 mai 2013, la société C. a été placée en liquidation judiciaire et Me V., mandataire judiciaire, a été désignée en qualité de liquidateur. Les sociétés du groupe A. ont alors déclaré leurs créances. Suite à cette décision, les sociétés A., E., H. et S. ont assigné Me V. en qualité de liquidateur de la société C. le 6 juin 2013.
Par jugement du 22 mars 2016, le tribunal de commerce de Paris a dit que tous les contrats liant la société C. aux entités du groupe A. étaient nuls. Les sociétés A., E., H. et S. interjettent alors appel.
Devant la cour d’appel, les demanderesses reconnaissent l’absence de remise d’un document d’information pré-contractuelle mais soutiennent que la société C. n’a pas pour autant été trompée car le franchisé :
- est averti puisqu’il a été agent de comptoir chez Europcar puis a exploité une agence sous enseigne A. à Alès pendant deux années,
- a assisté à des cours de formation dispensés par le franchiseur dans le cadre de son obligation d’assistance ;
- était assisté par un expert-comptable.
La cour d’appel rappelle toutefois que « l’obligation d’information pré-contractuelle pèse sur le franchiseur même en cas de renouvellement d’un contrat, que ce soit par tacite reconduction ou par avenant ». Néanmoins, le défaut d’information n’entraînant la nullité du contrat qu’en cas de démonstration d’un vice du consentement, la cour d’appel relève que :
- les fonds exploités à Toulouse et Labège sont dans une zone géographique très éloignée de celle d’Alès de sorte que, notamment, les informations sur l’état du marché local et les perspectives de développement, s’ils ont été communiqués lors de la conclusion du contrat du 11 décembre 2009, ne sont pas transposables ;
- la jeunesse de M. D. et Mme. M. (respectivement 26 et 22 ans) et leur faible expérience dans le domaine de la franchise ne permet pas de les qualifier de franchisés avertis ;
- le franchiseur n’a pas indiqué la présence de nombreux concurrents à proximité de Toulouse et de Labège ;
- M. D. et Mme. M. n’ont reçu aucune information sur les raisons de cessation de l’activité des précédents exploitants, de sorte qu’ils n’ont pas pu apprécier justement les perspectives de rentabilité des deux exploitations alors que ces données constituent la substance même du contrat de franchise pour lequel l’espérance de gains est déterminante.
Ainsi, la cour d’appel considère que « ces omissions fondamentales du franchiseur en violation de ses obligations légales d’information précontractuelle, que celui-ci ne pouvait ignorer, sont constitutives d’un dol ayant vicié le consentement de M. D et de la société C. qui ont commis une erreur sur la réalité de la franchise et plus particulièrement sur la rentabilité des deux agences, erreur déterminante de leur engagement dès lors que dûment informés de la cessation d’activité des précédents exploitants et de la présence de nombreux concurrents, ils n’auraient pas contracté ou contracté à d’autres conditions ».
Par conséquent, la cour confirme l’arrêt du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de franchise et l’anéantissement des contrats de location-gérance et des contrats subséquents du fait de leur indivisibilité.
A rapprocher : Cass. com., 8 juin 2017, n° 15-29.093 ; CA Paris, 23 novembre 2017, 16/12350, 16/03188, 16/03312, 16/12347, 16/05681 et 16/03315