CA Paris, Pôle 5, chambre 4, 14 décembre 2016, n° 14/14207
Le contrat de franchise ne comportant aucune exclusivité territoriale ne saurait être nul et ne caractérise pas en soi un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Ce qu’il faut retenir :
Il n’entre pas dans l’objet spécifique de la franchise de protéger le franchisé de la concurrence d’autres franchisés dans la même zone de chalandise durant l’exécution du contrat ; dès lors, le contrat de franchise ne comportant aucune exclusivité territoriale ne saurait être nul. De plus, le contrat de franchise ne comportant pas d’exclusivité territoriale ne caractérise pas en soi un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Pour approfondir :
En premier lieu, à la différence du contrat de concession exclusive, qui confère à la zone d’exclusivité territoriale un caractère essentiel, le contrat de franchise peut être valablement conclu sans que le franchisé dispose d’une telle exclusivité. L’absence d’exclusivité territoriale ne fait donc nullement obstacle à la qualification du contrat de franchise. Ce rappel découle logiquement de la définition doctrinale et jurisprudentielle du contrat de franchise.
La Jurisprudence retient en effet que l’exclusivité territoriale n’est pas un élément caractéristique du contrat de franchise (Cass. com., 16 janv. 1990, JurisData n°1990-000058 ; Cass. com., 9 novembre 1993, n°91-20.382, JurisData n°1993–002384 ; Bull. civ. IV, n° 403 : « Attendu que, pour annuler le contrat de franchisage, l’arrêt énonce que, selon celui-ci, » le territoire exclusif est à définir sur Paris ou la Région parisienne ; qu’il apparaît ainsi que l’obligation d’exclusivité du franchiseur, qui est un élément essentiel de ce contrat de franchise, est indéterminée et indéterminable » ; Attendu qu’en se décidant par de tels motifs, impropres à définir en quoi cette clause était déterminante de la volonté des parties de contracter, alors que le contrat de franchise n’est pas nul par le seul fait de l’absence d’une clause d’exclusivité territoriale, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle » ; Cass. com., 19 nov. 2002, D. 2003, p. 2427, note D. Ferrier). Cette solution est régulièrement consacrée par les juridictions du fond (v. en particulier, CA Paris, 12 janv. 1994, JurisData n°020468). La décision commentée procède à juste titre à ce premier rappel (CA Paris, Pôle 5, chambre 4, 14 décembre 2016, n° 14/14207 : soulignant qu’« il n’entre pas dans l’objet spécifique de la franchise de protéger le franchisé de la concurrence d’autres franchisés dans la même zone de chalandise durant l’exécution du contrat, même si certains contrats peuvent contenir une telle protection »).
En second lieu, la Cour d’appel de Paris souligne encore que le contrat de franchise ne comportant pas d’exclusivité territoriale ne caractérise pas en soi un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. En l’espèce, le franchisé faisait valoir que le déséquilibre significatif était justifié dans la mesure où le contrat, qui ne comportait pas d’exclusivité territoriale, prévoyait toutefois une clause de non-concurrence post-contractuelle. Par cette décision, la Cour d’appel de Paris se prononce pour la première fois sur l’application de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce à une clause de non-concurrence post-contractuelle, cette application étant logiquement écartée en ces termes :
« Cette clause de non-concurrence post-contractuelle, d’une durée limitée, a pour objet de protéger le savoir-faire de l’ancien franchiseur et éviter qu’il ne soit divulgué dans un autre réseau. Il s’agit donc d’une restriction de concurrence justifiée par l’objet de la franchise lui-même.
Par ailleurs, il n’entre pas dans l’objet spécifique de la franchise de protéger le franchisé de la concurrence d’autres franchisés dans la même zone de chalandise durant l’exécution du contrat, même si certains contrats peuvent contenir une telle protection. L’objet de ces deux clauses, contractuelles et post-contractuelles, est différent et aucun déséquilibre ne saurait, en soi, en résulter, [le franchisé] échouant à établir que la clause de non-concurrence post-contractuelle serait disproportionnée au regard des obligations mises à la charge du franchiseur, de mise à disposition de l’enseigne, de fourniture du savoir-faire et d’assistance ».
L’arrêt commenté, qui se contente de répondre aux arguments invoqués par les parties, ne revient pas sur les autres obstacles qui, de toute évidence, se dressaient contre la demande du franchisé, à savoir :
- Primo, la notion même de déséquilibre significatif s’analyse au regard du contrat considéré dans sa globalité (Cass. com., 3 mars 2015, n°13-27.525 ; Cass. com., 27 mai 2015, n°14-11.387) et, sur ce point encore, le franchisé n’apportait aucun argument ;
- Secundo, il nous semble que pour qu’une clause soit potentiellement critiquable sous l’angle de la notion de déséquilibre significatif, encore faut-il, que le débiteur de l’obligation démontre que son créancier l’a soumis ou a tenté de le soumettre à un déséquilibre significatif, preuve que le franchisé ne proposait pas davantage d’apporter.
A rapprocher : Cass. com., 16 janv. 1990, JurisData n°1990-000058